69F class team France

Comment la Coupe de l’America booste la classe 69F

Le lac Molveno, au nord de l’Italie, accueille du 29 mai au 3 juin le Grand Prix 2, deuxième épreuve de la saison 2023 de l’Algebris 69F Cup Europe. L’occasion pour Tip & Shaft de faire le point sur cette classe 69F de plus en plus prisée, notamment des équipes préparant la Women et Youth America’s Cup en 2024.

Véritablement lancé en 2021 après des épreuves de tests l’année précédente, le circuit 69F, monocoque à foils strictement monotype créé et construit par le chantier Persico Marine en 2019, a attaqué sa troisième saison complète. Avec plusieurs compétitions distinctes : l’Algebris 69F Cup Europe, ouverte à tous, qui comprend cinq Grands Prix ; la Youth Foiling Gold Cup, dont le deuxième Act s’est achevé le 14 mai à La Grande Motte, est quant à elle réservée aux moins de 25 ans.

Cette saison aura par ailleurs lieu pour la première fois une épreuve 100% féminine sur le lac de Garde, dans le cadre d’une nouvelle Women Foiling Gold Cup, appelée à se développer, tandis que la classe organisera à Puntaldia (Sardaigne) son premier championnat d’Europe (17-24 septembre). “La route est plus longue pour lancer un championnat du monde, nous sommes sur le chemin pour obtenir une reconnaissance officielle de la part de World Sailing, nous sommes en liste d’attente”, explique l’Italienne Silvia Sicouri, nouvelle présidente de la classe.

Aux Etats-Unis enfin, ont lieu cette année des 69F US Foiling Select Series, qui servent notamment de cadre aux sélections des équipages féminin et jeune du défi American Magic pour la Youth et Women America’s Cup, prévue en AC40 dans le cadre de la 37e Coupe de l’America.

 

Trois défis de la Coupe sur six

 

La classe 69F est en effet devenue très prisée des défis inscrits sur la Coupe cette saison, puisque trois d’entre eux ont choisi ce support pour entraîner et/ou sélectionner leurs équipages féminin et jeune. American Magic donc, mais aussi Luna Rossa Prada Pirelli, qui alignait trois équipages lors de l’Act 2 de la Youth Foiling Gold Cup à La Grande Motte – deux ont terminé sur le podium, dont le vainqueur. Et enfin Orient Express Racing Team, avec un équipage estampillé Team France (cinquième à La Grande Motte) présent cette année sur certaines épreuves. De leur côté, les Néerlandais de Dutch Sail, qui ont dominé les deux premières saisons de la Youth Foiling Gold Cup, seront engagés sur la Women et Youth America’s Cup.

“Le 69F est aujourd’hui le bateau qui se rapproche le plus de l’AC40, ce qui explique que de plus en plus d’équipes s’intéressent au circuit, constate Charles Dorange, qui a couru sous les couleurs de Team France lors des deux saisons précédentes et est désormais en charge du programme jeune et féminin du défi français, délégué à l’association (voir notre article). C’est un support génial, en équipage sur un monocoque volant et rapide, le format de course est assez intense avec beaucoup de manœuvres et de situations à anticiper, donc c’est hyper intéressant pour viser la Coupe.”

“Nous avons trouvé que c’était une plateforme qui répondait bien à nos besoins, d’abord parce qu’il nous permet de travailler la cohésion de l’équipage, ensuite parce que c’est un monocoque monotype à foils que nous pouvons utiliser pour nos jeunes et nos filles, c’est devenu un choix évident pour nous”, explique de son côté Jacopo Plazzi, alter ego de Charles Dorange chez Luna Rossa. Et l’Italien d’ajouter : “Le 69F est un support très simple qui permet d’apprendre les ingrédients de base pour le foiling. Et le gros avantage, c’est que la classe 69F s’occupe de tout, c’est très léger en termes de logistique, tu as juste à naviguer.”

 

Des événements clés en main

 

La particularité du circuit est en effet que les équipes de la classe prennent les choses en main. Responsable de la gestion, de la communication et des projets du Centre d’Entraînement Méditerranée (CEM) de La Grande Motte, qui a accueilli l’Act 2 de la Youth Foiling Gold Cup, Camille El Bèze confirme : C’est un événement clés en main, ils sont une quinzaine et arrivent avec leurs six 69F qu’ils louent aux équipes inscrites. Elles étaient douze à La Grande Motte, ce qui donne lieu à une savante organisation sur l’eau, avec une rotation permanente entre les équipages, mais c’est super bien rodé. A côté de ça, ils ont une équipe de com qui fait un super boulot – ils ont fait 250 stories sur Instagram ! – et un shore team pour l’assistance technique. L’organisation est très pro et c’est intéressant médiatiquement, puisque comme c’est un circuit international, ça te donne une visibilité aussi hors de France.”

Le budget pour accueillir un événement est plutôt modéré : “Il n’y a pas de droits à payer, par contre, tu assures leurs frais de transport et d’hébergement, tu dois fournir sept semi-rigides, un bateau pour les équipages… C’est assez malin de fonctionner comme ça, on ne te demande pas un chèque de 100 000 euros, mais juste d’assurer la logistique, ça doit représenter environ 40 000 euros, plus l’implication des salariés du CEM”, détaille Camille El Bèze. Pour la Youth Foiling Gold Cup, tous les monotypes sont loués moyennant 9 000€ HT par événement, droits d’inscription et assistance technique compris. “Ce n’est pas super donné et ça a augmenté, puisque c’était 6 000 en 2022, leur business model tourne comme ça, mais tu en as pour ton argent, ajoute-t-elle.

Les équipes qui concourent sur l’Algebris 69F Cup Europe – certaines font les deux circuits, comme les Français de Groupe Atlantic – ont le choix entre location (12 500€ HT par Grand Prix), et achat, un bateau neuf coûtant 195 000€ HT (il faut ensuite ajouter 2 500€ HT par événement). “C’est assez cher, mais le circuit est top, le bateau solide, il n’y a presque pas de frais de maintenance, on passe beaucoup de temps sur l’eau, estime Nelson Mettraux, administrateur du Centre d’Entraînement à la Régate (CER) de Genève qui a acheté un bateau fin 2021 et concourt cette saison sur le circuit open, moyennant un budget global qu’il estime à environ 80 000 euros, hors amortissement.

 

“Depuis le GC32, il n’y a pas eu un engouement
comme ça sur une série à foils”

 

Le modèle économique de la classe repose donc essentiellement sur le pack location/droits d’inscription, comme le confirme Silvia Sicouri : “L’idée générale et le business plan consistent à étendre la formule du “six pack” – qui consiste à louer les bateaux appartenant à la classe 69F – dans le monde entier. Cette formule est respectueuse de l’environnement, car elle limite la production de bateaux, c’est un modèle commercial qui peut s’autofinancer et que nous voulons exporter dans d’autres régions du monde avec à chaque fois une compétition open, une Youth Foiling Gold Cup et un circuit féminin. Et quand nous trouvons des sponsors comme Algebris pour la 69F Cup Europe, nous utilisons les fonds pour essayer de réduire les frais de location et d’inscription.”

A ce jour, selon la présidente de la classe, 28 bateaux sont sortis de chez Persico Marine, 12 appartiennent à la société 69F (6 en Europe, 6 aux Etats-Unis), 16 à des propriétaires privés participant aux circuits, tandis que la construction de 10 autres est sur le point de commencer. Preuve de la croissance d’une classe qui, au fil des saisons, devient de plus en plus exigeante sportivement. Le niveau ne fait qu’augmenter, confirme Charles Dorange. Comme des équipes ont acheté des bateaux, elles s’entraînent à côté [ce qui n’est pas le cas de Team France, NDLR], il faut réussir à suivre le rythme, mais c’est génial d’avoir un plateau aussi élevé avec des coureurs qui viennent de l’olympisme, du match race, c’est le meilleur circuit pour progresser en vue de la Coupe.”

Clément Cron, skipper de Groupe Atlantic , vainqueur du Grand Prix 1 de l’Algebris 69F Cup Europe fin avril à Valence, ajoute : “Depuis le GC32, il n’y a pas eu un engouement comme ça sur une série à foils. Plus on avance, plus le niveau est serré. Par exemple sur la Youth Foiling Gold Cup, Dutch Sail était au-dessus les deux dernières années, parce qu’ils ont été les premiers à avoir un bateau, mais à La Grande Motte, ils ont perdu leur première régate et on a terminé à quatre bateaux en quatre points !”

 

Photo : Marta Rovatti Studihrad – 69F  

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