Juan K. : “Trois options pour être performant sur la Coupe”

Nouvelle rubrique pour Tip & Shaft qui, le temps de trois questions, donne la parole à un acteur de la course au large. Pour cette première, l’architecte franco-argentin Juan Kouyoumdjian évoque le Vendée Globe, l’America’s Cup et la Volvo Ocean Race.

Juan, tu as été un observateur attentif du Vendée Globe, quel bateau ferais-tu si on te demandait d’en dessiner pour le prochain ?
Ce serait un bateau avec des foils, mais qu’on ajusterait d’avant en arrière, plutôt que de les sortir et de les rentrer, comme c’est le cas sur les nouveaux bateaux actuels. Forcément, cela créerait des problèmes logistiques dans le port, il faudrait trouver une solution, mais pour moi, le foil deviendrait plus homogène : sans perdre de la performance dans les hautes vitesses, cela comblerait le déficit aux basses vitesses et notamment dans les angles serrés. En jouant correctement avec le rake, tu peux avancer le foil au près, ce qui charge le tip et décharge le shaft et te permet de créer plus de force latérale en diminuant la traînée, alors que quand tu es davantage au reaching ou portant, tu fais le contraire, tu décharges le tip et tu crées plus de portance vers le haut sans avoir besoin d’autant de force latérale. C’est en tout cas la proposition que nous avons faite aux deux skippers qui nous ont sollicités et sortent du Vendée Globe, en imaginant que la jauge ne change pas. Après, il y a d’autres pistes : d’un point de vue conceptuel, j’irais dans le sens de carènes plus étroites, sachant que si, aujourd’hui, il n’y a pas de restriction, je pense qu’ils vont mettre une limite à 5,30 ou 5,40 mètres ; ensuite, il y a le travail de raffinement et d’optimisations, celles-ci dépendent plus du skipper : certains arrivent à optimiser des bateaux beaucoup mieux que d’autres.

Parlons maintenant de Coupe de l’America : tu fais toujours partie de l’organigramme de Groupama Team France, quelle est ton implication ?
Cela fait plusieurs mois que je ne suis plus très actif. Déjà, je n’ai jamais été « full time », ensuite, la plupart des choses que nous avons développées au niveau aéro ont presque été jetées à la poubelle suite à un nouveau règlement en novembre, la Coupe est vraiment compliquée… Après, j’ai été mandaté par un milliardaire représentant un yacht-club européen pour travailler sur la faisabilité de participer aux deux prochaines Coupes de l’America. Aujourd’hui, si on travaille à partir de l’accord signé récemment par tous les défis sauf Team New Zealand, ma conclusion est qu’une équipe nouvelle dépensera beaucoup d’argent, sans la moindre chance d’avoir des performances dès la première participation, parce que les règles laissent très peu de temps de navigation : entre juin 2017 et la Coupe 2019, il y a maximum 130 jours de navigation avec le nouveau bateau, c’est impossible de rattraper le retard. Aujourd’hui, si on veut être performant sur la Coupe, il y a trois options : la première, c’est que Team New Zealand gagne pour rouvrir le jeu ; la seconde, c’est jouer sur le Deed of Gift comme l’avait fait Oracle avec Alinghi, et à mon avis, les arguments sont juridiquement plus forts qu’à l’époque, mais il faut de l’argent et de la volonté ; la troisième, c’est qu’une équipe ne continue pas et la racheter, ce qui peut être le cas si Team New Zealand ne gagne pas.

Finissons par la Volvo Ocean Race : ton cabinet a-t-il répondu à l’appel d’offres du futur nouveau bateau ?
Oui, la Volvo fait partie de l’ADN de mon bureau. Le problème, c’est que le « one design » est un peu contraire à notre vision. Néanmoins, nous avons proposé un projet, qui, à mon avis, ne sera pas retenu, dans la mesure où nous avons fait une proposition basée sur nos convictions, pas forcément pour plaire. A savoir un bateau plus long que 60 pieds, 68-69, très high tech et innovateur que j’ai appelé « l’Imoca du futur ». En revanche, il n’est pas transformable en Imoca, ce qui semble être la volonté de la Volvo et, selon moi, est une grosse erreur, parce que c’est très difficile de marier les deux concepts : tu risques de finir avec un mauvais Volvo one design et certainement un mauvais Imoca, je n’avais pas forcément envie de faire un double mauvais bateau…


Un nouveau super yacht en projet
Designer notamment de Rambler 88, qui vient de terminer premier monocoque de la RORC Carribean 600, Juan Kouyoumdjian démarre un nouveau projet de super-yacht. “C’est un projet fantastique de gros monocoque de 38 mètres. Les propriétaires de ces bateaux se rendent compte depuis très récemment que, en plus d’avoir un minimum de confort et de style, ils peuvent aller dans le sens de la performance. C’est très excitant de travailler sur ces projets, d’autant que partout ailleurs, on est plus proche du « one design ». Aujourd’hui, il n’y a que les super-yachts pour permettre à un architecte de faire preuve de créativité tout en cherchant de la performance et avec un budget pour le faire.”

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