Kito©️Robin-Christol

Kito de Pavant : “La Class40 est la seule classe où l’argent ne permet pas de faire la différence”

Troisième il y a quatre ans, Kito de Pavant est de retour en Class40 sur la Route du Rhum-Destination Guadeloupe avec l’ambition de gagner à bord de Made in Midi, l’ancien bateau de Yannick Bestaven. Le skipper languedocien mène parallèlement plusieurs autres projets, il en discute avec Tip & Shaft.

Comment t’es-tu préparé pour la Route du Rhum-Destination Guadeloupe ?
On a récupéré un joli plan Guillaume Verdier il y a un an et nous nous sommes vite aperçus qu’il y avait du boulot dessus, donc on s’est mis au travail pour le remettre un peu à jour. On l’a mis à l’eau début juin et depuis, je navigue quasiment tous les jours, donc on a fait pas mal de milles à sillonner la Méditerranée de long en large entre la Sardaigne, la Sicile, la Tunisie, les Baléares… On devrait partir le 1er octobre de Port-Camargue pour rejoindre Saint-Malo… où on sera les premiers arrivés, comme d’habitude !

Quelles sont les forces et les faiblesses de ton bateau ?
Je pense que c’est un bateau qui a été assez mal construit, du coup pas mal de choses ont été faites depuis quatre ans pour en rectifier les erreurs de jeunesse. Nous, on en a rajouté une couche en le raidissant parce qu’il était un peu souple mais très léger, donc plutôt que de rajouter des gueuses en plomb, on a préféré rajouter de la structure, des raidisseurs longitudinaux, pour le renforcer. On a aussi changé le plan de pont pour le rendre plus adapté à ma façon de naviguer. Après, c’est un bateau très rapide au reaching et au portant, ce qui me semble de bonnes qualités pour la Route du Rhum, et un peu moins à l’aise au louvoyage parce qu’on a des appendices très fins.

Quels objectifs te fixes-tu sur le Rhum ?
En 2014, j’avais terminé troisième avec un peu de frustration, parce que j’avais cassé un spi à Madère. Là, j’y vais pour gagner. J’ai un bateau performant, le skipper a un peu d’expérience – peut-être un peu trop. Mais je manque en revanche d’un peu de certitudes, parce que je ne me suis pas confronté à la concurrence. Je sais qu’il y a quelques marins, comme Yoann Richomme et Nicolas Troussel, qui ont de belles références dans leurs bagages.

Quel regard portes-tu sur la Class40, qui reste dans l’ombre médiatique des Ultim et des Imoca sur des courses comme la Route du Rhum ?
C’est une classe qui mériterait d’être un peu plus suivie, parce que c’est celle qui présente le plus de participants [53 concurrents, NDLR] et les régates les plus serrées. C’est la seule classe où l’argent ne permet pas de faire la différence. Quand on regarde les autres classes au départ du Rhum, on voit qu’en Ultim, il va y avoir une bagarre entre quatre-cinq bateaux, même chose en Multi50 et en Imoca, alors qu’en Class40, tu as quasiment une vingtaine de marins qui peuvent se battre pour la victoire. C’est la seule classe où il v a y avoir vraiment du sport, parce qu’elle a ce grand mérite d’avoir des bateaux qui ne deviennent pas obsolètes à chaque fois qu’un bateau neuf arrive sur le marché, comme c’est le cas en Imoca.

Quel est ton budget sur cette année ?
On avait besoin de 500 000 euros en 2018, parce qu’on a beaucoup travaillé pour remettre le bateau au niveau des meilleurs et il nous en manque encore un peu pour finaliser le budget, puisqu’on est à 350 000.

Que manque-t-il à la Class40 pour faire plus parler d’elle ?
Des têtes de série pour attirer un peu plus les médias et je pense aussi quelques courses ailleurs, notamment en Méditerranée. Il faut sortir la classe de la logique Bretagne et Normandie pour attirer un peu plus de monde. Je pense que des Italiens et et des Espagnols viendraient facilement sur la Class40 parce que les budgets sont moindres, mais ne le font pas, parce qu’il n’y a pas de courses en Méditerranée. C’est un projet sur lequel je propose de travailler.

On entend régulièrement parler de projets de tour du monde, qu’en penses-tu ?
Il y a deux options, soit un tour du monde sans escale du type Vendée Globe porté par Halvard Mabire, qui ne m’intéresse pas spécialement, j’ai aussi entendu parler d’un tour du monde avec des escales passant par les Antilles, Panama, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, je serais plus intéressé par ce projet.

A propos de projet, tu avais proposé une course en Méditerranée à l’Imoca qui a choisi une autre option (Valence-Dublin), peux-tu nous en dire plus ?
J’ai effectivement beaucoup travaillé sur le sujet, mais l’Imoca a fermé la porte, j’étais assez fâché sur la méthode, mais c’est comme ça. C’était un projet ambitieux baptisé Route de Coeur qui devait partir d’Occitanie pour aller à Beyrouth ou en Israël, pour se terminer à Tanger. L’idée était de créer du lien entre les trois continents bordant la Méditerranée.

Parlons d’avenir, sais-tu de quoi ton année 2019 sera faite ?
Je ne sais pas encore, parce que ça dépend un peu de la façon dont mes dossiers avanceront. J’ai notamment un gros projet d’expédition scientifique au-dessus de la pile aujourd’hui, pour lequel je recherche des financements. Ce serait un périple autour du monde en bateau, sur lequel j’embarquerais des scientifiques et une équipe de tournage afin de le faire partager au plus grand nombre, autour du thème du bonheur. L’objectif est d’essayer d’analyser les éléments expliquant comment un humain est en phase avec un environnement donné, ça peut être un fleuve, un océan, une grande ville… C’est un projet sur du long terme, cinq à dix ans, qui coûterait environ 2,5 millions d’euros par an. Sinon, on va sans doute continuer en Class40 : j’hésite à faire une saison aux Antilles dans la foulée de la Route du Rhum puis la course retour entre la Guadeloupe et La Rochelle. Après, cela nécessite de trouver des partenaires.

La page Imoca et Vendée Globe est-elle définitivement tournée ?
Ça tourne toujours dans la tête, j’avais travaillé sur le projet en début d’année et je n’ai pas dit mon dernier mot ; je serais preneur de repartir sur un quatrième Vendée Globe, mais pour l’instant, je n’ai ni bateau ni partenaires. Peut-être qu’un bon résultat sur le Rhum pourrait m’aider – il y a quatre ans, sans mon podium sur la Route du Rhum, je n’aurais sans doute pas fait le Vendée Globe.

Qu’as-tu pensé en voyant le nouveau Charal ?
J’avais suivi le dossier, parce qu’il y a un an, je travaillais sur l’opportunité de faire construire un bateau pour le Vendée Globe et j’avais discuté avec VPLP. C’est un bateau qui me paraît très logique, un bel engin, qui promet des navigations sous haute tension. Après, personnellement, je pense qu’il faudrait revoir complètement la jauge Imoca pour aller vers des vrais bateaux à foils qui volent, ça passerait par changer les safrans, là, on fait des moutons à cinq pattes.

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧