Ce qu’il faut retenir de la Mini-Transat La Boulangère

Ian Lipinski devant Jörg Riechers et Simon Koster en proto, Erwan Le Draoulec devant Clarisse Crémer et Benoît Sineau en série : la Mini-Transat la Boulangère a livré son verdict. Aidé de Denis Hugues, le directeur de course, de Lucas Montagne, président de la Classe Mini, et de Tanguy Leglatin, entraîneur du pôle de Lorient, Tip & Shaft dresse un premier bilan de cette vingtième édition.

PROTO

Lipinski a assumé. Vainqueur de toutes les courses auxquelles il a participé depuis deux ans, Ian Lipinski était l’archi-favori de cette Mini : il a remporté les deux étapes et est devenu le premier de l’histoire à s’imposer en série (2015) puis en proto. Trop facile ? “Autant, c’était assez logique que Ian domine la saison, avec des formats de courses sur lesquelles la part d’aléatoire est plus faible, autant gagner la Mini-Transat, c’était plus compliqué, parce qu’il y a beaucoup plus de paramètres qui entrent en jeu”, estime Tanguy Leglatin. De son côté, Denis Hugues rappelle : “Sur la première étape, c’était quand même un peu chaud, avec des conditions aléatoires. Mais même dans ces conditions, il a été présent, il a réussi à ne pas se faire tanker et à rester concentré jusqu’au bout. Sur la deuxième, quand son principal concurrent Erwan Le Méné a eu une avarie assez rapidement, le match était presque clos, mais il a parfaitement géré son avance : il n’a pas mis le pied sur l’accélérateur à fond, il a bien écouté les vacations”. Ce succès couronne en tout cas un parcours quasi-parfait de six saisons de Mini qui fait dire à Lucas Montagne : Ian fait partie des grands ministes de l’histoire.
Un podium international et 100% nez rond. Un Français, un Allemand et un Suisse aux trois premières places (et un Italien 5e), le podium de cette Mini-Transat réjouit Lucas Montagne : L’internationalisation de la course au large en solitaire, c’est chez nous que ça se passe ! Non seulement les étrangers sont en Mini, mais en plus, ils y viennent pour jouer la gagne”. Autre caractéristique marquante de ce podium : il est entièrement trusté par des bateaux à étraves rondes. “Depuis la victoire de David Raison en 2011, le clou n’était pas complètement enfoncé, là, c’est fait : aujourd’hui, quand on veut monter sur le podium de la Mini-Transat, c’est avec une carène comme ça”, ajoute le président de la Classe Mini. Denis Hugues se montre moins catégorique, en raison des avaries subies par Erwan Le Méné et Romain Bolzinger, deux « nez pointus » performants, tandis que Tanguy Leglatin estime que “cette Mini a montré que les bouts ronds sont plus polyvalents et plus rapides.
Les foils en question. Seul Mini équipé de foils, Arkema termine 6e au Marin, avec, à l’arrivée, un sentiment mitigé de son skipper Quentin Vlamynck : “Les foils sont vraiment efficaces quand la mer est rangée. Mais quand les vagues se forment, le Mini est trop petit, il subit la mer et tape beaucoup. Il faut vraiment réfléchir pour savoir si c’est une solution d’avenir“. Denis Hugues n’en est pas convaincu : Arkema n’a pas vraiment prouvé que foil était l’arme absolue. Quand on discute avec les différents architectes, certains y croient de moins en moins. Quant à Lucas Montagne , il estime qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions : “Le résultat d’Arkema ne veut pas forcément dire que ça ne marche pas ; en revanche cela signifie que c’est très compliqué à mettre au point et qu’il y aura peut-être des voies sans issue. Le vainqueur de 2019 n’aura pas forcément des foils. Reste que la plupart des nouveaux protos en cours de construction en seront équipés…
SÉRIE
Un podium entre jeunesse et sagesse. 4e et 3e de la première étape aux Canaries, Erwan Le Draoulec et Clarisse Crémer ont terminé aux deux premières places au Marin et au général. Deux profils différents : le premier a débuté le Mini dès 14 ans ; la seconde, diplômée de HEC puis consultante en marketing (voir Tip & Shaft #86), s’est véritablement lancée il y a deux ans. Mais un succès partagé pour ce jeune duo – 20 ans pour Le Draoulec, plus jeune vainqueur de l’histoire, 27 ans pour Crémer – qui a uni ses forces pour progresser sous la férule de Tanguy Leglatin à Lorient. “C’est un des résultats dont je suis le plus fier parce qu’il y a un an, tout le groupe était en retard, explique ce dernier. “Tic et Tac” [Le surnom qu’il leur donne, NDLR] sont venus me demander comment être plus performants. Ils ont cravaché tout l’hiver pour avoir leur bateau prêt, ils ont beaucoup navigué, même sans moi, ils ont fait tout à l’endroit. Lucas Montagne évoque quant à lui des marins modernes qui n’ont négligé aucun compartiment du jeu”, tandis que Denis Hugues ne se montre pas surpris par leur réussite : “Erwan est certes un tout jeune mais il a fait preuve de beaucoup maturité sur la deuxième étape. Quant à Clarisse, c’est une grande bosseuse. OK, elle sait communiquer, mais elle sait aussi naviguer vite et proprement. Pour le directeur de course de la Mini, la vraie surprise se nomme Benoît Sineau, qui complète le podium : “Il n’a pas du tout le même profil, il gère une société de plus en plus importante, il a été tout le temps sur la brèche cette année. Sa 3e place, c’est le salaire de la régularité : une trajectoire très sage et très propre qui privilégie la VMG, en gérant son matériel, son sommeil, sa nourriture”.
Lorient reste au top. Avec trois marins aux trois premières places, le groupe de Lorient – dont fait aussi partie Ian Lipinski – fait une fois de plus carton plein. Sur les 14 vainqueurs de la Mini-Transat depuis 2004, date à laquelle Tanguy Leglatin a débuté ses entraînements, seuls 3 n’en sont pas issus (Corentin Douguet en 2005, Yves Le Blévec en 2007, Aymeric Belloir en 2013). Le triomphe de la méthode Leglatin ? “Ce n’est pas trop difficile, parce que longtemps, nous avons été les seuls à proposer de l’entraînement aux ministes”, relativise modestement ce dernier. Qui voit cependant poindre la concurrence des pôles de Concarneau et de La Rochelle, dont le fonctionnement s’approche du modèle lorientais, renforcé depuis 2010 par Lorient Grand Large. “Jusqu’ici, ces pôles étaient plus destinés à mutualiser les expériences, sans vraiment de souci de performance. Ce qui est nouveau, c’est qu’ils commencent à faire appel à des entraîneurs extérieurs, comme Gildas Mahé à Concarneau (où s’entraînent notamment Tanguy Bourroulec et Pierre Chedeville) ou Julien Pulvé à La Rochelle”, confirme Lucas Montagne.
La razzia des Pogo 3. Alors qu’il y a deux ans, deux Ofcet avaient terminé en tête de la Mini-Transat en série, cette fois-ci, les Pogo 3 ont tout raflé : les cinq premiers sont l’œuvre du cabinet de Guillaume Verdier. “Il y a deux ans, ils n’étaient pas encore optimisés et certains skippers qui naviguaient en Pogo 3 n’avaient pas eu la même préparation que les leaders de cette année”, explique Denis Hugues. Tandis que Lucas Montagne souligne le succès du chantier Structures qui sait proposer un produit performant et un accompagnement”. Cette domination va-t-elle durer ? Pas sûr car se profile dès l’année prochaine l’arrivée de nouveaux bateaux de série à nez rond qui pourraient bien bouleverser la hiérarchie…

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