Vendée Globe : la 9e semaine analysée par… François Gabart

Chaque semaine pendant le Vendée Globe Tip & Shaft donne la parole à un expert – skipper, spécialiste météo, membre d’un team, architecte, journaliste… – pour décrypter la course autour du monde. Cette semaine, c’est au tour de François Gabart de livrer son analyse.
  • Atlantique sud éprouvant : “La semaine qui vient de s’écouler a été celle de tous les dangers pour Armel. Il a traversé des situations météorologiques très difficiles, mais s’en est globalement bien tiré. Il aurait pu tout perdre. Je pense qu’il contrôle à nouveau la situation, pour l’instant, et qu’il bénéficie d’un peu de répit. Mais le jeu est loin d’être terminé.
  • Les galères de Thomson : “Alex Thomson qui est revenu tout près d’Armel a également eu son lot de galères, avec notamment la rupture de la galette d’attache de son J1. Cette avarie a failli lui coûter son Vendée. On ne connaît pas tous les détails et il n’a certainement pas tout dit. Mais il semble que ces problèmes soient maintenant derrière lui et qu’il soit à nouveau à l’attaque.
  • Configurations de voiles : “Il y a un point qui a très peu été évoqué et qui est sûrement lié aux événements de cette semaine, c’est la configuration des voiles. Il faut revenir sur les images du départ pour remarquer qu’à ce moment, Alex est sous J2 alors que la plupart des concurrents sont sous J1, notamment Armel. On remarque sur d’autres images que l’amure du J1 d’Hugo Boss n’est pas à l’étrave, comme sur les autres bateaux, mais presque en bout de bout-dehors. (Banque Populaire et Maître Coq ont l’amure de J1 à l’étrave, et celle du code 0 à l’extrémité du bout-dehors). On peut dès lors supposer que le J1 d’Alex est bien plus grand que les J1 classiques, ou un peu plus petit que les J0 classiques. Une configuration qui n’est a priori pas idéale pour faire du près dans 8-14 noeuds. Par contre ça lui permet de libérer une voile de capelage (ou autre) dans certaines conditions. Option qu’Armel n’a probablement pas. On peut encore déduire qu’Alex est limite de range de J1, quand Armel reste à l’aise avec la même voile. Une piste pour expliquer en partie ses avaries de mardi dernier et les différences d’évolution rencontrées dans des conditions très changeantes, comme celle qu’ils viennent de traverser.
  • Le retour de Beyou : “Il ne fait aucun doute que Jérémie Beyou a très bien navigué sur cette dernière semaine. Ses soucis techniques semblent être derrière lui, et il peut exploiter tout son potentiel. Mais il faut être conscient qu’il navigue dans un système différent de la tête de course et que son retour s’explique aussi par les conditions qu’il rencontre. C’est le jeu de l’élastique. Cela dit, Jérémie est en train de devenir une réelle menace pour Alex.
  • Bateaux plus rapides : “La tête de la course a environ un millier de milles d’avance sur mon tableau de marche quatre ans plus tôt. Mais ce n’est pas particulièrement intéressant, car les conditions n’ont rien à voir. Bien sûr, les foils ont montré qu’ils permettaient d’aller très vite dans certaines conditions. Et la flotte a justement bénéficié d’excellentes conditions pour la descente de l’Atlantique et le Sud. Depuis le Horn, c’est un peu différent, et les foils ne font plus vraiment la différence. J’aurais aimé voir ce qu’auraient pu faire des voiliers d’ancienne génération optimisés, comme SMA et PRB sur cette remontée. Je pense qu’ils auraient été largement dans le jeu. Malheureusement la course s’est arrêtée trop tôt pour eux.
  • Dur à l’arrière : “Le trio Le Cam, Dick et Eliès se livre une belle bagarre et c’est très intéressant. Derrière, ça semble plus dur et je dois dire que si le Sud a été relativement clément pour les premiers, ça n’a pas du tout été le cas pour les suivants qui ont rencontré des conditions vraiment difficiles. OFNI restera également et malheureusement un des mots-clés de cette édition. Il y a un véritable paramètre incontrôlable sur cette course et beaucoup en ont fait les frais.”
  • Quid de la suite : “La situation pour la semaine à venir est loin d’être classique et du coup pas forcément fiable. Il faut attendre encore un peu pour pouvoir tirer de véritables plans et tous les routages doivent être pris avec des pincettes. Ce qui ressort ce matin, c’est qu’Alex pourrait ressortir du Pot-au-noir entre 50 et 150 milles derrière Armel. Et Jérémie devrait se retrouver à 4-500 milles derrière le leader. Ensuite, il y a une dépression entre le Cap-Vert et les Canaries, qui entraîne une panne d’alizés. Ça va imposer une trajectoire très Est aux trois premiers, qui vont naviguer dans du vent plutôt mou et très instable. Une chose semble claire, c’est que tout le monde va passer à l’Est de la dépression, et qu’il n’y a qu’une famille de route, et donc pas de choix cornéliens à faire en sortie de Pot-au-noir. C’est un avantage pour Armel qui peut rester en position de marquage, sans craindre un départ d’Alex sur une autre option. La différence va donc se jouer sur la fatigue physique et celle des bateaux. La fin de parcours s’annonce particulièrement éprouvante. Elle est, sur certains paramètres, comparable à ce que j’ai vécu il y a quatre ans.

L’exploit de Coville… et de Joyon : “Ce qu’a fait Thomas est exceptionnel, magique. Il a placé la barre très haut et je me rend assez bien compte de la difficulté de ce qu’il vient de réaliser. Mais une chose est sûre, c’est que son record a décuplé ma motivation d’y aller pour tenter de faire aussi bien, voir mieux. Et je ne peux pas parler de Coville sans évoquer Francis Joyon et son équipe, qui font également quelque chose d’assez fou. Traverser une partie de l’Atlantique Sud, l’Indien et la mer de Tasmanie sur un seul système, avec un enchaînement de journées à plus de 800 milles est incroyable. Spindrift butait toujours contre les fronts l’année précédente, alors que là, tout se déroule au rythme idéal. Idec n’est qu’à mi-parcours et tout peut encore arriver. Mais sa première partie de tour du monde restera sans aucun doute dans les annales. Ce qui se passe cette année est une réelle source de motivation pour mes projets. On voit que c’est possible, qu’il y a encore du potentiel. On se prend à rêver de tour du monde en 35-37 jours en équipage si la météo sourit.

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