Vincent Riou prépare le Vendée Globe de Sébastien Simon, une des plus grandes course au large.

Vincent Riou : “Le projet de Sébastien Simon me correspond bien”

Après avoir tenté de monter un projet Ultime pour participer à la course autour du monde en solitaire en 2019 à la barre de l’actuel Sodebo (en vente après la Route du Rhum), Vincent Riou va gérer techniquement et sportivement le projet Vendée Globe 2020 de Sébastien Simon présenté le 6 février dernier. Parallèlement, sur un PRB qui va être équipé de foils, il disputera la Route du Rhum-Destination Guadeloupe en novembre 2018. Autant de projets qu’il évoque pour Tip & Shaft.

Où en est ton projet Ultime ?
Le projet Ultime pour 2019 est en train de s’arrêter, parce que je suis arrivé au bout de mes pistes, l’option sur Sodebo durait jusqu’au 31 décembre. Le contexte était compliqué parce que c’est une série qui coûte quand même très cher et qui, à part le monde des records, n’en est qu’au début de son existence ; on voit bien, d’ailleurs, qu’il n’est pas rentré de nouveaux sponsors dans le système. Maintenant, comme je n’ai pas vraiment envie de lâcher le morceau comme ça, je suis en pleine réflexion pour redimensionner mon projet Ultime dans le temps, avec sûrement un objectif Route du Rhum 2022. Et donc un nouveau bateau, en espérant que la série s’affirme suffisamment d’ici là pour justifier un investissement sur un tel engin. Aujourd’hui, le plus dur est de démontrer que le système va être rentable. Je pense que les retombées de la Route du Rhum 2018 et de la course autour du monde en 2019 donneront la réponse à tout ça.

Quand tu proposais ton projet de tour du monde 2019 à des prospects, quels étaient les retours ?
Les gens sont séduits par le concept, mais il y avait la balance entre coûts et recettes difficile à évaluer. En plus, je me suis retrouvé à une période compliquée, dans le sens où cette course 2019 n’existait pas encore. La première annonce vraiment officielle a eu lieu sur le dernier Salon nautique : c’était déjà trop tard parce que les conseils d’administration de fin d’année qui décident des orientations stratégiques des entreprise étaient en train de passer. La course a pris six mois de retard dans l’annonce, ça a été un facteur compliqué à gérer pour moi. Pour arriver à faire monter en conseil d’administration un tel projet avec un budget important, il faut qu’il soit solide. Un des paramètres qui m’a souvent été reproché et qui a été la plus grande cause d’échec dans les négociations, c’était le fait que l’existence administrative de cette course n’était pas encore réelle.

Tu parles de budget important, à combien se montait-il ?
Je cherchais un budget de 7,5 millions d’euros tout compris sur deux ans pour faire la course autour du monde. Avec, derrière, la construction d’un bateau neuf, on passait d’environ 3,5 millions par an à 5-6 millions. Maintenant, le chiffrage est complexe, car pour être compétitif en Ultime, le budget nécessaire aujourd’hui n’est pas forcément le reflet de ce qu’il sera dans trois ou quatre ans. En tout cas, je continue à travailler sur le sujet, parce que c’est vraiment une série qui me fait rêver.

En attendant, tu vas disputer cette saison la Route du Rhum-Destination Guadeloupe, pourquoi et dans quelles conditions ?
C’était de toute façon à mon programme, parce que le plan Ultime ne pouvait que démarrer après la Route du Rhum mais ce n’était pas, en revanche, une priorité de l’organiser. Je savais que j’avais le bateau et un fidèle partenaire pour me soutenir, donc je suis en ce moment en train de finaliser mon montage, ça va être tout à fait traditionnel, avec mes partenaires historiques.

Donc PRB et avec un bateau que tu dotes de foils ?
Oui, avec PRB, et nous allons effectivement mettre des foils. La jauge a changé depuis le 1er janvier 2018, avec la possibilité de régler l’incidence des foils – donc leur poussée -, ce qui permet d’avoir beaucoup plus d’ouverture dans l’utilisation du foil et donc beaucoup plus de polyvalence. Dans ce contexte, c’est devenu évident que le foil devient l’option la plus performante sur un Imoca alors que, jusqu’ici, le résultat des courses dépendait clairement des conditions météo rencontrées.

Quel est le timing des travaux et avec qui travailles-tu ?
Les travaux commencent maintenant, avec l’objectif de mettre à l’eau mi-juillet, ce qui nous laissera trois mois et demi pour mettre au point le bateau. Nous faisons le chantier en interne, les foils sont dessinés par Juan Kouyoumdjian, associé à GSea Design, et seront fabriqués chez CDK.

Après le Rhum, envisages-tu encore de courir en Imoca sur ce bateau ?
Aujourd’hui, je ne sais absolument pas ce que je ferai après. PRB et moi n’avons pas vu d’urgence à se poser la question. Pour l’instant, notre projet est centré autour de la Route du Rhum, on verra ensuite. Nous ne sommes pas dans le contexte d’un projet de quatre ans qui démarre – c’était d’ailleurs déjà le cas il y a quatre ans.

Tu seras en revanche bien occupé par le projet de Vendée Globe de Sébastien Simon, comment le rapprochement s’est-il fait entre vous ?
C’est lui qui est venu me demander si je voulais bien travailler avec lui sur son projet. Au début, je m’étais plus positionné pour faire de la transmission, mais ça l’arrangeait que mon rôle soit étendu à la coordination et à la maîtrise d’œuvre de la conception et de la fabrication du bateau. Je suis ravi, parce que  concevoir un bateau neuf est quelque chose qui me passionne et je ne l’ai pas fait depuis longtemps. Je répétais en plus depuis plusieurs années qu’on manquait de jeunes dans la série : depuis François Gabart, il y a eu peu de jeunes venus faire de la performance. Sébastien, avec qui j’ai navigué sur le Tour de Bretagne l’été dernier, a clairement un avenir dans notre métier : c’est un gars courageux, organisé, sérieux et travailleur, avec des compétences à la fois sportives et techniques.

C’était le bon moment pour toi de travailler sur un tel projet ?
Oui c’est un projet qui me correspond bien aujourd’hui, parce que je suis encore dans le coup : je fais partie de ceux qui naviguent en Imoca depuis le plus longtemps,  sans en être sorti, et c’est cette expérience et cette expertise qu’est venu chercher Seb. Et même si je n’ai que 46 ans, ma carrière est plus derrière que devant moi ; si je ne profite pas des occasions de transmission qui se présentent à moi aujourd’hui, je ne le ferai jamais. Ce n’est pas quand j’aurai 55 ans et que je n’aurai pas mis les pieds dans un Imoca depuis cinq ans que je pourrais dire que j’ai une valeur ajoutée !

Pourquoi avez-vous choisi Juan Kouyoumdjian pour dessiner le futur 60 pieds ?
C’est Sébastien qui a fait le choix. Nous avons consulté VPLP, Guillaume Verdier et Juan qui a eu une démarche complètement différente en nous proposant de nous accompagner du début à la fin de l’aventure. Il nous a aussi offert la chance de pouvoir « choisir » nos concurrents : aujourd’hui, si quelqu’un veut avoir Juan K, Sébastien Simon, s’il estime que c’est un vrai concurrent pour lui et que ce n’est pas dans l’esprit de notre accord, a le droit de dire qu’il ne veut pas le voir travailler avec Juan K. C’est une sorte d’exclusivité et une vraie démarche de proto. Je pense que Juan a affirmé beaucoup plus que les autres son envie de faire un Imoca : même s’il a une grosse expérience en architecture, il savait que l’aspect prise de risques n’allait pas dans son sens, parce que tout le monde a tendance à prendre le même architecte pour limiter la prise de risques économique. Il a su mettre en face une proposition séduisante pour nous donner envie d’aller chez lui.

Ses deux précédents Imoca, Pindar et Cheminées Poujoulat, n’ont pourtant pas eu énormément de réussite, cela ne vous a-t-il pas inquiété ?
Non, il faut voir leur cahier des charges : Pindar était un bateau qui n’a jamais été conçu pour du solitaire, donc forcément, ce n’était pas le bon outil pour le Vendée Globe. Quant au bateau de Bernard, il y a eu, à mon avis, un beau défaut de cahier des charges : pour moi, c’était un Imoca très rapide, mais très compliqué à mener en solitaire. Il était optimisé et rapide entre 90% et 100% de son utilisation ; dès que tu baissais la cadence, c’était plus compliqué.

Après la mise à l’eau, prévue au printemps 2019, continueras-tu à t’investir dans le projet ?
Oui, j’ai aussi un rôle de transmission au niveau sportif, il est très probable que je navigue sur le bateau jusqu’à la fin de l’année 2019. Après, l’année du Vendée, ce sera surtout du solo, il faudra que Seb vole de ses propres ailes. En tout cas, c’est une belle histoire, avec de belles rencontres, je suis ravi de faire partie de ce projet.

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