Classe Imoca

La classe Imoca en pleine transition

La remise des prix du Vendée Globe 2024-2025 a lieu ce samedi 10 mai, aux Sables-d’Olonne. L’occasion pour Tip & Shaft de faire une photographie à date des différents projets et du nouveau cycle qui s’ouvre en Imoca

“Nous sommes dans une période de transition.” En une phrase, Antoine Mermod résume le contexte général qui prévaut en ce printemps 2025 pour les Imoca. “Il n’a échappé à personne que la situation économique globale n’est pas simple, poursuit le président de la classe. Cela génère pas mal d’incertitudes et complique le travail des skippers et des équipes pour chercher des partenaires. Un moment, on a craint une situation très compliquée mais finalement, pas tant que ça, ce n’est pas l’euphorie, mais pas la catastrophe non plus.”

Un premier indicateur est le nombre de bateaux neufs envisagés pour le nouveau cycle 2025-2029, au nombre de neuf à ce jour. Celui d’Élodie Bonafous (sistership de Macif Santé Prévoyance) a été mis à l’eau en février dernier, il sera suivi en juin du plan VPLP d’Armel Tripon, Les Ptits DoudousTrois plans Koch ont été commandés chez CDK, dans les mêmes moules, normalement attendus courant 2026 pour Thomas Ruyant (à la recherche de partenaires) et Boris Herrmann, au premier trimestre 2027 pour Loïs Berrehar, nouveau skipper Banque Populaire.

Du côté de Multiplast, le futur DMG Mori de Kojiro Shiraishi (plan Verdier) est actuellement en construction, tandis que, même si l’annonce n’a pas encore été officialisée, Yoann Richomme a passé commande d’un plan Koch – mais pas dans les mêmes moules que les trois précédents. Un créneau est réservé dans la foulée pour Sam Goodchild, qui attend cependant le feu vert de son sponsor, Leyton, déjà à ses côtés en Ocean Fifty puis sur son premier projet Imoca (avec Advens). Enfin, Sébastien Simon vient de confirmer la construction d’un plan Verdier, confiée au chantier Carrington Boats à Southampton, pour une mise à l’eau prévue en mai 2026.

“Les marins ont du temps devant eux”

D’autres bateaux neufs suivront-ils ? C’est en tout cas l’intention de Franck Cammas, qui cherche des partenaires dans l’optique d’enchaîner The Ocean Race en 2027 et Vendée Globe en 2028, tandis que Louis Burton, qui envisageait initialement de lancer un nouveau plan Manuard, n’est pour l’instant plus dans cette optique, “en pleine phase de réflexion et de discussion avec Bureau Vallée”Charlie Dalin et Jérémie Beyou, qui gardent leurs Imoca respectifs, Macif Santé Prévoyance et Charal 2, jusqu’à la Route du Rhum 2026, n’ont de leur côté pour le moment pas dévoilé leurs intentions pour la suite.Les marins ont du temps devant eux pour lancer des projets et il peut encore se passer pas mal de choses”, estime Antoine Mermod qui met en avant un nouveau système de qualification et sélection. Ce dernier donne davantage d’importance aux résultats sportifs, mais fait pester Jean Le Cam – ce dernier précise qu’il n’a pas prévu de courir en 2025 et s’interroge pour la suite – qui estime qu’il favorise “les projets élitistes”.

Tous les marins visant la performance, que ce soit en vue de The Ocean Race ou du Vendée Globe, ne souhaitent pour autant pas forcément construire, à l’instar de Paul Meilhat qui, dans Pos. Report, confiait récemment : “On s’est posé la question l’année dernièremais on a fait le choix de garder le bateau actuel (Biotherm) pour plusieurs raisons. D’abord économiques et environnementales – il faut être cohérent avec ce qu’on dit, et j’ai toujours prôné un sport plus vertueux – ensuite parce que fiabiliser un foiler prend énormément de temps. Or, The Ocean Race est dans un an et demi, donc si on veut rester efficaces, il faut continuer avec cet Imoca.”

Un marché d’occasion
quasiment à l’arrêt

Quid du marché de l’occasion ? Pour le moment, il semble bien calme, 30 bateaux étant en vente sur le site de l’Imoca, ce qui n’étonne pas Antoine Mermod : “Nous sommes dans des proportions habituelles, assure-t-il. Sur le Vendée Globe 2024, seulement 5 skippers sur les 33 engagés en 2020 sont repartis avec le même bateau. Les choses bougent, des discussions sont en cours et tout n’est pas immédiatement rendu public.”Plusieurs transactions ont tout de même été officialisées ces dernières semaines : soutenu par Mapei, Ambrogio Beccaria prendra possession en juillet du Vulnerable de Thomas Ruyant, même chose à l’automne prochain pour Francesca Clapcich avec Malizia-Seaexplorer de Boris Herrmann, tandis que Canada Ocean Racing, l’équipe de Scott Shawyer, a annoncé le 7 mai le rachat de Groupe Dubreuil de Sébastien Simon.

D’après nos informations, d’autres ventes ont eu lieu ou sont en cours, comme celle, à la fin de l’année de Paprec Arkéa à MACSF, qui n’a toujours pas dévoilé le nom du skipper qui succédera à Isabelle Joschke – Corentin Horeau est fortement pressenti. Du côté des Sables d’Olonne, plusieurs transactions sont sur le point de se conclure entre marins d’ores et déjà décidés à repartir pour une nouvelle campagne : Manu Cousin a dans le viseur La Mie Câline d’Arnaud Boissières qui a jeté de son côté son dévolu sur le plan VPLP de Benjamin Dutreux. Contactés par Tip & Shaft, les intéressés n’ont pas souhaité confirmer.

Un contexte peu propice

La relative quiétude du marché d’occasion inquiète-t-elle les skippers ?  Interrogé la semaine dernière par Tip & ShaftLouis Duc, qui cherche à repartir en 2028 sur un Imoca d’occasion plus performant, confiait : L’engouement est moindre par rapport à il y a quatre ans. Maintenant, il y a quand même beaucoup de skippers qui cherchent à être au départ en 2028, je pense que ça va se décaler un peu dans le temps et reprendre au moment de la Route du Rhum.” Dans le dernier épisode d’Into The WindSébastien Marsset, lui aussi en quête d’un projet plus ambitieux pour 2028, abondait : “Le marché est assez tranquille car le contexte économique engendre une certaine frilosité. Et aussi parce que les deadlines ne sont pas encore là. La clôture des inscriptions à la Transat Café L’Or, le 30 juin, va-t-elle pousser des gens à franchir le pas ? Ou faudra-t-il attendre 2026 avec la Route du Rhum ?” Pour Eric Bellion, également désireux de remettre ça, on est dans une période de ventre mou, comme on en a toujours connu, sauf lors du cycle précédent où il y a eu une vraie euphorie, c’est plus cette période 2020/2024 qui a été une anomalie.” 

Reste qu’ils sont plusieurs à confier leurs difficultés à trouver des financements, à l’instar de Maxime Sorel, qui a un bateau et une équipe, mais pas encore de budget : “En communiquant sur l’arrêt de mes sponsors avant le départ du Vendée Globe, j’espérais en attirer de nouveaux pour repartir en 2025, mais ce n’est pas le casLes quatre prochains mois seront décisifs. Si je ne suis pas plus avancé en septembre, je vais commencer à engager financièrement ma boîte et il faudra prendre des mesures drastiques : arrêter et vendre le bateau.” De la même manière, Yannick Bestaven, confronté à la fin de son partenariat avec Maître CoQ, propose un projet clé en main – équipe et bateau -, pour l’instant sans succès, comme il le confiait récemment dans L’Equipe.

Et les bateaux à dérives ?

Si ce n’est pas le cas de Tanguy Le Turquais, passé en Ocean Fifty, et Damien Seguin, lui aussi intéressé par cette classe, beaucoup de marins engagés sur le dernier Vendée Globe nous ont en tout cas confié leur intention de repartir avec des projets plus ambitieux. En plus de ceux déjà cités, c’est notamment le cas de Fabrice Amedeo (qui a trouvé un premier partenaire, FDJ United), Justine MettrauxAntoine Cornic, qui discute avec deux partenaires et sera fixé début juin, Louis DucOliver HeerConrad ColmanGiancarlo Pedote ou encore Romain Attanasio“J’hésite à garder mon bateau actuel en faisant de grosses modifications ou à en racheter un de la génération 2020”, explique ce dernier.“J’ai resigné avec mon partenaire et je peux m’inscrire à la Transat Café L’Or, se réjouit de son côté Conrad Colman qui, comme Oliver Heer, cherche des partenaires pour participer à The Ocean Race avec un foiler. Deux options sont sur la table : racheter un bon Imoca d’occasion ou en construire un neuf. J’ai plusieurs pistes avec des chantiers qui ont des créneaux disponibles.” Autant dire que les premiers servis – notamment pour les Imoca de génération 2020, prisés et qui se vendent entre 2,5 et 4 millions d’euros – seront les premiers qui trouveront des partenaires, cela concerne aussi les potentiels nouveaux entrants, à l’instar de Gaston MorvanBenoît Marie ou Tom Dolan, qui visent un bon foiler.

Dans ce contexte, les Imoca à dérives, tous en vente, vont-ils trouver preneurs ? “Il y a des familles de bateaux qui correspondent à des familles de projets. Pour un premier Vendée Globe avec moins de moyens, un non-foiler bien fiabilisé reste un excellent rapport qualité/prix, il y a forcément des marins qui vont se tourner vers ce type de projet”, répond Antoine Mermod. Nicolas d’Estais fait partie de ceux-là : “Je souhaite m’engager sur le prochain Vendée Globe avec un Imoca à dérives sous les couleurs de Café Joyeux, je n’ai pas encore décidé lequel”, confirme le skipper qui a déjà réuni une partie de son budget.

Compte tenu de cette période de transition, combien de bateaux verra-t-on naviguer en 2025 ? À ce jour, 12 sont inscrits à la nouvelle Course des Caps (départ le 29 juin), 6 à The Ocean Race Europe (6 août-21 septembre) : Paprec ArkéaAllagrande MapeiCanada Ocean RacingMaliziaHolcim-PRB et Biotherm. Qu’en est-il de la Transat Café L’Or, qui, en 2021, année post-Vendée Globe, avait attiré 22 duos ? “On peut espérer atteindre un plateau similaire”, assure Antoine Mermod. Si 10 sont officiellement inscrits à date, Tip & Shaft a recensé une quinzaine de partants sûrs, ce qui laisse effectivement augurer une vingtaine de duos, signe que l’on est finalement à peu près dans les mêmes standards que quatre ans plus tôt.

Photo : Vincent Curutchet / Alea

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