Projet HyperSail

Comment Ferrari a lancé son projet Hypersail

Ferrari a dévoilé le mercredi 25 juin à son siège de Maranello son projet Hypersail, futur monocoque de 100 pieds dessiné par Guillaume Verdier et qui sera lancé en 2026, avec Giovanni Soldini aux commandes. Tip & Shaft vous en dit plus.

Il aura fallu attendre presque 80 ans pour que Ferrari se lance dans la voile ! Si le célèbre constructeur italien de voitures fondé en 1947 par Enzo Ferrari a en effet déjà conçu et construit des bateaux, il ne s’agissait que d’engins à moteur, notamment le légendaire Arno XI, lancé en 1953 pour s’attaquer au record mondial de vitesse sur l’eau. C’est donc une petite révolution qui a été dévoilée officiellement le 25 juin au siège de la marque au cheval cabré, sous la forme de l’Hypersail, futur monocoque de large de 100 pieds.

Qu’est-ce qui a poussé Ferrari à se lancer dans ce projet ? Il faut remonter trois ans en arrière pour en comprendre la genèse, avec à l’origine un homme, Guillaume Verdier. Joint jeudi matin par Tip & Shaft en même temps que Marco Guglielmo Ribigni, ingénieur en chef du team Hypersail, l’architecte naval raconte : “Ce projet remonte à 2019-2020, quand on m’a donné carte blanche pour concevoir le nouveau Magic Carpet pour Lindsay Owen-Jones (ancien PDG de L’Oréal). On a alors proposé une sorte de bateau conceptuel à foils de 30 mètres, avec de la portance assurée notamment par un foil au niveau de la quille basculante, un peu comme un foil sur une planche à voile ou une wing. Ce projet n’a pas abouti parce que Lindsay Owen-Jones ne voulait pas aller dans cette direction.”

Si Guillaume Verdier s’est rabattu sur un design plus classique pour le propriétaire britannique, il a gardé son projet de foiler sous le coude pour le présenter quelques mois plus tard à Giovanni Soldini. Pourquoi lui ? Je suis très proche de Giovanni que je connais depuis la fin des années 1990 quand je travaillais pour le groupe Finot, j’avais à l’époque un peu travaillé sur son Orma. Avec mon équipe, nous avons ensuite dessiné son Class40 puis transformé son MOD70 Maserati (ex Gitana XVen ajoutant des plans porteurs sur les safrans pour le faire voler au large. C’est donc assez naturellement que je lui ai parlé de ce projet.”

“L’innovation fait partie
de l’ADN de Ferrari”

Un projet qui séduit assez vite l’Italien de 59 ans : “J’ai bien aimé le fait que c’était vraiment quelque chose de très nouveau, mais aussi de très difficile à réaliser, avec ce concept de monocoque qui vole”, confirme-t-il à Tip & Shaft. Il en parle alors à John Elkann, le patron de Ferrari (et président de Stellantis) qu’il connaît depuis des années (il a notamment navigué sur Maserati), ce dernier ouvre les portes de la Scuderia à Giovanni Soldini et Guillaume Verdier où ils présentent alors le concept.

La réaction de Ferrari ? “Quand je suis rentré dans la salle de réunion et que j’ai vu notre président John Elkann et Giovanni, je me suis dit : « Oh, nous avons un problème ! », parce que je savais au fond de moi qu’ils n’étaient pas là pour parler de voiture, mais très vite, j’ai été très excité par ce qu’ils ont montré, sourit Marco Guglielmo Ribigni, qui coordonne le projet. Il n’est pas le seul, puisque Ferrari accepte alors de se lancer dans l’aventure. Qu’est-ce qui a décidé le célèbre constructeur italien ? “Une des raisons principales, c’est parce que l’innovation fait partie de l’ADN de Ferrari, nous avons pensé que cela pourrait être un très grand défi pour nous d’essayer de redéfinir les limites du possible dans un nouveau domaine pour nous. C’est pour ça que le projet a été baptisé Hypersail, en référence à nos Hypercars, répond ce dernier.

Avant d’ajouter : “Nous aimons concevoir des voitures qui, quand vous les conduisez, vous donnent une émotion unique, c’est un peu le même sentiment que nous avons eu quand Guillaume et son équipe nous ont partagé leur vision de cette machine. Donc à ce moment-là, notre réaction a été de se dire : « OK, lançons-nous dans cette grande aventure ! ».”

Un 100 pieds autosuffisant
énergétiquement

Le projet validé, Guillaume Verdier a continué à passer en revue des formes de coque en CFD – une cinquantaine, précise-t-il – pour ce bateau qui disposera de trois points d’appui : un des deux foils latéraux, qui ressemblent à ceux utilisés sur les AC75 de la Coupe, un large plan porteur sur le safran, mais également un en bas de la quille, un peu comme l’aile de raie sous la dérive centrale des Ultim. “L’architecture est assez différente de celle des AC75 parce que nous n’avons pas les contraintes liées aux règles de la Coupe et que les critères de stabilité ne sont pas les mêmes”, explique l’architecte qui précise que le 100 pieds “sera capable de s’auto-redresser tout seul, comme les Imoca”, et devrait décoller à partir de “10-11 nœuds de vent”.

De son côté, Ferrari a mis toute sa puissance de feu au service du design, avec notamment deux axes majeurs développés en interne, grâce au savoir-faire en la matière de la Scuderia : un logiciel de contrôle de vol pour assurer la stabilité dynamique du futur Hypersail et l’autosuffisance énergétique, sans moteur thermique à bord. “Nous avons décidé d’utiliser l’énergie électrique, domaine dans lequel nous avons plus de quinze ans d’expérience, explique Marco Guglielmo Ribigni. Nous avons passé beaucoup de temps à concevoir un système capable de récolter de l’énergie, parce qu’il a d’abord fallu définir les besoins du bateau en fonction des performances que nous voulons atteindre.”

Si le design est aujourd’hui “terminé à 90%”, selon Guillaume Verdier, Marco Guglielmo Ribigni précise que “Giovanni et les équipes de conception utilisent continuellement le simulateur développé par Benjamin Muyl pour comprendre la dynamique du bateau. C’est pourquoi nous avons maintenu en parallèle la conception et la construction, nous essayons de garder tout ouvert jusqu’aux derniers jours, en profitant du fait que nous pouvons utiliser le simulateur pour nous redemander quelle est la meilleure chose à faire.”

Un chantier construit
spécialement

La construction, justement, a débuté en janvier 2024 dans un chantier spécialement lancé pour l’occasion et dont Ferrari ne souhaite pas dévoiler la localisation – le Giornale della Vela parle de la région de Pise -, l’ingénieur en chef expliquant : “Nous avons mis environ six mois pour décider de l’emplacement de la base, il fallait à la fois un endroit pas trop éloigné de la mer, mais également où nous pouvions déplacer facilement toutes les personnes autour de ce projet.” Soit une centaine au total.

La mise à l’eau est prévue “courant 2026”, avec quels objectifs ? Si Guillaume Verdier parle de chasseur de records, il précise que l’Hypersail “est conforme aux règles Isaf (World Sailing), c’est donc un bateau qui peut participer à de nombreuses courses”. Du côté de Ferrari et de Giovanni Soldini, on ne souhaite pas, à date, s’avancer sur un quelconque programme. Interrogé sur un possible record autour du monde, Giovanni Soldini répond “Peut-être”, avant d’ajouter, lorsqu’on lui demande si l’Hypersail pourrait rivaliser avec les Ultim, aujourd’hui les bateaux de large les plus rapides de la planète : “Ce n’est pas une question à laquelle je peux répondre aujourd’hui. C’est quelque chose de tellement nouveau qu’on n’a pour l’instant pas fixé d’objectifs sportifs. Il faudra attendre de naviguer et de bien comprendre comment le bateau marche pour imaginer ce qu’on peut faire et jusqu’où on peut aller.”

Le skipper italien compte constituer un équipage “très international” d’ici janvier 2026, l’Hypersail étant prévu pour être mené par “environ dix personnes”. Il confie enfin ressentir beaucoup de responsabilité et d’honneur de naviguer prochainement sous les couleurs de Ferrari”.

Photo : Alessandro Cosmelli/Ferrari

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