Transat Jacques Vabre : comment s’organisent les routeurs

Transat Jacques-Vabre, records en solitaire autour du monde, Trophée Jules-Verne, Mini-Transat La Boulangère, Volvo Ocean Race : rarement l’actualité de la course au large n’aura été aussi chargée qu’en ce mois de novembre. A terre, l’activité bat également son plein pour les routeurs qui ne savent plus où donner de la tête ! Tip & Shaft s’est intéressé à leurs profils et à leur organisation.

Parmi les routeurs actuellement à l’oeuvre, certains sont de purs spécialistes de l’analyse météo. C’est le cas de Sylvain Mondon, ex de Météo France – désormais spécialiste du changement climatique – qui collabore sur la Transat Jacques Vabre (où le routage est autorisé uniquement pour les multicoques) avec Prince de Bretagne. C’est le cas également de Richard Silvani, en charge des prévisions pour l’organisation de la transat en double.

De son côté, Christian Dumard officie pour Sodebo (vainqueur ce lundi en Ultime) et Réauté Chocolat, sur la transat en double, et pour Yves Le Blévec sur son tour du monde à l’envers. Il fournit également, via la société Great Circle, les bulletins météo quotidiens de la Mini-Transat La Boulangèreet de la Volvo Ocean Race. Son confrère Jean-Yves Bernot travaille pour François Gabart sur sa tentative de record du tour du monde en solitaire, mais aussi pour le Maxi Edmond de Rothschild (qui a terminé deuxième, 1h47 derrière Sodebo) et le Multi50 FenêtréA-Mix Buffet sur la Jacques Vabre… et pour Spindrift, actuellement en stand-by en vue du Trophée Jules Verne.

Trop pour un seul homme ? Pour Christian Dumard, “ce n’est pas possible d’avoir plus de deux projets gagnants en même temps et de travailler avec deux bateaux d’une même classe qui partagent les mêmes enjeux”. Jean-Yves Bernot ajoute : Quand on a deux bateaux, on a déjà les mains pleines si on veut le faire proprement”. L’intéressé s’est du coup entouré, faisant venir dans sa maison de Châtelaillon-Plage une petite équipe de quatre personnes choyées par une cuisinière. En plus de Julien Villion (barreur du Diam 24 Beijaflore et PO en Nacra 17), qui joue le rôle d’assistant, “JYB” accueille Antoine Koch, responsable du bureau d’études du Gitana Team (qui a déjà travaillé pour lui), et un représentant de l’équipe Macif – à tour de rôle Emilien Lavigne, Antoine Gautier et Guillaume Combescure (quand ce dernier sera rentré de la Mini-Transat La Boulangère) – spécifiquement dédiés à leur bateau.On s’occupe du suivi de performance de Macif. Comme on reçoit des infos du bord toutes les cinq minutes sur la vitesse, le vent et la configuration de voiles, on réfléchit comment optimiser le routage, explique Antoine Gautier. Le tout en relation constante avec le skipper. Pas par le téléphone : les SMS, messageries WhatsApp et Skype sont bien plus efficaces. L’organisation ? “Ce n’est pas militaire, explique le patron des lieux, tout dépend de l’activité : la première nuit, quand il y a eu le passage de front sur la Jacques Vabre, nous étions tous mobilisés, cela permet en plus de confronter nos idées. On est dédiés à la performance, on travaille quand la tâche le demande”.

Installé à Auray, Christian Dumard travaille seul, mais il est en relation constante avec Thierry Briend et Jochen Krauth, boat-captains de Sodebo et Réauté Chocolat, avec des fonctionnements très différents d’un bateau à l’autre : “Il n’y a pas deux équipages identiques. Par exemple sur Sodebo, Jean-Luc (Nélias, habituel routeur de Thomas Coville quand celui-ci navigue en solo), est très impliqué sur le sujet, du coup, je propose un routage, il regarde de son côté, on confronte nos idées, nous arrivons souvent aux mêmes conclusions.” Où trouve-t-il le temps d’officier également pour la Mini et la Volvo ? “Je ne suis pas le seul sur ces courses, il y a aussi Bernard Sacré chez Great Circle. Les jours où j’ai trop de choses, comme le week-end dernier avec la Jacques Vabre et Yves Le Blévec, il s’occupe des bulletins”.

Parmi les routeurs officiant en ce moment en Multi50 sur la Transat Jacques Vabre, quatre sont eux-mêmes coureurs. Deux intimement liés aux projets pour lesquels ils travaillent, puisqu’ils ont navigué à bord : Karine Fauconnier pour Arkema (blessée, elle a dû céder sa place de co-skipper de Lalou Roucayrol à Alex Pella) et Yvan Bourgnon pour La French Tech Rennes-Saint-Malo sur lequel il avait couru l’épreuve en 2015. Les deux autres sont les figaristes Pierre Quiroga pour Drekan Groupe, qui a chaviré mercredi, et Xavier Macaire avec Ciela Village. Leur fonctionnement est très proche : réception des fichiers le matin et le soir (certains se font aider d’un spécialiste météo, comme Karine Fauconnier qui travaille avec Eric Mas, de Météo Consult), analyse, proposition de routage envoyée au bateau, ajustements dans la journée en fonction de ce qu’il se passe à bord.

La connaissance du trimaran et de l’équipage qu’ils routent est forcément un atout : “Connaissant bien Lalou et sa voix, je sais très bien s’il est cuit ou pas. A un moment donné, mon routage peut être de lui dire d’aller dormir et manger”, confirme Karine Fauconnier qui confie ne jamais dormir plus de deux heures consécutivement, pour ne manquer au maximum qu’un pointage (un toutes les heures sur la Jacques Vabre). A contrario, la méconnaissance du bateau rend le jeu plus compliqué. “Avec Ciela Village, comme c’est un bateau neuf qui n’a fait que cinq-six sorties avant la Jacques Vabre, on n’a quasiment pas de données sur les polaires de vitesse, en dehors des VPP des architectes qui sont parfois optimistes. Si elles ne correspondent pas à la réalité, tu risques de te fourvoyer sur ta stratégie parce que tu n’arrives pas dans les bons timings là où tu voulais aller”, explique Xavier Macaire.

Sur les Multi50, plus volages que les Ultimes, comme le chavirage de Drekan Groupe l’a rappelé, le routeur prend une part plus importante dans la stratégie, les marins se concentrant avant tout sur la maîtrise du bateau : “Ils ont tellement de boulot à faire à bord qu’ils passent moins de temps à la table à cartes. Parfois, j’essaie d’expliquer à Lalou pourquoi on fait telle chose, il me laisse à peine parler”, ajoute Karine Fauconnier. Tandis que Xavier Macaire est complètement passé en mode “téléguidage” : “Comme ils ont cassé leur écran d’ordinateur, ils ne reçoivent plus mes analyses, tout se fait désormais par téléphone, je leur donne des way-points où aller”. D’où l’indispensable relation de confiance qui doit lier skippers et routeurs…


Après le chavirage de Drekan Groupe mercredi soir dans le nord-est des Açores, une opération de récupération du trimaran d’Eric Defert se met en place. A la manœuvre, la même équipe qui a œuvré à plusieurs reprises ces derniers hivers, en particulier sur le sauvetage de SMA à Noël 2015 : Olivier de Roffignac pour l’assureur Pantaenius et le figariste Adrien Hardy en mer.

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