Fabrice Amedeo : “Le métier de marin, c’est ciré-costard”

11e du dernier Vendée Globe à la barre de Newrest-Matmut, l’ancien Gitana 80, plan Farr mis à l’eau en 2007, Fabrice Amedeo repart pour une nouvelle campagne, avec un bateau performant, puisqu’il a fait l’acquisition de No Way Back, l’un des six VPLP-Verdier à foils construits pour la dernière édition. Le journaliste navigateur se confie à Tip & Shaft.

Comment as-tu fait pour acheter No Way Back qui intéressait beaucoup de monde ?
Pendant mon Vendée Globe, je me suis dit que j’avais envie d’y retourner ; j’ai alors profité d’une zone de calme dans le Pacifique pour envoyer des mails afin de me renseigner sur les bateaux disponibles sur le marché, parce que je ne voulais pas repartir avec le même pour ne pas vivre et raconter deux fois la même histoire. Au début, j’étais plutôt parti sur un bateau à dérives plus rapide que le mien, mais Quéguiner a très vite été acheté par Alain Gautier [pour Isabelle Joschke, NDLR]. J’ai également sondé Michel Desjoyeaux pour SMA, mais rien n’était décidé. Du coup, à l’arrivée du Vendée Globe, il ne restait plus grand-chose sur le marché, si ce n’est No Way Back et Safran. Dès que l’opportunité de No Way Back s’est présentée, je me suis mis au travail. Ça a été un énorme défi, parce que le bateau valait cher, 3,2 millions d’euros

Tu n’étais en outre pas le seul sur le coup…
Oui, un autre skipper [Damien Seguin, NDLR] s’était positionné pour acheter le bateau au même prix ; il l’avait d’ailleurs eu parce qu’il s’engageait à reprendre l’équipe en place, alors que de mon côté, j’avais déjà mon équipe. Finalement il n’a pas réussi à aller au bout avec ses partenaires, j’ai alors pu conclure l’affaire fin juin avec le versement d’un premier dépôt. Après, j’ai vécu tout l’été un vrai parcours du combattant, entre les banques, les assurances, j’ai l’impression d’avoir vécu un deuxième Vendée Globe, un Vendée Globe entrepreneurial ! Pour mon premier, j’avais acheté Gitana 800 000 euros [revendu après la Transat Jacques-Vabre à Romain Attanasio pour 500 000 euros, NDLR], ce n’était pas du tout le même modèle. Là, clairement, j’ai changé de catégorie, le montage a été beaucoup plus compliqué.

Quel est le programme du bateau maintenant ?
Il est mis à l’eau lundi, nous allons faire quelques navigations de validation avec Pieter Heerema et son équipe, emmenée par Antoine Mermod. Ensuite, on le convoie à Lorient et on le laisse dans le hangar de Gitana jusqu’en janvier, date de sa remise à l’eau. Le bateau est super propre : même si sa seule ambition était de terminer le Vendée Globe, Pieter l’a développé comme s’il jouait la gagne en le renforçant en fonction de ce qu’il se passait sur les autres foilers. Du coup, je vais très peu toucher au bateau dans les années qui viennent, mes priorités vont être de le fiabiliser et de me hisser le plus possible au niveau de la machine.

Bateau plus performant, cela veut dire budget à la hausse, as-tu de nouveaux partenaires ?
Oui, un nouveau partenaire important, qui m’a permis de consolider mon dossier, arrivera en janvier. A côté, l’autre annonce importante, c’est que Newrest continue jusqu’au Vendée Globe 2020. Je serai sur un budget global de 1,5 million par an, amortissement du bateau et fonctionnement compris. Maintenant, je reste sur le même ADN de projet, avec une équipe restreinte composée de gens compétents et polyvalents (Yvon Berrehar, team manager, son fils Loïc, Julien Romagne, boat-captain, Jérémie Flahault, préparateur), tout en faisant bosser des prestataires extérieurs pour des besoins ponctuels. Et je vais continuer à travailler dans mon coin à La Trinité en faisant appel à des gens plus expérimentés que moi pour m’apprendre à naviguer sur ce nouveau bateau, comme je l’avais fait avec Michel Desjoyeaux pour le dernier Vendée Globe.

Quel est ton programme d’ici 2020 ?
Je fais la Transat Jacques-Vabre sur le bateau actuel avec Giancarlo Pedote, j’enchaîne avec une saison 2018 sur le nouveau bateau dont le point d’orgue sera la la Route du Rhum. Ensuite, j’aimerais bien embarquer avec Arnaud Boissières sur son bateau pour la première étape de la Barcelona World Race, histoire de retourner une fois dans les mers du Sud avant le Vendée Globe, nous en avons parlé. Enfin, la Transat Jacques-Vabre 2019, New York-Les Sables et le Vendée Globe.

Avec ce foiler, tu changes de braquet, donc d’objectif ?
Non, je veux rester sur le même créneau du journaliste-skipper, en partageant mes aventures, notamment sur les réseaux sociaux qui ont très bien marché la dernière fois. Je me rends compte que les gens sont aussi intéressés par ce que l’on vit en mer que par la performance. Après, si j’achète un bateau plus performant, c’est aussi pour monter en puissance, c’est évident que j’irai a priori plus vite qu’avec mon bateau actuel. Mon objectif serait de me rapprocher de la barre des 80 jours, avec toute l’humilité qui s’impose parce que c’est une énorme machine, il va falloir que je me mette au niveau de ce bateau.

Certains marins, au CV nautique plus fourni que le tien, n’arrivent pas à réunir le budget pour acheter des bateaux comme No Way Back. Ne crains-tu pas d’être regardé avec un peu de circonspection ?
Je pense que j’ai toujours été un peu regardé avec circonspection, ça ne va pas vraiment changer ! Après, oui, des gens vont certainement penser que ce n’est pas légitime d’avoir ce bateau, ce que je peux comprendre, parce ce que faire le tour du monde en 103 jourssur un bateau de génération 2008, ce n’est pas un exploit hors du commun, j’en ai complètement conscience. Mais ceux qui pensent ça n’ont pas forcément compris que le métier de marin aujourd’hui, c’est ciré-costard. Eux sont très forts sur la partie ciré, moins sur la partie costard. Ce Vendée Globe 2020, je l’ai commencé alors que je n’étais pas encore rentré du premier, j’ai beaucoup travaillé pour en arriver là, personne ne pourra jamais me l’enlever. Ça m’a permis de gagner cette première étape qui a été d’acheter un très beau bateau sur lequel je vais essayer de progresser pendant quatre ans.


A chacun son livre. Comme d’autres skippers du dernier Vendée Globe avant lui (Sébastien Destremau, Kito de Pavant, Alan Roura), Fabrice Amedeo sort le 20 septembre le récit de son tour du monde en solitaire, Seul face au large – Mon Vendée Globe en 100 mots (Glénat). Si l’intéressé se dit aujourd’hui “skipper à 95%”, il n’entend pas renoncer à son métier de journaliste: “Il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier, je vais essayer de continuer à avoir des collaborations”, explique-t-il.

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