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Voile olympique : les enjeux de la saison

La saison olympique se poursuit cette semaine avec la Semaine olympique française de Hyères (27 avril-4 mai) qui, cette année, ne fait plus partie des World Cup Series mais intègre le circuit européen. L’équipe de France, qui prépare les Jeux de Tokyo, y est présente en RS:X, Laser et Laser Radial. L’occasion d’échanger sur les enjeux de cette année pré-olympique avec son directeur, Guillaume Chiellino, et le directeur technique national de la FFVoileJacques Cathelineau.

La qualification olympique des séries

La course à la qualification pour les Jeux olympiques 2020 a débuté l’été dernier lors des championnats du monde World Sailing à Aarhus : la France y a qualifié sept séries sur les dix au programme de Tokyo : RS:X et 470 hommes et femmes, 49er, Laser et Laser Radial, manquent à l’appel le Nacra 17, le 49er FX et le Finn. Les Bleus ont encore deux possibilités de décrocher ces sésames : “Ça va se jouer cette année sur les championnats du monde par série, avec dérogation pour le Finn où ce sont les championnats d’Europe qui sont pris en compte. Il restera ensuite une place par continent, attribuée pour l’Europe sur la World Cup de Gênes mi-avril 2020”, explique Guillaume Chiellino.

Pour se qualifier lors des Mondiaux conjoints de Nacra 17 et de 49er/49er FX (29 novembre-8 décembre à Auckland), la France devra terminer parmi les cinq premières nations pas encore qualifiées en Nacra 17 et parmi les six en 49er FX. Pour les championnats d’Europe de Finn (10-18 mai à Athènes), il faudra se classer parmi les quatre premières nations qui ne sont pas déjà qualifiées. Autant dire que pour la FFVoile, les Mondiaux par série sont les rendez-vous prioritaires de la saison, avec le test-event d’Enoshima (17-22 août), et avant la finale des World Cup Series à Marseille (2-9 juin). “La finale à Marseille, sur le plan d’eau des Jeux de 2024, est importante, mais pour certaines séries, ce sera une régate d’entraînement, on ne peut pas multiplier les objectifs dans une saison”, précise Guillaume Chiellino.

La sélection au sein des séries

En parallèle de cette quête des derniers sésames, a débuté le processus de sélection interne– chaque pays ne peut présenter aux Jeux qu’un équipage par série – ce qui donne lieu sur certains supports à de sacrés casse-têtes, particulièrement en RS:X hommes, où la France compte trois médaillés olympiques en puissance : Pierre Le Coq (en bronze à Rio), Louis Giard et Thomas Goyard“L’an dernier, on a eu deux podiums 100% tricolores en World Cup. Même si c’est extrêmement cruel pour eux de se dire qu’un seul ira aux Jeux, il ne faut que s’en féliciter, c’est un problème de riche, ça montre notre savoir-faire dans cette série”, commente Guillaume Chiellino.

Dans d’autres séries, les hiérarchies sont un peu plus établies sans être définitives, selon le directeur de l’équipe de France : “En RS:X filles, Charline (Picon) a vécu une reprise fracassante après sa maternité, en devenant vice-championne du monde à Aarhus ! C’est une très grosse pointure, même si Lucie Belbéoch, 10e au Danemark, est aussi là. En Finn, Jonathan (Lobert) participe aux championnats d’Europe avec clairement l’intention d’y faire un podium, il en a largement les capacités ; en Laser, on a « JB » (Jean-Baptiste Bernaz), toujours présent quand il est attendu et qui s’est fixé comme challenge d’être champion du monde avant les Jeux. En 470 filles, Camille Lecointre a elle aussi fait un très beau retour après avoir donné naissance à son enfant, elle a raté de peu le podium avec Aloïse Retornaz à Aarhus, elles se sont classées 2e récemment à Palma ; en 470 hommes, on a nos champions du monde, Kevin Peponnet et Jérémie Mion, ce qui n’était plus arrivé depuis 1999, ça montre leur niveau, même si Hippolyte Machetti et Sidoine Dantès ne sont pas loin ; même chose en 49er, où Mathieu Freiet Noé Delpech ont terminé 2e à Aarhus, la meilleure performance française sur un championnat du monde, ils sont concurrencés par un autre équipage de très bon niveau, Lucas Rual/Emile Amoros, 8e aux Mondiaux.”

En Laser Radial et 49er FX, séries où la France évolue actuellement au-delà de la 10e voire de la 15e place mondiale, les jeux sont encore assez ouverts, tout comme en Nacra 17, où trois équipages vont se battre pour une place (si la France se qualifie) : Moana Vaireaux/Noa AncianQuentin Delapierre/Manon Audinet et Billy Besson/Marie Riou. A propos de ces derniers, Guillaume Chiellino se montre confiant quant à leurs chances de retrouver le niveau qui leur a permis d’être quatre fois champions du monde (et 6e à Rio malgré la blessure au dos de Besson) : “Ce sont de grands champions qui ont envie de cette médaille olympique. Et il y a une belle émulation, notamment avec Quentin et Manon qui, avec très peu de pratique ensemble, ont fait une belle régate à Palma (8e), leurs progrès sont assez fulgurants”.

Quels critères seront retenus par le comité de sélection, formé par Jacques Cathelineau, Guillaume Chiellino et le vice-président en charge du haut-niveau olympique, Jean-Pierre Salou, pour choisir l’heureux élu par série ? Ce sont des critères totalement confidentiels,répond Jacques Cathelineau. Quand je suis arrivé à la tête de la DTN en 2013, j’ai constaté que les critères de sélection des coureurs français étaient publiés partout, ce qui n’était pas le cas des autres grandes nations de voile. J’ai depuis mis en place un système de confidentialité. C’est un vrai enjeu stratégique, car si vous les communiquez en identifiant des épreuves, les étrangers peuvent interférer sur votre sélection avec des deuxièmes ou troisièmes couteaux qui vont aller gêner les bateaux français qu’ils ne veulent pas voir sélectionnés. Ce sont des choses qui se sont déjà produites. Aujourd’hui, les candidats à la sélection signent un accord de confidentialité sur ces critères, que nous leur communiquons ensuite, eux seuls les connaissent.” La sélection sera connue “au plus tard fin mars 2020” selon le DTN qui ajoute : “Il est cependant possible qu’on l’annonce de manière échelonnée selon les séries.”

L’objectif à Tokyo ? Il a été fixé par le président de la FFvoile, Nicolas Hénard : “C’est de faire mieux qu’à Rio, dans la perspective de faire un résultat exceptionnel à Marseille, c’est-à-dire un résultat qui n’a jamais été fait. Donc pour Tokyo, il faudra faire mieux que trois médailles, dont une d’or, pour être en ordre de marche pour Marseille”, répond Jacques Cathelineau qui dispose pour cela d’une enveloppe plus confortable, dont il ne précise pas le montant : “Nous avons une augmentation sensible de nos moyens que nous avons négociée avec la nouvelle Agence nationale du sport – qui existait depuis un an sous forme de cellule de préfiguration. Depuis le début de la PO (préparation olympique), nous ne sommes pas freinés par des contraintes budgétaires“.

Paris 2024 en ligne de mire

Si Tokyo 2020 reste l’objectif prioritaire du moment, la FFVoile a déjà commencé à travailler sur l’olympiade suivante qui s’achèvera par des Jeux à la maison, en l’occurrence à Marseille pour la voile. On est en anticipation complète, à la fois sur l’aspect organisation des Jeux et du site, en lien avec le COJO, mais aussi pour la PO, que nous avons engagée avec des jeunes qui ne peuvent pas espérer être présents en 2020″, explique le DTN. Guillaume Chiellino ajoute : “Aujourd’hui, aucun des athlètes de l’équipe de France actuelle n’a dit qu’il arrêtait après 2020, donc potentiellement, il faudra compter sur eux, d’autant que la voile est un sport à maturation tardive. Mais, derrière eux, on a une liste d’une trentaine d’athlètes qui ont envie de bousculer cette hiérarchie et qu’on essaie d’accompagner pour qu’ils puissent jouer aux avant-postes en 2024.”

Parallèlement, la Fédération réfléchit à la meilleure manière d’appréhender les nouvelles épreuves prévues en 2024, notamment celle de course au large mixte“Nous avons des gens extrêmement mûrs en France en course au large, donc on va construire le système de sélection avec eux. Notre principe directeur est d’affirmer : nous sommes chez nous, nous avons contribué à créer cette épreuve, on y va pour la gagner. Donc, on va tout faire pour que l’équipage mixte choisi soit le meilleur du moment, nous ne sommes pas là pour récompenser telle ou telle filière de formation.” Comment s’y prendre ? La réflexion est en cours : “Est-ce qu’il faut sélectionner l’homme de son côté, la femme du sien, et ensuite fabriquer un équipage, ou au contraire d’abord former des équipages mixtes et faire ensuite une sélection ? Tout est ouvert”, poursuit le DTN.  Avant de conclure, à propos du choix du bateau, sur lequel World Sailing devrait se prononcer en fin d’année : “Au sein de la fédération, pour des raisons économiques évidentes, on se dit que plus tard on connaît le support, mieux c’est.”

Photo : Sailing Energy

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