Ce qu’il faut retenir de la Transat Jacques Vabre

Les podiums de la Transat Jacques Vabre 2017 sont désormais connus. L’occasion d’un bilan, classe par classe, de cette Route du Café, avec l’aide de plusieurs experts : Pascal Sidoine, journaliste à L’Equipe, Yves Le Blévec qui nous a répondu juste avant de prendre la mer -, Ronan Lucas, directeur du Team Banque Populaire, Halvard Mabire, président de la Class40, Thibaut Vauchel-Camus, skipper du futur Multi50 Défi Voile Solidaires en Peloton, Jeanne Grégoire, coach au Pôle Finistère Course au large, et Dominic Vittet, spécialiste du routage météo.

Ultimes : Sodebo à 100%
Le duel annoncé entre Sodebo et le nouveau Maxi Edmond de Rothschild, que beaucoup voyaient vainqueur avant le départ, a finalement tourné à l’avantage du premier. En partie, parce que son rival, trop vite privé de ses foils, n’a pu exploiter tout son potentiel, mais surtout parce que, selon nos experts, Thomas Coville et Jean-Luc Nélias ont fait un quasi sans-faute. “C’est une course parfaitement maîtrisée, ils ont réellement mené le bateau à 100% de son potentiel, suivi de bonnes trajectoires, c’est mérité, c’est leur année”, commente Yves Le Blévec. Tandis que Pascal Sidoine ajoute : “Ils ont su utiliser à la fois la puissance et la fiabilité de leur machine pour attaquer aux bons moments, en se disant que les autres n’oseraient peut-être pas les suivre, ils ont vu juste”.

Pour Dominic Vittet, la victoire s’est jouée en bonne partie sur une option météo : “Au passage de l’anticyclone des Açores, au large de La Corogne, il fallait faire un petit zigzag pour gagner dans l’ouest tout en évitant le cœur de l’anticyclone, Gitana a raté ce petit détail, ça se joue sur un empannage. Reste que tous louent la performance de ce dernier, arrivé 1h47 derrière Sodebo, seulement quatre mois après sa mise à l’eau. Le contrat est largement rempli, le petit souci de foils n’est pas un réel problème sur le long terme, il faut qu’ils soient fiers de leur boulot”, résume Ronan Lucas. Pour Pascal Sidoine, même en archimédien, ils étaient plus que bien, c’est très prometteur”. Ce qui fait dire à Yves Le Blévec : “Avec un bateau aux ailes rapidement coupées, ils arrivent au cul de Sodebo, c’est la preuve que leur potentiel est vraiment impressionnant”.

Multi50 : Roucayrol fait l’unanimité
S’il est un vainqueur qui a fait l’unanimité à Salvador de Bahia, c’est bien Lalou Roucayrol, récompensé de sa ténacité. “Ça fait longtemps qu’on le suit et ça fait plaisir de voir que ce gars est toujours là, avec autant de passion. Il y a d’ailleurs eu un très beau moment à l’arrivée de FenêtréA-Mix Buffet, on a senti qu’Erwan Le Roux, malgré la déception de la deuxième place, était très heureux que la victoire revienne à Lalou, note Pascal Sidoine. Cette victoire, Lalou Roucayrol et Alex Pella sont allés la chercher notamment lors d’un début de course très engagé. Ils ont eu une trajectoire un peu gonflée, il ne faut pas oublier que les Multi50 restent des petits bateaux et que c’est vite la tempête à bord”, juge Yves Le Blévec. Ils ont su ensuite saisir leur chance dans le Pot-au-noir lorsque le tandem Le Roux-Riou, qui était repassé devant grâce “à un choix assez tranché de voiles, à savoir un petit gennak qu’ils pouvaient border sur des points très rentrés” (Thibaut Vauchel-Camus), a cassé sa drisse de grand-voile. Il n’y a pas de hold-up, Arkema était en embuscade”, complète encore Yves Le Blévec.

A l’arrivée, le bilan de cette première transat avec foils est jugée par tous très positif avec des vitesses moyennes très élevées (18,02 de moyenne réelle pour le vainqueur) et, ce qu’ont souligné tous les skippers, davantage de stabilité. “Les trois premiers mettent une « valda » au 60 pieds Imoca de référence, Saint-Michel-Virbac, alors qu’avant, ils arrivaient dans la masse des Imoca. La classe Multi50 est super gagnante dans cette affaire, elle va gagner en place médiatique, c’est de bon augure pour son développement”, se réjouit Thibaut Vauchel-Camus. Ancien de la classe mais toujours attentif à ce qu’il s’y passe, Yves Le Blévec conclut : “Les Multi50 sont une classe avec beaucoup d’avenir. Avec Actual, nous essayons d’en être les promoteurs au sein du Collectif Ultim, en essayant de les associer le plus possible aux événements multicoques, cette Transat Jacques Vabre est une bonne publicité.

Imoca : la maîtrise du tandem Dick-Eliès
Grands favoris avant le départ avec un foiler éprouvé et beaucoup d’expérience, Jean-Pierre Dick et Yann Eliès ont assumé leur statut au terme d’une course menée quasiment de bout en bout. “Ils ont dégagé une impression de maîtrise du début à la fin et affiché une grosse complémentarité entre eux. C’est une super belle histoire, avec cette quatrième victoire pour Jean-Pierre et la transmission de témoin, ils ne pouvaient pas rêver meilleur scénario”, commente Pascal Sidoine. La victoire n’a-t-elle pas été trop facile ? “On pourrait le penser, mais non. S’ils gagnent, c’est surtout parce qu’ils ont fait un sans-faute de trajectoire : ils ont été chercher le front, sont descendus dans la traîne comme il fallait, ont empanné à l’exact moment, ont remis une petite couche dans l’ouest… Et un mec comme Yann, on sait que quand il prend la tête des opérations, il est quasiment indéboulonnable”, analyse Dominic Vittet. Qui leur attribue “un 20/20 et un “19/20” aux deuxièmes, Paul Meilhat et Gwénolé Gahinet, à ses yeux “deux futurs vainqueurs”.

Quid des troisièmes, Morgan Lagravière et Eric Péron ? Le même Dominic Vittet se montre plus circonspect : “A un moment, il fallait accepter d’aller dans le mauvais temps pour avoir une bonne position stratégique, ils n’ont pas été au combat en ne poussant pas le bouchon à l’ouest. Morgan n’a sans doute pas encore cette volonté de vaincre à tout prix que l’on retrouve chez Yann, qui est un tueur. Est-ce qu’il va combler cette petite faiblesse ? Ce qui est sûr, c’est qu’en termes de performances et de toucher de barre, il est exceptionnel. Jeanne Grégoire conclut en mettant en avant deux enseignements principaux de ce podium : “Les trois premiers sont des couples bateau/skipper qui existaient déjà sur le Vendée Globe, les deux premiers ont participé cette année avec beaucoup d’engagement à tous les stages à Port-la-Forêt”. La prime à l’expérience et au travail…

Class40 : quelle régate !
La course en Class40 aura donné lieu au plus grand suspense avec un match à trois entre V and B (Maxime Sorel/Antoine Carpentier), Aïna Enfance & Avenir (Aymeric Chapellier/Arthur Le Vaillant) et Imerys-Clean Energy (Phil Sharp/Pablo Santurde) remporté par le premier avec 17’42 d’avance sur le second. “C’est une classe qui offre toujours des régates extraordinaires, avec des bateaux très proches, c’est une Solitaire du Figaro de 17 jours apprécie Dominic Vittet. Où s’est finalement jouée la victoire ? “La différence entre V and B et Aïna se fait à mon avis dans un décalage de mise à l’eau, de connaissance du bateau et de préparation. Quant à Phil Sharp et Pablo Santurde, ils ont été un peu handicapés en vitesse après la sortie du Pot-au-noir. La nouvelle génération des Mach a un petit plus dans certaines conditions de portant”, analyse Halvard Mabire (contraint à l’abandon sur avarie) qui note au passage : C’est la Transat Manuard, les quatre premiers sont des Mach. C’est dommage que Carac et nous n’ayons pas pu titiller leur hégémonie”.

Egalement contraint à l’abandon sur Carac, plan Lombard, Louis Duc, blessé au genou, ajoute (voir le communiqué de presse) : “Jusqu’au Pot-au-noir, Phil et Pablo ont mené la course de main de maître, comme quoi la connaissance du bateau est très importante. Après, la puissance des carènes d’Aïna et de V and B a parlé”. Reste que, même plus ancien, Imerys est resté dans le match, ce qui fait dire à Halvard Mabire : “On a encore la confirmation que les nouveaux bateaux ne tuent pas la flotte. Ça peut encourager de bons marins à venir batailler pour la victoire en Class40, plutôt que de jouer les seconds rôles en Imoca.” Avant de conclure : “D’ailleurs, c’est intéressant de constater sur cette transat la proximité entre les premiers Class40 et les derniers Imoca”.

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