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La classe Multi50 veut continuer à grandir

Avec cinq bateaux à l’arrivée sur six partants et une place sur le podium au scratch, la classe Multi50 a réussi sa Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Si 2019 s’annonce comme une année de transition avec des bateaux qui cherchent preneurs et pour l’instant peu de nouveaux entrants, le cycle qui redémarre pourrait permettre à la classe de franchir un nouveau palier, avec une dizaine de bateaux espérés sur la prochaine Route du Rhum.

Deux mois après la victoire d’Armel Tripon sur la Route du Rhum, la classe Multi50 entame un nouveau cycle de quatre ans avec l’ambition de poursuivre un développement entamé à la sortie de la précédente édition du Rhum sous la houlette notamment de son président, Erwan Le Roux, et de Lalou Roucyarol, piliers des 50 pieds depuis une dizaine d’années. “En 2014, on a cherché avec Erwan à moderniser et à structurer la classe, on est arrivés à six bateaux compétitifs sur la Route du Rhum 2018, dont cinq à l’arrivée, c’est plutôt satisfaisant. Il y a une vraie carte à jouer pour poursuivre dans cette voie”, souligne le skipper aquitain, contraint à l’abandon sur le Rhum pour cause de chavirage.

L’objectif est désormais de muscler un plateau qui, en 2019, reste cependant à ce jour assez incertain. Car parmi les six participants de la transat, seuls trois sont assurés de repartir cette année : Thibaut Vauchel-Camus sur son plan VPLP Solidaires en peloton-ARSEP, mis à l’eau début 2018, Gilles Lamiré, lui aussi un pilier de la classe avec son plan Irens-Cabaret, et Lalou Roucayrol, une fois que son Arkema, qui arrive ce week-end à Lorient par cargo de Martinique, aura été expertisé et réparé – il espère une mise à l’eau en juin.

Pour le reste, Armel Tripon est désormais engagé sur une campagne de Vendée Globe (voir notre interview), Erwan Le Roux tente lui aussi de monter un projet sur le tour du monde en solo (voir notre autre interview), tandis que Thierry Bouchard a décidé, à 59 ans, de passer la main et mis en vente Ciela Village pour 1,8 million d’euros HT. FenêtréA-Mix Buffet, dont Erwan Le Roux n’est pas le propriétaire, est lui aussi sur le marché (à 930 000 euros HT) tandis que chez Réauté Chocolat, on nous a fait savoir que “la suite de l’aventure Multi50 n’a pas encore été statuée” après le départ d’Armel Tripon, mais également celui de Margaux Le Joubioux, qui pilotait le projet pour l’entreprise mayennaise, son contrat expirant à l’issue du Rhum 2018. Pour l’instant, si Erwan Le Roux et Thierry Bouchard reconnaissent avoir reçu pas mal d‘appels, aucun n’a abouti, ce qui fait dire au premier : “Je suis un peu inquiet, le marché de l’occasion est au point mort”.

Reste que plusieurs marins sont intéressés par ces deux bateaux. C’est le cas de Gilles Lamiré :“Mon projet est tout simple, c’est de continuer à progresser, nous a-t-il confié. Aujourd’hui, nous n’avons pas le budget pour construire un bateau neuf, nous sommes en revanche capables d’acheter un bateau d’occasion, et nous avons ciblé FenêtréA, qui, pour moi, est le meilleur bateau, le plus léger et le plus optimisé”. Le Cancalais, qui, s’il réussit, mettra son actuel La French Tech Rennes Saint-Malo sur le marché, fait en ce moment le tour de ses partenaires pour boucler un budget aux alentours de 800 000 euros par an (amortissement du bateau compris) et déposer une offre.

Mais, tout comme Ciela VillageFenêtréA a d’autres prétendants. L’un des plus avancés est Sébastien Rogues qui, après trois ans passés à apprendre à voler en Flying Phantom et GC32 (2015-2017), et de longs mois  porter le projet Pegasius, souhaite revenir au large en Multi50, avec un projet jusqu’en 2022 : “J’ai aussi regardé la Class40, mais j’ai été piqué au virus du multicoque. La classe Multi50 a un beau coup à jouer dans les années à venir, et dès 2019 sur la Transat Jacques Vabre, où, comme les Ultims ne seront pas présents, il y a de bonnes chances qu’un 50 pieds termine premier au scratch, ce qui peut permettre un retour sur investissement hallucinant. Je suis assez serein sur le modèle économique, d’autant que la valeur des bateaux se déprécie peu avec le temps“. S’il estime “à 99%” ses chances d’être présent sur le circuit en 2019, le vainqueur de la Jacques Vabre 2013 en Class40 doit convaincre les banques de lui ouvrir le crédit suffisant pour acheter, en fonction de la somme obtenue, soit Ciela Village, sur lequel il a navigué l’an dernier, soit FenêtréA-Mix Buffet soit Réauté Chocolat s’il était vendu.

Parmi les autres potentiels acquéreurs, on trouve aussi Yoann Richomme, dont le Class40 Veedol-AIC, sur lequel il a survolé la Route du Rhum 2018, est sur le point de changer de mains : “Aujourd’hui, le projet Multi50 est le seul que je vends, ça me motive énormément. D’abord parce que le « gap » de budget par rapport au Class40 n’est pas énorme, en gros de 350 000-400 000 à 800 000 euros par an, mais surtout parce que c’est une plateforme de relations publiques exceptionnelle par rapport à un Class40″. L’intéressé espère une réponse positive de partenaires d’ici fin février. Enfin… Erwan Le Roux n’exclut pas lui-même de se porter acquéreur du bateau qu’il skippe depuis 2012 si son projet Vendée Globe n’avance pas suffisamment vite.

Pour 2019, année de transition, un plateau de cinq à six coureurs reste donc envisageable, avant l’arrivée en 2020 de deux nouveaux bateaux. Le premier sera Arkema 4 dont la construction de l’outillage vient tout juste de commencer chez Lalou Multi à Port-Médoc. Conçu comme l’actuel Arkema (disponible fin 2019) par Romaric Neyhousser avec Guillaume Verdier, il sera mis à l’eau en mars 2020.

Le second est un plan VPLP, également attendu pour mars 2020, construit pour un amateur éclairé de 54 ans, Fabrice Cahierc, homme d’affaires installé à Nantes, fondateur en 1988 des Laboratoires Vitarmonyl (partenaires de la Solitaire du Figaro en 2001), qui nous a confirmé son arrivée prochaine sur le circuit : “Ça fait six-sept ans que j’ai prévu de me faire construire un Multi50, il fallait auparavant que je termine mon passage dans l’industrie, ce que j’ai fait il y a deux ans en cédant mon laboratoire pharmaceutique. Mon objectif était de vendre pas trop vieux pour pouvoir faire de la course au large, c’est un projet global que j’ai longuement mûri“.

Pratiquant le catamaran de sport depuis trente ans (F20, F28…), le Malouin d’origine s’est assuré avant de se lancer qu’il était capable de naviguer sur le support en étant équipier de Gilles Lamiré l’année dernière. Son objectif est de “performer sur la Route du Rhum 2022” sur ce bateau dont on connaîtra le chantier ce mois-ci (JPS, Multiplast ou Persico) et qui portera le nom d’une fondation en cours de création dans le domaine du recyclage de plastique. Ce Multi50 neuf coûtera 2,3 millions d’euros HT pour un budget de fonctionnement annuel, hors amortissement, de 400 000 euros HT. La direction technique du projet est assurée par Thierry Duprey du Vorsent, à qui Fabrice Cahierc compte “passer le flambeau” après la prochaine Route du Rhum.

D’autres projets sont également dans les cartons après 2019 : Aurélien Ducroz, qui rêve toujours de large depuis qu’il a couru en Mini, est “très attiré” ; Aymeric Chappellier, deuxième de la Route du Rhum en Class40 nous a confirmé qu’avant de se lancer sur un projet Vendée Globe 2024, il se verrait bien passer par la case Multi50 ; Arthur Le Vaillant, quatrième du même Rhum lui aussi en Class40, y travaille activement avec ses partenaires actuels : On fait tout pour lancer un projet fin 2020 avec un bateau neuf jusqu’à la Route du Rhum 2022. Pourquoi le Multi50 ? Parce que le multicoque me fait rêver depuis toujours. J’ai grandi entouré des rois de l’Orma [son père Jean-Baptiste, un des meilleurs spécialistes du multicoque, a notamment navigué avec Loïck Peyron, NDLR], on retrouve dans cette classe l’esprit de l’Orma, avec un mélange de Grands Prix et de courses au large, sans entrer non plus dans les délires techniques de l’époque. Il y a aussi la volonté de la classe de s’ouvrir à d’autres terrains de jeu, la Méditerranée, les Etats-Unis”.

Effectivement, la classe travaille activement à l’élaboration d’un calendrier à partir de 2020, qui devrait proposer de nouvelles courses. “Le travail initié il y a quatre ans avec Erwan porte ses fruits, conclut Lalou Roucayrol. Avec huit bateaux à l’horizon 2020 et des projets bien avancés derrière, il n’est absolument pas illusoire d’avoir une dizaine de skippers sur la Route du Rhum 2022“.

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