La Coupe se remet en ordre de marche

Sept mois après avoir remporté la 37e Coupe de l’America à Barcelone, Emirates Team New Zealand a annoncé jeudi que la prochaine édition se tiendrait au printemps/été 2027 à Naples. Une annonce qui, en attendant la publication du Protocole, permet aux éventuels postulants d’y voir plus clair.

C’est finalement Naples qui est sorti du chapeau ! Depuis la fin de la 37e Coupe de l’America en octobre 2024, les rumeurs allaient bon train sur la venue de l’édition suivante. En Espagne, malgré un impact économique d’un peu plus d’un milliard d’euros annoncé pour Barcelone, les autorités locales n’ont finalement pas souhaité se positionner de nouveau, tandis que Valence, un temps pressenti, a dû jeter l’éponge suite aux dramatiques inondations qui ont frappé la région fin octobre.

Début mars, les fans néo-zélandais ont cru revoir la Coupe à la maison, lorsque le conseil municipal d’Auckland a confirmé des discussions avec le defender, leurs espoirs ont été douchés un mois plus tard quand ce dernier a annoncé que les autorités locales et le gouvernement néo-zélandais avaient “décidé de ne pas soutenir la 38e America’s Cup à Auckland en 2027”. Qui restait en course ? A priori trois candidats, Naples – Trieste a également un temps été évoqué pour l’Italie -, Athènes et Djeddah (Arabie saoudite), avec qui Team New Zealand avait déjà discuté pour la 37e édition et qui, fin 2023, avait accueilli une régate préliminaire.

C’est finalement la candidature napolitaine qui a été retenue, “une des villes les plus anciennes d’Europe qui deviendra la ville hôte du plus ancien trophée sportif international”, indique le communiqué de presse officialisant la nouvelle, précisant que les bases seront accueillies sur l’ancien site industriel de Bagnoli, à l’ouest de la ville. Qu’est-ce qui a fait la différence en faveur de Naples ? Tip & Shaft a tenté en vain de joindre le defender, mais pour de nombreux observateurs, la « finale » se jouait avec Athènes plus qu’avec Djeddah, qui disposait certes de moyens financiers supérieurs, mais suscitait l’opposition, pour des raisons géopolitiques, de certains challengers potentiels. Ben Ainsie, alors à la tête du défi Ineos Britannia, n’avait pas caché en 2022 “ne pas se sentir à l’aise” avec la candidature saoudienne, également mal vue côté américain.

L’annonce a en tout cas été accueillie avec enthousiasme par le ministre italien des Sports et de la jeunesse Andrea Abodi : “Le choix de l’Italie, et de Naples en particulier, représente une formidable opportunité pour le pays tout entier de valoriser son territoire, de stimuler le tourisme et de promouvoir le sport (…) Une fois de plus, grâce au sport, l’Italie est le centre du monde.” Le maire de Naples Gaeto Manfredi a ajouté : “Cette réussite générera un impact économique substantiel sur notre territoire, comme l’ont fait les villes hôtes précédentes telles que Barcelone et Valence. L’événement sera la plus grande manifestation sportive jamais organisée à Naples.”Ce ne sera pas la première fois que la Coupe posera ses valises en Campanie, puisque Naples avait déjà accueilli en 2012 et 2013 deux America’s Cup World Series, en amont de la 34e Coupe, qui, selon les autorités locales citées dans le communiqué de jeudi, “avaient attiré plus d’un million de personnes sur le front de mer pendant une semaine”. Joint par Tip & Shaft, Philippe Presti, coach lors des deux dernières campagnes pour Luna Rossa Prada Pirelli, confirme que l’ambiance sera au rendez-vous : “On a déjà fait des World Series là-bas – j’étais alors chez Oracle -, l’engouement du public était super, avec des gens curieux et enthousiastes, il y a une vraie culture de la Coupe en Italie. Le fait d’avoir une équipe qui a la nationalité de la ville [Luna Rossa Prada Pirelli] va en plus redonner un peu de piment, cette dimension supporters manquait à Barcelone parce qu’il n’y avait pas de défi espagnol. En Italie, la ferveur des tifosi est souvent incroyable, ça va être une grosse fête.”

Ce que confirme Grant Dalton, patron d’Emirates Team New Zealand : “Les Italiens sont les plus passionnés et les plus engagés dans l’America’s Cup et c’est évidemment le pays de Luna Rossa qui est un concurrent de taille. Du point de vue du defender, côté compétition, nous aurons l’impression d’entrer dans la fosse aux lions.” Qu’en pense-t-on du côté transalpin ? Sollicité par Tip & Shaft, Luna Rossa Prada Pirelli nous a fait passer la réaction officielle du skipper Luna Rossa, Max Sirena : “C’est passionnant, car nous aurons le soutien de tout un pays, et en particulier de la ville de Naples, qui, j’en suis sûr, encouragera Luna Rossa.”

Une réaction sobre pour ce dernier qui estime surtout que “pour nous, en tant qu’équipe, c’est un moment important, car nous pouvons enfin nous concentrer sur les conditions que nous rencontrerons dans le golfe de Naples.” Cette annonce était en effet particulièrement attendue des futurs challengers qui, compte tenu du court délai entre les 37e et 38e éditions – Team New Zealand avait déjà communiqué sur 2027 – mettaient la pression sur le defender pour qu’il sorte du bois. Comme il s’y est engagé, il doit désormais dévoiler avant le 20 juin le Protocole – le règlement de la Coupe – qui fait l’objet de négociations avec le challenger of record britannique, Athena Racing – l’équipe de Ben Ainslie a « divorcé » avec son ancien partenaire Ineos, ce dernier ayant par la suite renoncé à s’aligner sur la 38e édition.Pour Stephan Kandler, cofondateur du défi Orient Express Racing Team présent sur la 37e Coupe et bien décidé à enchaîner dans deux ans, “la ville et la date conditionnaient beaucoup de choses, le Protocole nous permettra de réellement passer dans la phase opérationnelle et de faire des annonces”. Ce dernier se réjouit en tout cas du choix de Naples, mais également de la date, printemps/été 2027 : “Nous sommes très contents que la Coupe reste en Europe, dans une ville du même acabit que Barcelone, surtout, ce cycle très court sur les mêmes bateaux (AC75) est le scénario parfait pour nous. Déjà parce que ça coûtera moins cher, ensuite parce qu’on sait qu’on a un bateau compétitif [le design package avait été acheté aux Néo-Zélandais] qu’on va optimiser et qu’aucune équipe n’aura le temps de faire des développements extrêmement complexes d’ici 2027, il faudra privilégier les tests et les navigations.”

Sera-t-il possible de lancer un bateau neuf dans ce “cycle court” ? Ingénieur chez American Magic, Dimitri Despierres estime que “c’est entièrement jouable de construire en neuf mois ; maintenant, j’ai l’impression que les discussions tournent autour de conserver les anciennes carènes et d’autoriser un certain pourcentage de modifications sur le pont. Et bien sûr, on pourra refaire des foils.” Pour Philippe Presti, “il y aura de nouveaux bateaux, ça n’aurait aucun sens pour le challenger of record de refaire la Coupe avec le bateau sur lequel il s’est fait « assaisonner » par les Kiwis, donc à mon avis, la jauge restera la même, mais les bateaux seront différents.”

Interrogé sur la question, Stephan Kandler répond : “On attend la réponse, mais a priori, on pourrait ne pas avoir à refaire une coque. En ce qui nous concerne, notre objectif majeur pour la prochaine édition est plutôt de se concentrer sur les appendices, le mât et les voiles.” Et ce dernier de conclure : “Depuis la dernière Coupe, on ne s’est jamais arrêtés, on a recruté du monde, bossé en R&D, gardé la plupart de nos partenaires qui nous ont suivis en SailGP, circuit sur lequel on a un équipage qui reste au plus haut niveau, cette fois, on est dans le même timing que les autres.”