Corentin Douguet Class40

Corentin Douguet : “Je n’ai pas envie de me disperser”

A 48 ans et après plus de quinze ans passés sur le circuit Figaro, Corentin Douguet débarque en Class40. Avec la manière, puisqu’il vient de remporter les 1000 milles des Sables, ouverture de la saison, sa première course en Class40 et en solitaire sur ce support. A la barre de son proto Lombard Lift V2 Quéguiner-Innoveo, le Nantais se déclare « focus » sur la Route du Rhum, l’objectif majeur 2022 qu’il se verrait bien inscrire à son palmarès.

Nouveau projet, nouveau sponsor, nouveau bateau et une première victoire… On pouvait difficilement mieux commencer la saison ?
C’est assez plaisant, en effet. Je ne pouvais pas rêver de plus beau démarrage, mais il ne faut pas s’endormir là-dessus, il reste du boulot. Le niveau dans la classe est élevé : il y avait des gars comme Ian Lipinski ou Axel Tréhin, qui sont plus que dans le coup, compte tenu de leur CV nautique et de leur expérience en Class40, mais il manquait une ou deux têtes de série et il faudra aussi compter sur ceux qui vont débarquer dans les semaines à venir. Il y aura un top 10 assez solide à partir de la Dhream-Cup, en juillet, et forcément sur la Route du Rhum.

Tu parles d’expérience en Class40. Ce sont des bateaux qui ont pourtant l’air assez simples. Ils supposent une prise en main spécifique ?
Le Class40, c’est le début du gros bateau. Tu ne peux pas, comme en Figaro, larguer un bout d’une main, mettre le spi dans ta poche et reloffer avec une autre voile ! Il faut bien anticiper, ne pas se laisser surprendre, sinon c’est vite beaucoup de milles perdus en travers de la piste. On ne peut plus faire les manœuvres en ligne comme on les faisait en Figaro. D’ailleurs, lorsqu’un bateau change de voile en Class40, ça se voit tout de suite sur la carto…

Justement sur cette première course où, sans être dantesques, les conditions ont été plutôt musclées, dans quel état d’esprit as-tu navigué ?
Ça ne s’est peut-être pas vu de l’extérieur, mais j’étais plutôt conservateur ! Je suis allé à mon rythme avec un double objectif : d’abord boucler définitivement ma qualification pour la Route du Rhum, ensuite continuer à découvrir la machine. J’ai donc fait les choses à mon rythme alors qu’au contact, on a parfois tendance à s’enflammer. Donc, il y a sans doute moyen d’aller plus vite à certaines allures.

“Avec Yoann, on met tout dans un pot

commun jusqu’au 6 novembre, 13h”

Comment as-tu choisi le plan Lombard qui, pour mémoire, est une évolution de celui avec lequel Yoann Richomme a gagné la dernière Route du Rhum ?
Il y a un bout de réponse dans ta question. Choisir le Lift, c’est aller vers le cabinet d’architectes qui a gagné le dernier Rhum, c’est important. Après, il y a le feeling et les dispos de chantier. A un moment, beaucoup de choses ont convergé vers ce plan Lombard que l’on a construit à Caen, chez V1D2 et GL composites, avec pas mal de travail réalisé également par Gepeto Composite à Lorient. Comme il y avait déjà eu un exemplaire de construit [Crosscall pour Aurélien Ducroz, NDLR], les choses étaient assez calées et je n’ai mis mon grain de sel que dans les détails. C’était un travail collectif !

A propos de collectif, tu as annoncé que tu allais courir la CIC Normandy Channel Race avec Yoann Richomme, qui attend lui aussi la livraison de son Lift40 V2 pour juin. C’est un “one shot” de copains ou une véritable collaboration sportive qui démarre entre vous ?
A la base, c’était un “one shot” de copains, mais lorsque Yoann a basculé sur le projet Class40 en plus de son Imoca, on a transformé ça en projet commun, avec l’idée de créer un vrai binôme. On met tout dans le pot commun jusqu’au 6 novembre à 13 heures et après, on verra bien qui est le plus fort !

Ça veut dire quoi concrètement ce pot commun ?
Naviguer ensemble, partager les données, avoir la même personne qui fait l’analyse de performances, Fabien Delahaye en l’occurrence. Et après, c’est s’entraîner à deux bateaux, continuer jusqu’au Rhum à tout mettre en commun pour se rendre plus forts mutuellement. Nos bateaux sont basés à Lorient dans la structure de Yoann et on s’entraîne avec le groupe de Tanguy Leglatin. Nous sommes toujours rattachés au pôle France de Port-La-Forêt mais comme il n’y a pas encore de groupe Class40 chez eux, Lorient s’impose naturellement.

“A ce stade, j’ai envie 
de continuer en Class40”

Comment fonctionnes-tu et avec quel budget ?
J’ai un budget confortable qui me donne les moyens de travailler comme je le souhaite, mais je ne donnerai pas le chiffre. J’ai un préparateur quasiment à temps plein et ensuite des prestataires divers et variés qui gravitent tous autour de La Base à Lorient. Autant, sur le plan sportif, le Class40 te fait rentrer dans le gros bateau, autant sur le projet global, on reste dans un projet assez simple à gérer.

Ta  dernière transat en solitaire, la Mini Transat 2005 que tu avais remportée en proto, date de 2005. A 48 ans, y a-t-il un peu d’appréhension ou plutôt de l’appétit à se relancer dans cet exercice du solitaire au long cours ?
Aujourd’hui, il y a plutôt de l’appétit, mais je ne te dis pas que le 6 novembre au matin, je n’aurais pas un peu de mal à avaler mes œufs au bacon ! Je suis quand même très heureux de revenir sur un circuit où il y a plus de transats, plus de long cours, plus de liberté en fait. Je fais aussi plus de préparation physique, je travaille assez dur sur ce sujet-là, à raison de deux à trois séances par semaine en fonction de l’emploi du temps.

A l’heure où l’on se parle, la Solo Maitre coQ ouvre la saison Figaro. Tu as tourné définitivement cette page ?
On ne sait jamais si c’est définitif dans les métiers qu’on fait. Mais je ne regrette pas une seconde et ça ne me manque pas du tout. Je n’ai pas gagné la Solitaire, même si certaines années, je n’étais pas si loin, et je ne la gagnerai peut-être jamais, mais ça ne m’empêche pas de dormir. Il n‘y a pas d’amertume. C’était une chance d’avoir fait du Figaro aussi longtemps et d’avoir autant appris. J’ai quitté le circuit à un moment où il ne se porte pas très bien, ce qui est un peu inquiétant d’ailleurs, mais c’est un autre débat.

Le circuit Class40, lui, se porte très bien avec plusieurs tours du monde à l’horizon. De quoi te rassasier ou tu rêves d’Imoca, comme beaucoup d’impétrants dans la classe ? 
A ce stade, j’ai envie de continuer en Class40. Il y a plein de choses à faire, ce sont de super bateaux avec des programmes variés. On passe plus de temps à naviguer qu’à faire du chantier, ce qui est très plaisant. Je suis en contrat avec Quéguiner jusqu’à la fin de l’année et nous n’avons pas encore évoqué la suite. Je suis focus sur cette Route du Rhum. Je la mets tout en haut de mes priorités. Bien sûr, il ne faudra pas attendre le départ pour penser à la suite mais pour l’instant, je n’ai pas envie de me disperser.

Photo : Vincent Olivaud

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