Enzo Balanger

Comment Enzo Balanger est devenu champion du monde de Moth

Dimanche 13 juillet, Enzo Balanger, 24 ans, est devenu le premier Français champion du monde de Moth à foils, médaillé d’or à Malcesine (lac de Garde) devant l’Australien Tom Slingsby et le Néo-Zélandais Jacob Pye (voir le classement final). L’occasion pour Tip & Shaft de revenir sur cet exploit et le parcours du jeune marin.

En décrochant le titre de champion du monde de Moth à foils, Enzo Balanger, premier Français sacré dans une discipline jusque-là dominée par les Anglo-Saxons, signe une performance de choix, puisqu’il laisse dans son sillage des cadors de l’America’s Cup et de la voile olympique. L’Australien Tom Slingsby – champion olympique 2012 de Laser, vainqueur de l’America’s Cup en 2013 et triple lauréat du circuit SailGP -, les Britanniques Paul Goodison – triple champion du monde de la série – et Dylan Fletcher – champion olympique de 49er à Tokyo et skipper de l’équipe britannique de SailGP -, le Marin de l’Année 2024, l’Espagnol Diego Botin – vainqueur l’an dernier des Jeux en 49er et du circuit SailGP : tous ont dû s’incliner face au natif des Abymes, en Guadeloupe.

C’est un exploit !” se réjouit Bruno Dubois, codirecteur avec Stephan Kandler de K-Challenge et d’Orient Express Racing Team, qui, l’an dernier, a recruté le nouveau champion du monde comme skipper de la Youth America’s Cup à Barcelone avant de l’intégrer cette année au sein de la nouvelle Akademy K-Challenge“Depuis dimanche, poursuit Bruno Dubois, je reçois des messages des plus grands marins de la Coupe et de SailGP, comme Grant Dalton, Tom Slingsby, Russell Coutts, James Spithill, tous me disent qu’il a navigué comme l’un des plus grands ! Il a fait du match racing avec Tom (Slingsby, sacré en 2019) pendant plusieurs jours. Il a du cran et ne lâche rien, et puis c’est un funambule, un équilibriste sur ce bateau.”

Bien qu’exceptionnel, ce résultat n’est pour autant pas forcément une surprise, comme le souligne encore Bruno Dubois : Enzo n’était pas un outsider puisqu’après sa sixième place au championnat du monde l’an dernier et ses victoires sur la Foiling Week en 2023 et 2024, il avait remporté haut la main une première régate d’entraînement sur le lac de Garde en début d’année, et encore la Foiling Week fin juin. Tous les grands de SailGP que je connais me disaient que c’était l’homme à battre !”

“Je n’ai pas eu un moment de répit”

Et l’intéressé, qu’en pense-t-il ? “Au fond de moi, même si j’espérais faire un podium car plus les entraînements et les régates passaient, plus je voyais que j’étais dans le coup, je ne pensais pas décrocher le titre cette annéerépond-il. Je m’étais entraîné à 95% dans du vent du sud et on a fait 50% de nos courses dans du vent de nord, très fort, avec pas mal de vagues. J’ai toutefois réussi à rentrer très vite dans le championnat, à gagner des courses et à être régulier [5 victoires de manches sur 10, NDLR]. C’était vraiment dense, surtout en finale, où il pouvait y avoir vingt bateaux en dix secondes, je n’ai pas eu un moment de répit. Mais j’ai essayé de naviguer avec mon style et de rester confiant. J’ai pris un plaisir de dingue à régater contre ces cadors.” Sa victoire a d’ailleurs été saluée par Paul Goodison, titré trois fois (de 2016 à 2018) qui “a décollé de sa voile son papillon doré (le logo du Moth est doré pour les anciens vainqueurs) pour qu’on le colle sur la mienne, c’était très émouvant”.

Ce titre est en tout cas une consécration pour celui qui a commencé la voile en Guadeloupe à 6 ans en Optimist (champion d’Europe en 2014) et a poursuivi au pôle Espoir de La Rochelle en 420, s’associant alors à Gaultier Tallieu, avec qui il a notamment été vice-champion de France Espoir en 2016 et a décroché une quatrième place au championnat du monde Open en 2018. La suite logique aurait été de poursuivre en 470, il a pourtant délaissé le dériveur olympique au bout d’un an après avoir découvert le Moth“Je suis vite devenu accro au foil, donc j’ai basculé en Nacra 17 volant pendant deux ans, avant d’enchaîner les compétitions en Moth, raconte celui qui, depuis tout petit, est un fan de la Coupe de l’America. Je voyais que tous les marins qui faisaient la Coupe naviguaient en Moth, je voulais juste faire comme eux !

“Travailleur, rigoureux
et très déterminé”

Mission bien accomplie, ce qui n’étonne guère Gaultier Tallieu, son coéquipier des années 420 ainsi que sur la Youth America’s Cup : “Enzo est un barreur extrêmement talentueux, il est travailleur, rigoureux et très déterminéQuand il se fixe un objectif, il se donne tous les moyens d’y arriver et je pense surtout que tout le travail en amont sur le lac de Garde a payé.” Matisse Pacaud, triple champion du monde jeune de 470 (voir notre article), qui fréquente Enzo Balanger depuis leurs premières confrontations en Optimist en 2014 et a également fait partie de l’aventure de la Youth America’s Cup l’an dernier, ajoute : “Il ne laisse aucun détail à la trappe, et comme il est super curieux, il a énormément développé son Moth d’un point de vue technique. Tout ce qui pouvait être perfectionné, il l’a fait.”

Aymeric Arthaud, coach du jeune Guadeloupéen, met lui aussi en avant ce souci du détail et une préparation millimétrée. “On a travaillé sur l’eau pour qu’il prenne ses repères sur les différents angles pour les laylines, sur le vent, la température de l’eau, mais aussi beaucoup sur la partie technique, le choix du matériel, les angles des foils ou leur finesse de ponçage. On faisait encore des modifications sur le bateau jusqu’à la veille du championnat.”

Ce dernier, qui avait déjà coaché Enzo Balanger au Mondial 2023 de Weymouth [pas de classement, faute d’un nombre suffisant de manches courues, NDLR], se dit aujourd’hui impressionné par sa maturité et son mental, qui se sont particulièrement révélés sur le lac de Garde : “Il a eu beaucoup de pépins techniques, comme la casse d’une partie du hale-bas ou celle de l’étai, et malgré ça, il a toujours réussi à rester concentré. Je pense que la Youth Americas Cup l’a bien aidé là-dessus.” Le champion du monde abonde : “Cette expérience m’a appris à mieux gérer la pression, à rester plus calme et lucide dans les moments difficiles.”

Quid de la suite ? Je vais continuer à m’entraîner en Moth pour défendre mon titre l’an prochain à Perth, répond-il. Et si le défi français repart, j’aimerais en faire partie, tout comme j’aimerais retourner sur le circuit SailGP [il a barré le F50 sur un entraînement cette saison à Dubaï], mais rien n’est encore décidé !” Son titre mondial sera assurément un atout pour aider les décisions.

Photo : Martina Orsini

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