Orient Express Racing Team

Stephan Kandler : “L’America’s Cup passe définitivement dans le 21e siècle”

Le Protocole de la 38e Coupe de l’America a été dévoilé en plein mois d’août, avec plusieurs changements majeurs, dont la tenue de l’épreuve tous les deux ans. Codirecteur de K-Challenge, qui porte à la fois le défi Orient Express Racing Team et l’équipe de France de SailGPStephan Kandler décrypte le nouveau règlement pour Tip & Shaft et évoque ce double projet, à une semaine du Grand Prix de France de SailGP, à Saint-Tropez (12-13 septembre).

Alors que le defender Emirates Team New Zealand s’était engagé à publier le Protocole de la 38e Coupe de l’America avant le 30 juin, il ne l’a fait que le 12 août, qu’est-ce qui bloquait ?
Je ne vais pas pouvoir donner des réponses très précises, mais cela s’explique principalement par le fait qu’il y avait des divergences de vues sur certains changements communiqués par Team New Zealand et les Anglais (Athena Racing, le challenger of record), qui allaient dans le sens d’une volonté de modifier l’événement pour en faire quelque chose de plus commercial – vision à laquelle on adhérait et le Protocole tel qu’il avait été défini nous convenait. Tout le monde était d’accord sur le principe de changer le format de la Coupe, mais ce n’est pas neutre de modifier un document qui a 174 ans et est inscrit dans la loi américaine [le Deed of Gift, sorte de constitution de la Coupe, NDLR], avec en plus une épreuve qui a un mode de fonctionnement particulier. Donc forcément, ça a pris plus de temps que prévu et comme dans toute négociation, il y a les intransigeants et ceux qui sont plus ouverts au compromis, il a fallu que certaines parties acceptent de ne pas tout avoir. L’important, c’est qu’on soit arrivés à une solution satisfaisante pour tout le monde. Ce qui n’était pas gagné d’avance. Si on mettait les onze équipes de Formule 1 autour d’une table pour se mettre d’accord sur un règlement, croyez-vous qu’on aboutirait facilement à un accord ? Non ! Là, c’était un peu la même chose.

Quelle vision de la Coupe défendiez-vous côté français ?
Pour nous, qui, contrairement à d’autres, sommes une équipe sponsorisée par des partenaires privés, notre leitmotiv était clairement d’arriver à leur offrir davantage de visibilité, notamment en créant de la stabilité permettant de mieux anticiper. Même si on n’était pas les seuls à le défendre, on pense que notre point de vue a été entendu. Le fait notamment que l’America’s Cup ait désormais lieu tous les deux ans permet de rendre l’événement beaucoup plus prévisible. Ça implique aussi des coûts à la baisse – avec notamment le maintien des AC75 et l’obligation de garder la même coque pour les défis déjà existants – donc d’éviter une course à l’armement qui peut aller très loin. On ne peut d’ailleurs que se féliciter de la règle qui fait que les budgets des équipes ne sont plus illimités [ils ne pourront pas dépasser 75 millions d’euros, NDLR].

Combien de défis auraient été au départ de la dernière édition avec cette limitation ?
(Rires) C’est une très bonne question ! A mon avis deux, nous et probablement Team New Zealand.

“Notre job est d’anticiper
pour être prêts le jour J”

L’une des principales nouveautés est une gouvernance partagée entre tous les défis au sein d’America’s Cup Partnership, comment ça va fonctionner ?
Je ne suis pas habilité à en parler, mais ce principe d’une gouvernance collective est acquis. C’est aussi pour ça que les discussions ont duré plus de temps que prévu, il a fallu s’entendre sur les modalités de fonctionnement, l’objectif étant de créer une dynamique dans laquelle l’événement ne puisse plus être bloqué. Ce qui pouvait être le cas jusqu’ici, on a bien vu que si un challenger of record n’avait pas envie de signer, ça posait un problème. Le fait d’associer tout le monde dans le règlement et l’organisation est vraiment quelque chose de nouveau, je considère que l’America’s Cup passe aujourd’hui définitivement dans le 21e siècle, dans la modernité. Et il faut donner crédit à Team New Zealand d’avoir accepté de lâcher du lest et des droits de defender pour le bien de l’événement.

Maintenant que le Protocole a été dévoilé, êtes-vous sûr que le défi français sera présent à Naples au printemps 2027 ?
Je ne pourrai répondre que quand on aura un règlement définitif – et quand je parle de règlement, c’est non seulement le Protocole, mais les règles de course, la jauge et les contours précis d’America’s Cup Partnership. On ne va pas demander à des partenaires de s’engager tant que ce n’est pas le cas, on n’est pas sponsorisés par un privé qui va s’engager quoi qu’il se passe. Mais on a mis tout en place pour que ça puisse se faire, notre job est d’anticiper pour être prêt le jour J, quand on appuiera sur le bouton. On est extrêmement optimistes sur notre présence, mais on ne va pas fanfaronner car avec l’America’s Cup il faut toujours être extrêmement prudent. Je suis bien placé pour le savoir, en 2007, j’avais convaincu des gens, j’avais 60 millions d’euros sur la table et j’ai tout perdu, parce que l’America’s Cup a pris un virage inattendu.

“L’équipe de France de SailGP
est financée à 100% et rentable”

En attendant, vous êtes alignés sur le circuit SailGP avec l’équipe de France qui a notamment accueilli Kilian Mbappé à son capital, est-elle désormais entièrement financée ?
Oui, aujourd’hui, avec nos partenaires, elle est financée à 100% et rentable, sachant qu’on a un mode de fonctionnement un peu différent de certaines équipes, dans le sens où tout le monde fait des efforts en interne. Il faut comprendre que sur SailGP, les nouvelles équipes doivent souvent beaucoup investir pour rattraper le temps perdu par rapport à celles qui, comme nous, ont de l’antériorité sur le circuit. Cela ne nous empêche pas de continuer à chercher des partenaires pour renforcer l’équipe, mais avec ce qu’on a, on a réussi à trouver un bon équilibre.

Pour combien de temps ?
Notre présence est garantie pour au moins trois ans. Là où SailGP a amené une révolution, c’est que le circuit s’inscrit dans la durée, avec une récurrence qui permet aux marques d’avoir une vraie visibilité sur le long terme. Ce qui, sur la Coupe, n’a jusqu’à présent jamais été le cas pour les raisons que l’on connaît. Le tout avec des moyens, grâce à Larry Ellison et Russell Coutts qui ont tenu financièrement dans la durée pour permettre au concept de se développer. La complémentarité entre l’America’s Cup et SailGP est un vrai atout, avec le même niveau sportif et un concept différent – il faut d’ailleurs qu’il le reste pour que les deux ne se marchent pas dessus. C’est comme si tu disputais la Champions League et la Coupe du monde avec les mêmes joueurs. C’est très intéressant pour notre sport et d’ailleurs, quand on s’était parlé avec Bruno [Dubois, codirecteur de K-Challenge, NDLR] avant de s’associer, je lui avais dit que je ne repartais que si on construisait quelque chose qui permette de garder les gens. On a réussi à le faire, parce qu’on a aujourd’hui différents événements pour courir, entre l’America’s Cup, SailGP et les circuits sur lesquels on peut aligner notre Akademy. Maintenant, la prochaine étape, c’est de gagner des titres.

Photo : Alexander Champy-McLean / Orient Express Racing Team

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