MULTI50 ARKEMA - SKIPPER LALOU ROUCAYROL (FR) - 2018

Lalou Roucayrol : “2019 ne va pas refléter le vrai visage de la classe Multi50”

Le 14 novembre dernier, Lalou Roucayrol, alors quatrième de la Route du Rhum en Multi50, chavirait en plein milieu de l’Atlantique sur Arkema. Depuis, le trimaran, après une tentative de remorquage pirate, a pu être récupéré par l’équipe de Lalou Multi qui le remet en état. La suite du programme ? Un nouveau Multi50 va être construit, tandis que le skipper aquitain souhaite attirer des équipes de course au large à Port Médoc. Il en dit plus à Tip & Shaft.

Evoquons d’abord la Route du Rhum : as-tu compris exactement ce qu’il s’est passé avec le remorqueur qui a tenté de s’emparer du bateau avant l’arrivée du vôtre de Martinique ?
Oui, nous avons identifié le remorqueur hollandais qui est venu le remorquer sauvagement, grâce aux traces GPS : le trimaran suivait jusqu’ici une trajectoire très rectiligne, et tout d’un coup, il y a eu un changement de direction pas du tout logique qui montre bien qu’un bateau est venu le long du trimaran et a tiré dessus. Ce remorqueur passait dans le coin, il allait vers les Canaries en provenance des Antilles, c’était une opportunité pour eux de négocier avec notre assurance le prix du bateau, sauf qu’ils ont fait ça comme des sauvages et l’ont abîmé pour finalement le laisser. Nous avons fourni cet ensemble de preuves à l’assureur qui va ou non rentrer en procédure contre l’armateur. Ce qui est certain, c’est que le bateau ne s’est pas retourné tout seul.

Où en est-il aujourd’hui ?
Il est entré en chantier il y a deux semaines, on travaille dessus pour le remettre à l’eau au plus tôt, c’est-à-dire fin juin-début juillet. C’est relativement long parce qu’il y a plein de petits impacts disséminés sur l’ensemble du bateau liés au fait que le remorqueur hollandais est venu se mettre contre le flotteur. Après, il y a eu des zones particulièrement touchées, comme le puits de dérive ou le flotteur bâbord, ce dernier à cause de la sangle qui a été passée pour retourner le bateau. Pour le reste, il y a de la réparation à faire sur les safrans, mais on va pouvoir conserver les mèches, sur la dérive, qu’on va aussi pouvoir garder, par contre, tout ce qui est mât, bôme, gréement dormant et courant, électronique, on repart sur du neuf.

Du point de vue financier, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Les flotteurs, bras, une partie de l’accastillage et de l’électronique sont pris en charge par l’assurance ; tout ce qui est mât, voiles, gréement courant et dormant n’est pas assuré,  donc ce n’est pas anodin pour nous. On n’est pas loin de 300 000 euros à la charge de Lalou Multi, puisque nous sommes propriétaires du bateau.

Quel sera le programme de l’année 2019 ?
Nous sommes en train de finaliser les contrats avec Arkema pour la période 2019-2022. Ce qui est acté de façon certaine, c’est le programme Mini avec Raphaël Lutard et la Mini-Transat en ligne de mire. Nous avons aussi le projet de construction du nouveau bateau [dessins de Romaric Neyhousser, avec le cabinet Verdier, construction par Lalou Multi, NDLR] qui va nous prendre pas mal de temps. Nous souhaitons également aligner l’actuel Multi50 sur la Transat Jacques Vabre.

Avec toi ?
C’est en cours de discussion. Honnêtement, j’aimerais bien la faire parce que j’ai un titre à défendre et que c’est une édition importante pour les Multi50, puisqu’il y a de fortes chances que l’on puisse claquer le scratch à l’arrivée à Salvador en l’absence des Ultimes. Mais, pour l’instant, on est en pleines négociations avec Arkema, il y a pas mal de questionnements sur ce qu’on va faire cette année avec le Multi50. Mon souhait est, en tout cas, que le bateau soit remis à neuf et présent sur cette Jacques Vabre, avec nous ou avec d’autres. Nous réfléchissons notamment à l’option d’une location qui s’adresserait à des gens qui font du Diam 24 et veulent l’utiliser sur des formats type Grand Prix ou à des skippers qui, par exemple, sortiraient de la Class40 et souhaitent découvrir le support – je sais qu’il y en a qui n’ont pas forcément les moyens de passer en Imoca et sont intéressés par le Multi50. Mais rien n’est encore défini.

L’année 2019 est déjà bien entamée et il y a très peu de teams engagés cette saison en Multi50 avec plusieurs bateaux qui n’ont toujours pas trouvés preneurs, y a-t-il matière à s’inquiéter ?
Honnêtement, il y a de l’inquiétude, parce que le plateau risque effectivement d’être un peu étroit, alors même qu’on a cette possibilité de focalisation sur la classe lors de la Transat Jacques Vabre et qu’on a un programme qui permet d’emmener des partenaires sur nos Grands Prix sur des bateaux très spectaculaires. Je suis assez surpris qu’il n’y ait pas d’acquéreur pour ces trimarans qui ne sont pas très chers, on est pour Réauté, quasiment sur un tarif de Class40 neuf [725 000 euros, NDLR]. Je n’arrive pas bien à saisir où en est le marché de la course au large aujourd’hui. Le Figaro 3 a le vent en poupe, c’est normal parce qu’il y a un nouveau bateau et que ça reste abordable ; on voit que l’Imoca arrive un peu à saturation avec des projets incertains parce qu’il n’y a plus de bateau ou que ça devient compliqué de se qualifier pour le Vendée Globe. Certains vont-ils tenter d’y aller jusqu’au dernier moment avant de se retourner vers d’autres supports comme la classe Multi50 ? Je ne sais pas. Maintenant, il y a quand même deux bateaux qui vont être construits [Arkema et celui de Fabrice Cahierc, voir notre article, NDLR] à horizon 2020, peut-être le retour de Drekan Groupe qui a été retrouvé aux Bahamas, soit potentiellement huit bateaux en 2020. L’année 2019 ne va pas forcément refléter le vrai visage de notre classe.

Parallèlement au programme Arkema, tu t’investis dans un projet d’ouverture de Port-Médoc à la course au large, peux-tu nous en dire plus ?
Nous cherchons effectivement à développer la base nautique de Port-Médoc avec des bateaux de course, du Mini au Multi50 en passant par le Figaro et le Class40. Nous sommes en train de faire sortir de terre un chantier qui pourra proposer à la fois de la construction – avec un four de 4 mètres par 20 mètres – de la réparation et de la préparation. Il y a aussi un deuxième bâtiment à destination des Chantiers navals de l’Estuaire, ce qui permettrait d’accueillir deux Multi50 et dix Class40 par exemple. Nous disposons aussi d’une grue pour sortir les bateaux de l’eau et les mâter, sans oublier qu’à moins d’une heure, à La Rochelle, il y a pas mal de fournisseurs. Le port est vraiment facile d’accès 24 heures sur 24 et il y a de la place, dans la mesure où il y a eu la volonté de ne pas aller au maximum des anneaux autorisés pour permettre aux bateaux de rentrer et sortir plus facilement.

Ce qui attire aussi les équipes, c’est la possibilité de s’entraîner à plusieurs, as-tu comme projet de développer un pôle d’entraînement ?
C’est vrai que le développement passe par là. Pour l’instant, nous avons La Rochelle à proximité, par exemple notre Mini y va souvent pour s’entraîner au pôle Mini. A l’avenir, nous souhaitons développer ici notre propre structure d’entraînement avec notamment les jeunes que nous formons, comme Raphaël Lutard, le skipper du Mini Arkema, que nous souhaitons garder comme entraîneur.

Les modèles bretons sont souvent mis en avant, nous l’avons évoqué la semaine dernière en parlant de crise du logement, as-tu l’impression que vous en êtes un peu oubliés ?
J’ai fait une grande partie de ma carrière en Bretagne et je suis assez fier d’avoir participé aussi au développement de La Base à Lorient, je suis un des premiers à y être arrivé en 1997 avec Alain Gautier sur Brocéliande lorsqu’elle était encore militarisée. Je m’y suis ensuite installé en 1998 lorsque j’ai récupéré le trimaran Banque Populaire. Pour moi, ce qui a été fait là-bas est un véritable exemple, mais comme vous l’avez dit dans votre article, ça a tendance à saturer et un marché qui sature est un marché qui s’étiole. Je pense donc que c’est important de développer d’autres lieux pour la course au large et ça serait une belle évolution de recréer ce modèle économique en Nouvelle-Aquitaine ou ailleurs. Même si ça fait parfois mal qu’il y ait une focale systématique sur la Bretagne, je suis très lucide et pour moi, l’exemple est là-bas. D’ailleurs, on demande régulièrement à nos élus d’aller faire un « éduc tour » dans la Sailing Valley autour de Lorient pour leur montrer qu’il y a un écosystème important autour de la course au large, on a encore du mal à les bouger.

Finissons par votre Mini, qui, jusqu’ici, a obtenu des résultats mitigés, quelle analyse en fais-tu et qu’en attends-tu pour cette saison ?
Les résultats ne sont quand même pas mauvais : la première année, Quentin (Vlamynck) a quand même terminé deuxième du Championnat de France course au large Mini et  sixième de la Mini-Transat en proto, ce n’est pas ridicule sur le premier bateau à foils de la flotte. La saison dernière a été plus en demi-teinte, parce que les conditions n’ont pas été très propices avec peu de vent et que, lorsqu’il y a eu du vent, Raphaël s’est blessé sur Les Sables-Les Açores. Après, ça reste un bateau laboratoire, compliqué, un peu lourd, parce que fabriqué en Elium, une résine 100% recyclable, sur lequel on veut continuer à faire naviguer des jeunes. On s’est posé la question dix fois de garder l’aile ou pas, pour au final choisir de la garder, parce que nous avons pris une vraie longueur d’avance dans le domaine de l’aile réductible, on sait que ça fonctionne, et quand on voit une équipe comme Land Rover BAR venir voir comment marche notre aile, comme ça avait été le cas en 2017, on se dit que c’est plutôt valorisant. Dans les conditions entre 80 et 120 degrés du vent réel, l’aile est surpuissante, on a fait quelques modifications cette année pour mieux contrôler cette puissance, notamment sur la partie haute. Pour les foils, ça va super vite sur mer plate, on est montés à 26 nœuds, mais ça ne marche pas tout le temps, si bien qu’on essaie en ce moment des dérives droites pour voir le différentiel, notamment de traînée dans le petit temps. Il se pourrait qu’on ait deux versions du bateau, à dérives ou à foils, sachant qu’il faudra faire un choix pour la Mini-Transat.

Crédit photo : Vincent Olivaud / Team Arkema Lalou Multi

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