Everial RORC Caribbean 600

Erwan Le Draoulec : “Everial, le projet idéal”

Stan Thuret ayant décidé d’arrêter la course au large “pour raison écologique” (voir notre article), son sponsor Everial a choisi Erwan Le Draoulec pour lui confier la barre de son Class40, Pogo S4 mis à l’eau en mai 2022. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec ce dernier, en pleine campagne d’entraînement aux Antilles.

Avant d’évoquer ton nouveau projet de Class40, revenons sur tes trois ans en tant que Skipper Macif, quel bilan en tires-tu ?
Je dirais que pour moi, le Figaro a été l’école de la résilience. Je venais de la Classe Mini, j’avais 20 ans et je gagnais, donc je pensais sans doute que la voile était trop facile. Au début, j’ai beaucoup souffert, c’était dur de prendre des raclées, on dit souvent que la Mini, c’est le bac, mais le Figaro, c’est maths sup-maths spé et j’ai redoublé une année ! Mais une fois que j’ai justement vu ça comme une prépa, j’ai beaucoup travaillé en me disant que quels que soient les résultats, ça me permettrait d’être bon sur d’autres bateaux. Et ça s’est finalement très bien passé, c’est magnifique de voir comment on navigue au bout de quelques années, je garderai comme image ma dernière saison, pendant laquelle je ne crois pas avoir raté un empannage ou un affalage. La seule petite amertume, c’est de finir à une place du podium de la Solitaire, avec la médaille en chocolat, surtout quand je vois les bêtises que j’ai faites. Maintenant, la progression est géniale : en trois ans sur la Solitaire, je fais 29, 10 et 4, alors que ce n’était quand même pas ma voie de faire des départs et de naviguer au contact. Je n’ai pas le passé de régatier de certains, ça me faisait même peur au début.

T’es-tu mis la pression lors de ta première année, vu la réussite avant toi de nombreux skippers passés par le dispositif Skipper Macif ?
Oui, forcément, même si je suis quand même le seul à être arrivé chez Macif sans avoir fait une seule Solitaire avant. Je pense qu’au début, j’ai beaucoup travaillé, mais pas de la manière qui me correspondait. Ce qui explique pourquoi ça n’a pas marché et cela m’a poussé par la suite à reconstituer l’univers que j’avais toujours connu, avec notamment Tanguy Leglatin. Le pôle de Port-la-Forêt, c’était super, mais j’avais besoin d’un truc en plus. Parfois, tu entends des gars discuter toute une journée d’un demi-tour de latte, j’ai plutôt eu l’impression après ma première Solitaire que faire simple, c’était faire bien. Donc j’ai travaillé différemment les deux années suivantes, j’ai aussi eu la chance pendant mes années Macif d’être entouré de très bons copains, avec lesquels on ne se tirait pas dans les pattes. Avec Pierre (Quiroga), on n’avait pas les mêmes objectifs – je commençais alors que lui voulait vraiment être devant – donc le partage se faisait très bien. Et avec Loïs (Berrehar), on est très proches, on passe tous nos week-ends ensemble, on avait presque à cœur que l’autre fasse mieux !

Quelles ont été pour toi les options à la sortie de ces trois ans en tant que Skipper Macif ?
J’avais en tête de faire autre chose que du Figaro, même si je me disais que s’il ne se passait rien, je tenterais la Solitaire cette année. L’Ocean Fifty me plaisait bien, j’ai planché dessus avec l’achat d’un bateau, ça a failli marcher, mais c’était compliqué à vendre sans calendrier [prochainement officialisé, NDLR], et ce n’était pas le projet idéal, pas vraiment tourné vers la performance… Je regardais le Class40 du coin de l’œil, mais sans avoir rien de très concret. C’est sûr que chez Macif, il y a une chose qu’on ne t’apprend pas, c’est de garder un carnet d’adresses qui permet de contacter d’éventuels sponsors, si bien que quand tu repars à zéro derrière, tu te retrouves à chercher beaucoup d’argent. Donc je t’avoue que je me cherchais un peu, jusqu’au moment où Lionel (Garcia, patron d’Everial), que je connaissais déjà assez bien, parce qu’il avait été le sponsor de Clarisse (Crémer) quand j’avais gagné la Mini Transat, m’a appelé pour me proposer de le rencontrer, ça devenait tout de suite pour moi le projet prioritaire.

 

“Stan fait très bien la passation”

 

Quand t’a-t-il contacté ?
Tout début décembre. Je n’étais pas le seul sur sa liste, il y a eu pas mal d’échanges, je suis allé les rencontrer à Lyon. Je t’avoue que j’ai vécu deux mois à stresser, à actualiser mes mails, à consulter WhatsApp, à me demander si mon portable marchait au point de m’appeler avec celui de ma copine… Cette attente était hyper dure à vivre, j’avais vraiment peur de l’année blanche.

Et quand est arrivé le coup de fil libérateur ?
Autour du 20 janvier, pour la petite histoire, c’est arrivé au rayon patates d’Intermarché ! C’était quasiment le seul moment où je n’étais pas prêt à décrocher. Donc forcément, j’ai fait des bonds au plafond quand j’ai appris que c’était moi et qu’on m’a dit que je partais deux semaines plus tard aux Antilles. C’est vraiment le projet idéal : j’ai la chance de partir avec un sponsor passionné de voile, qui sait vraiment de quoi on parle, et avec un bateau super chouette et déjà décoré, il n’y a plus qu’à !

Tu remplaces Stan Thuret, qui a décidé d’arrêter la course au large “pour raison écologique”, quand as-tu appris son choix et que t’inspire-t-il ?
Il m’a contacté le même jour que Lionel, début décembre, il était content de voir que j’étais sur la liste et je pense qu’il est ravi que ce soit moi qui lui succède. C’est un très bon copain, on a partagé beaucoup d’aventures ensemble, et là, depuis trois semaines qu’il est avec moi, il fait très bien la passation. Malgré sa décision, il a vraiment à cœur que le projet continue, on va ramener le bateau ensemble sur le Défi Atlantique (départ le 1er avril). Maintenant, il a envie de donner un autre sens à sa vie, je trouve qu’il y a beaucoup de choses vraies dans ce qu’il dit, peut-être que c’est trop d’un coup et que ça choque un peu les esprits, mais c’est sa manière de voir les choses. Moi, je lui ai dit qu’on faisait un sport incroyable, avec de très belles histoires à raconter et des valeurs fortes, je suis sûr que les choses vont évoluer, même si ça ne va peut-être pas aussi vite qu’il le souhaite.

Quel est le programme des mois à venir ?
Après un petit chantier à Pointe-à-Pitre, on a remis le bateau à l’eau juste avant la Rorc Caribbean 600, qu’on a courue avec Stan (7e place en Class40), c’était un chouette moyen de découvrir le bateau. Depuis, on s’entraîne pas mal avec Pirelli (Ambrogio Beccaria), il y a Tanguy Leglatin qui est là, Kevin Bloch avec Ambrogio, Robin Follin avec moi, cette semaine est très axée perf, la prochaine plus dans l’idée de préparer le Défi Atlantique. Mon objectif sur cette transat sera de comprendre le bateau et, surtout, de ne rien casser car les autres Pogo ont eu beaucoup de soucis. Si on veut être à l’heure à la Normandy Channel Race, sachant qu’on a un chantier de renforcement prévu, il faut que tout se passe bien. Ensuite, on passera dans un mode plus performant sur le reste de la saison pour arriver en grande forme sur la Transat Jacques Vabre avec un équipier annoncé plus tard. Je ne sais pas encore quels sont mes vrais besoins, entre quelqu’un pour faire avancer vite le bateau ou un profil plus navigateur, je discute avec deux personnes. Quand tu arrives du Figaro, ce sont quand même des bateaux assez compliqués. Ce Pogo est encore très jeune, il a l’air incroyable au portant, en revanche au près, pour le moment, c’est la galère, donc on a pas mal de boulot pour bien le faire marcher.

 

Photo : Tim Wright

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