Max Sirena, skipper de Luna Rossa Challenge, veut tout faire pour ramener pour la première fois la Coupe de l'America en Italie

Max Sirena : “Mon rêve est de gagner la Coupe de l’America avec l’Italie”

Directeur de l’équipe et skipper de Luna Rossa Challenge, Max Sirena beaucoup à faire en ce moment, entre les premiers America’s Cup World Series qui se profilent fin avril à Cagliari et la gestion de l’après-démâtage de l’AC75 italien. Il a cependant pris le temps d’accorder cette interview à Tip & Shaft.

Comment voyez-vous les premiers ACWS, dans deux mois à Cagliari ?
Nous nous rapprochons de ce premier rendez-vous et donc du mode course. Bien évidemment, l’accident que nous avons eu il y a quelques semaines [démâtage le 27 janvier, NDLR] fait que nous travaillons encore plus dur pour être prêts. Nous profitons d’ailleurs de la réparation des dégâts pour apporter quelques améliorations au bateau que avions initialement prévues en février, nous essayons de tout faire en une seule fois, c’est la meilleure façon de gagner du temps.

Quelle est l’importance de ces ACWS qui ne délivrent aucun point en vue de la Coupe de l’America, les éliminatoires entre challengers ?
Bien qu’ils ne délivrent pas de points, ils ont de la valeur au regard de la Coupe de l’America : la chose la plus importante pour toutes les équipes est de voir où nous en sommes au niveau de notre préparation pour la Prada Cup qui va démarrer dans un an. C’est la première fois que nous allons régater les uns contre les autres, donc je pense que c’est vraiment un moment de la campagne très important pour les quatre équipes engagées et qu’elles ont toutes hâte de se confronter aux autres.

Qu’avez-vous appris des autres équipes en analysant le design de leurs bateaux ?
Même si nous et Team New Zealand sommes en quelque sorte dans la même famille de bateaux, il y a évidemment de grandes différences entre les quatre bateaux, c’est intéressant. En fait, je n’ai pas souvenir que dans l’histoire moderne de la Coupe de l’America il y ait autant de différences, particulièrement au niveau des formes de coque. Nous suivons bien évidemment nos concurrents de très près, nous avons des personnes aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, d’autres qui suivent les Anglais. Maintenant, c’est difficile de juger les performances de chacun. Tu peux te faire une idée, mais la principale chose que nous allons regarder, disons que nous espionnons, chez les autres équipes, c’est la stratégie et la philosophie qu’elles ont développées au niveau du design des voiles, de la forme de coque, des systèmes… et la façon dont elles mènent leur bateau. Sur ces bateaux, tu navigues tellement vite que c’est vraiment difficile de mesurer les vitesses et des choses comme les angles de vent réel, des informations que, idéalement, nous aimerions obtenir. Mais c’est quasiment impossible de les avoir depuis un semi-rigide.

Quelles sont les forces des uns et des autres ?
Je pense que l’équipe la plus forte est Team New Zealand. Ils sont un bon Defender : même si nous avons travaillé avec eux sur les règles de classe sur ce bateau, c’est sûr que dans leur tête, tout était très clair au niveau de la vision du bateau avant même de poser ces règles, c’est évidemment un avantage pour eux. Sinon, je trouve que les Américains [American Magic] font bien les choses. Encore une fois, je ne sais pas ce qu’il en est au niveau des performances pures, mais leur bateau est vraiment bien et ils font un très bon travail dans sa prise en main. Les Anglais ont également fait un bon pas en avant en termes de navigation et de maniement du bateau. Maintenant, nous n’avons que très peu d’expérience avec ce bateau, pas de référence, donc il y aura grande inconnue au niveau de leurs performances quand ils se retrouveront tous les quatre sur le même plan d’eau.

Apprenez-vous plus d’Ineos Team UK, sachant qu’ils s’entraînent, comme vous, à Cagliari ?
Non, pas vraiment, parce que nous naviguons toujours à l’écart, à part une fois où nous étions assez proches pour éventuellement tirer une conclusion, mais nous étions quand même à 500 mètres d’eux. Mais c’est sûr que c’est plus facile parce que nous n’avons pas à traverser les océans en avion pour les suivre, il y a juste à sortir un bateau et à les observer.

Comment se passe la répartition des rôles à bord ? Qui sera à la barre du bateau entre Francesco Bruni et Jimmy Spithill ?
En ce moment, Jimmy et Cecco [Bruni] barrent tous les deux, ils sont à bord tous les jours. C’est encore trop tôt pour savoir lequel sera à la barre et lequel s’occupera de la tactique. En ce moment, notre priorité est de faire en sorte que le bateau soit le plus rapide possible sur le parcours d’une régate. Je prendrai la décision plus tard dans l’année, quelques mois avant le début de la Prada Cup.

Est-ce possible qu’ils soient tous les deux à bord et qu’ils s’échangent les rôles ?
Je pense que c’est un bon problème et c’est clair qu’ils seront de toute façon tous les deux à bord. Pour tous les postes-clés, nous faisons en sorte de nous assurer d’avoir une bonne solution de rechange, donc pendant toutes les séances d’entraînement, nous faisons tourner aux postes de régleurs, de grinders, parce qu’ils sont très exigeants physiquement, nous avons quasiment des remplaçants pour tous les postes à bord, c’est très important, parce vous ne pouvez pas vous contenter de mener le bateau avec trois gars, si l’un d’entre eux tombe malade, vous vous retrouvez en difficulté. Et c’est très important que toute l’équipe progresse ensemble.

Quelle sera la clé en course sur ces bateaux ?
Je pense que la vitesse pure du bateau en ligne droite sera le critère décisif. Au début, comme à Cagliari ou à Portsmouth, ce qui va faire la différence, ce seront probablement les transitions, les décollages, les virements de bord et les empannages. Mais plus tard, pendant la Prada Cup, les bateaux manœuvreront sans doute de la même façon et la vitesse du bateau fera finalement la différence. Et je pense qu’à la fin, tous les bateaux seront assez similaires en termes de design de foils. Aujourd’hui, nous sommes tous partis avec des concepts un peu différents, mais je serais surpris que pour les deuxièmes bateaux, il y en ait un qui soit complètement différent du reste de la flotte.

Cela veut-il dire que votre deuxième bateau sera assez similaire au premier ?
Le bateau, je n’en sais rien, je parle plus de l’aile, des bras de foils, des safrans et de ce genre de choses, parce que finalement, les outils que nous utilisons, notamment pour l’aile et les foils, sont très proches, donc nous pouvons nous attendre à avoir des similitudes.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre démâtage ? Savez-vous ce qui s’est passé et quels sont les dégâts ?
Nous savons ce qui s’est passé et heureusement, il n’y a pas eu de sérieux dégâts sur le mât, c’est le bateau qui a subi le plus de dommages lors de cet accident. Mais encore une fois, nous avons eu beaucoup de chance, d’abord parce que personne n’a été blessé, ensuite, parce que nous n’avons pas cassé le mât. Il y a de petits dégâts à quelques endroits, mais tout est réparable et nous serons très bientôt de retour sur l’eau.

Que pensez-vous du faible nombre d’équipes sur cette 36e Coupe de l’America ?
Je pense que quand nous avons commencé à discuter de la classe du bateau il y a quelques années, nous avions considéré que si nous faisions le choix du bateau super complexe qu’est l’AC75, nous n’aurions pas beaucoup d’équipes engagées, donc pour moi, la principale raison, c’est que la nouvelle classe n’attire pas beaucoup. Le bateau est probablement l’un des plus excitants sur lequel je n’ai jamais navigué dans toute ma vie, plus encore que l’AC72 et l’AC50, il n’existe rien de similaire dans le monde aujourd’hui et ça va être vraiment très beau à voir. Maintenant, je pense que des équipes ont eu un peu peur de démarrer une campagne à cause de la complexité du bateau, mais aussi parce que c’est très difficile de trouver des personnes, particulièrement un design team, avec assez de compétences et d’expérience de ce genre de bateau à foils. Pour moi, c’est le principal problème. Mais je pense que pour la prochaine campagne, après avoir vu le bateau, plus d’équipes s’engageront.

Quel est le degré d’intérêt pour la Coupe en Italie ?
Il y a beaucoup de couverture médiatique et on attend beaucoup de l’événement à Cagliari. Nous pensons que la ville fera le plein et que des milliers de personnes viendront assister aux régates. Je pense aussi qu’on va franchir un cap en termes de communication : nous essayons d’utiliser autant que possible les réseaux sociaux et les canaux web pour rendre l’équipe disponible et que tout le monde puisse voir, non seulement ce que nous faisons au quotidien, mais aussi notre vie à côté et ce qui va se passer ensuite. Nous avons besoin de cela si nous voulons que la voile fasse parler d’elle et que le sport que nous pratiquons commence à sortir de son petit monde.

A titre personnel, qu’est-ce que ça vous fait de vous retrouver à la tête de cette équipe ?
C’est un apprentissage permanent, chaque jour, j’apprends quelque chose de nouveau, parce que je ne suis pas une rock star de la voile née comme on en voit dans d’autres équipes. J’essaie juste de travailler le plus dur possible, de tirer 100% de chaque membre de l’équipe dans tous les services et de faire en sorte que tous aient le même attachement que moi à l’équipe. Nous aimons ce que nous faisons et nous essayons de transformer notre rêve en réalité. Mon rêve est de gagner la Coupe de l’America avec l’Italie et je vais faire tout mon possible pour y arriver. Et je pense que pour les autres membres de l’équipe, ce sentiment grandit tous les jours. Nous avons beaucoup de personnes issues du monde de la voile mais qui sont nouveaux sur la Coupe de l’America, je commence à les voir devenir accros, parce qu’à la fin, on devient accro à la Coupe.

Photo : Carlo Borlenghi / Luna Rossa Prada Pirelli Team

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