Gitana Ultim

Ultim / Class40 : qui va gagner la Route du Rhum ?

Comme lors de chaque grande épreuve, Tip & Shaft fait appel à un panel d’experts pour analyser les forces en présence de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe qui s’élance finalement mercredi à 1415. Pour cette seconde partie consacrée aux Ultims et aux Class40, ont accepté de jouer le jeu : les entraîneurs Tanguy Leglatin et Etienne Saïz, l’architecte Vincent Lauriot Prévost, cofondateur de VPLP, Gildas Morvan, directeur de course cette année de la Finistère Atlantique et des 24h Ultim, les navigateurs Achille Nebout et Pascal Bidégorry, ainsi que Didier Ravon, journaliste pour Voiles & Voiliers et Libération.

 

ULTIM : CAUDRELIER, L’HOMME À BATTRE

Quatre ans après une édition de la Route du Rhum qui avait coûté cher à la flotte des Ultims – abandons d’Armel Le Cléac’h (bateau perdu) et de Sébastien Josse, long arrêt au stand de Thomas Coville -, la flotte se présente au départ avec davantage de certitudes. “On a fait nos calculs, entre l’Azimut en solitaire l’année dernière et les 24h Ultim début octobre, les bateaux de dernière génération sont à 15% d’augmentation de leurs polaires en solitaire, que ce soit au près ou au portant. Les gars arrivent à tenir des cadences de dingue, sans doute parce qu’ils ont plus confiance en leur bateau”, explique Gildas Morvan.

Pour nos experts, le favori est Charles Caudrelier, vainqueur – en solitaire, double ou équipage – de toutes les confrontations avec ses rivaux depuis trois ans. Et qui dispose avec le Maxi Edmond de Rothschild, mis à l’eau en 2017, d’un trimaran fiabilisé et toujours aussi performant, d’autant qu’il a encore été optimisé cette année. “Avec les nouveaux foils mis en place en août, le bateau a franchi un nouveau cran en termes de performances pures, je n’ai pas l’impression qu’il ait de points faibles en vitesse, il n’a au contraire que des points forts”, expliquait mardi dernier dans notre podcast Pos. Report Franck Cammas, qui partageait jusqu’à cette année la barre du plan Verdier avec Charles Caudrelier – dont il sera le routeur aux côtés de Stan Honey et Erwan Israel.

“Tu m’aurais posé la question il y a quelque temps, je t’aurais dit que le point fort de Gitana, c’était le bateau, mais que François (Gabart) avait l’avantage de l’expérience. Aujourd’hui, quand je vois comment Charles a bossé, j’ai le sentiment qu’il est un petit cran au-dessus, estime Pascal Bidégorry. La seule case que Charles ne coche pas, c’est qu’il est bizuth sur la Route du Rhum, tempère Vincent Lauriot Prévost. Je pense que ceux qui l’ont déjà courue appréhendent les choses un peu différemment, au niveau du rythme à imposer, des enchaînements des systèmes, mais aussi de la gestion de l’arrivée. Il y a quatre ans, on a vu Francis (Joyon) passer François (Gabart) parce que je pense qu’il avait une meilleure connaissance du tour de la Guadeloupe.”

 

L’inconnue Gabart

 

Derrière, nos experts mettent quasiment sur un pied d’égalité Armel Le Cléac’h et François Gabart, avec un très léger avantage au skipper de SVR Lazartigue, même s’il n’a plus été vu en course depuis la Jacques Vabre 2021 à cause du conflit qui l’oppose à la classe Ultim 32/23. “François a une très grosse expérience, il sait où il en est, il est déterminé, et sa nouvelle dérive lui apporte un plus”, commente Pascal Bidégorry. Pour Gildas Morvan, l’absence de confrontation avec ses rivaux est cependant un gros handicap : “Charles, Armel et Thomas ont énormément progressé en naviguant ensemble, ils se sont châtaignés, ont poussé fort, on a parfois vu des moyennes à 40 nœuds, sans bobos à l’arrivée, c’est un gros plus pour eux. Je ne pense pas que la courbe de progression de François soit la même.”

L’ancien figariste estime qu’Armel Le Cléac’h a ses chances, ce que pense également Didier Ravon : “Sur les dernières courses, il est vraiment sur les talons de Gitana, je sens Armel très impliqué, avec un esprit revanchard.” Quid de Thomas Coville ? “Il a une expérience colossale mais son bateau est un peu moins performant”, note Didier Ravon, là où Vincent Lauriot Prévost observe “que les performances de Thomas sont inconstantes, il a de très bons moments mais souvent une faille.” Sauf casse parmi les favoris, aucun de nos experts ne voit Francis Joyon ou Yves Le Blevec jouer la victoire : «”Ils auront du mal à tenir la cadence, parce que la dernière génération a vraiment passé un gap. Quand ça va fumer, elle sera 20% plus vite”, estime Gildas Morvan.

Le podium de nos experts : 1. Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), 2. François Gabart (SVR Lazartigue), 3. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire XI)

 

CLASS40 : LES FIGARISTES REBATTENT LES CARTES

Avec 30 bateaux construits depuis la Route du Rhum 2018 sur les 55 au départ de la 12e édition, la Class40 a vécu une révolution due à l’apparition des carènes en forme de scow. De nombreux architectes se sont lancés dans la bataille, donnant naissance, dans le sillage du Max 40 (David Raison), au Mach 40.4 puis Mach 40.5 (Sam Manuard), au Pogo S4 (Guillaume Verdier), au Lift 2 (Marc Lombard Yacht Design), au Clak 40 (VPLP Design), au Cape Racing Scow 40 (Etienne Bertrand) et au Musa 40 (Gianluca Guelfi). Y a-t-il pour autant un dessin dominant ?

“Aujourd’hui, on peut dire que le Lift 2 semble un bateau très performant au près et au reaching, avec pas mal de longueur à la flottaison et beaucoup de puissance, répond Tanguy Leglatin. Le Mach 5 et le Raison sont plus polyvalents, plutôt typés petit temps et grosse brise, le Pogo S4 est très performant au portant dans du médium, comme on l’avait vu sur la Jacques Vabre, il ne faut pas oublier le Mach 4, un très bon bateau de médium avec pas trop de mer.”

“Il n’y a pas un bateau qui domine tous les autres à toutes les allures, donc je suis à peu près persuadé que c’est le marin qui va faire la différence, ajoute le figariste Achille Nebout, qui a navigué en Class40 avec Luke Berry et Xavier Macaire, et lancera son propre projet en 2023. Confirmant que la Class40, en plus de continuer à attirer les marins venus du circuit Mini – Ian Lipinski, Amélie Grassi, Ambrogio Beccaria, Axel Tréhin, Nicolas d’Estais, Keni Piperol, Stan Thuret… -, séduit de plus en plus de skippers passés par la case Figaro. Sont ainsi arrivés cette année Xavier Macaire, Corentin Douguet, Martin Le Pape, tandis que Yoann Richomme, double vainqueur de la Solitaire et tenant de la Route du Rhum en Class40, fait son retour, en attendant la mise à l’eau de son futur Imoca Paprec Arkéa début 2023.

 

Richomme, l’homme à battre ?

 

Et force est de constater que ces figaristes n’ont pas mis bien longtemps à s’adapter à leur nouveau support : Corentin Douguet a remporté les 1000 Milles des Sables et la grande course de la Malouine 40’ Lamotte (devant Yoann Richomme), Xavier Macaire la Drheam-Cup. “Les critères pour gagner cette année ? J’ai déjà fait la Route du Rhum, j’ai déjà gagné des courses et je suis figariste”, affirme ainsi Vincent Lauriot Prévost. “En Figaro, on est obligé de mettre énormément d’intensité pour jouer aux avant-postes, je pense que cette intensité est un point clé pour la Route du Rhum, il faut réussir à entrer tout de suite dans la course, je n’ai aucun doute que les figaristes seront à 100%, voire plus”, confirme Achille Nebout. “Ces gens-là, quel que soit le modèle de bateau qu’on leur met entre les mains, ils sont devant“, poursuit Tanguy Leglatin.

Dans ces conditions, nos experts plébiscitent deux marins : le premier, Yoann Richomme est, pour Vincent Lauriot Prévost, “l’homme à battre” , “un super bon, qui a gagné la dernière fois avec un bateau mis à l’eau très peu de temps avant, comme cette année”, précise Didier Ravon. Le second est Xavier Macaire : “C’est un marin au niveau des Richomme et Douguet, il est sur une dynamique positive, tout est pragmatique avec lui, sans flonflons, il va à l’essentiel“, commente Etienne Saïz qui entraîne le skipper de Groupe Snef du côté de La Rochelle.

Quant à Corentin Douguet, qui, pour Achille Nebout, a l’avantage de “très bien connaître son bateau parce qu’il l’a eu plus tôt que les autres”, il figure au pied du podium de nos experts, devancé par Ian Lipinski, vainqueur cette saison de la CIC Normandy Channel Race. “Son plan Raison est vraiment bien né, un des plus polyvalents, il l’a optimisé chaque année, je suis sûr qu’il peut jouer la gagne”, poursuit Nebout.

Du côté des outsiders, capables de viser le podium, voire la victoire, sont cités Luke Berry, Axel Tréhin, Amélie Grassi, Martin Le Pape, Antoine Carpentier, Simon Koster et l’Italien Ambrogio Beccaria dont le Musa 40 Allagrande Pirelli, mis à l’eau très tard, semble prometteur : “Il manque de temps de préparation, mais s’il passe la première semaine sans trop d’embrouilles, il gagne la course, il est un cran au-dessus”, se risque Tanguy Leglatin.

Le podium de nos experts : 1. Yoann Richomme (Paprec Arkéa), 2. Xavier Macaire (Groupe Snef), 3. Ian Lipinski (Crédit Mutuel)

Photo : Eloi Stichelbaut – polaRYSE

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