Pierre Quiroga

Pierre Quiroga : “On existe avant tout par la performance”

29 duos ont pris samedi à Perros-Guirec le départ de la 15e édition du Tour de Bretagne qui s’achèvera le 22 juin à Quiberon. Parmi eux, celui d’Almond for Pure Ocean, composé de Thomas de Dinechin et Pierre Quiroga. L’occasion pour Tip & Shaft de s’entretenir avec le marin méditerranéen de 32 ans.

Comment te retrouves-tu embarqué au départ du Tour de Bretagne ?
Je travaille pour Thomas depuis deux saisons en tant que routeur/météorologue sur les courses du circuit Figaro, j’accompagne un petit groupe de Lorient dont il fait partie. Comme on a eu des atomes crochus et que j’avais envie de revenir faire du Figaro, nous nous sommes mis d’accord en début d’année, d’autant que le Tour de Bretagne s’inscrivait bien dans mon programme IRC en Méditerranée.

Avez-vous eu le temps de vous entraîner ?
(Rires) Notre premier entraînement est prévu demain soir (ce vendredi) pour le prologue ! Je gravite toujours autour de cette classe Figaro, mais plus devant mon ordi, mais ma dernière navigation doit remonter au dernier Tour de Bretagne que j’avais couru avec Arthur (Hubert, 11e place), donc, nous n’avons pas plus d’ambitions sportives que ça, le but est surtout de se faire plaisir et on va quand même essayer d’aller prendre quelques manches au duo de choc Loison-Horeau qui s’annonce comme le grand favori.

Peux-tu nous parler de ton rôle de routeur ?
J’ai commencé en 2022, l’année après ma victoire sur la Solitaire, notamment pour Seb Rogues sur la Route du Rhum 2022. J’ai par la suite toujours bossé avec de petits groupes indépendants, en IRC ou en Figaro, c’est un métier en plein essor avec de la demande dans tous les sens. En Figaro, en plus de Thomas, je travaille avec Julie Simon, Adrien Simon, je vais sans doute un peu augmenter ce groupe pour la Solitaire, avec peut-être Davy Beaudart et Arthur Meurisse. Je leur propose ce que Dominic Vittet m’a inculqué, à savoir des briefings à J-2, J-1, J 0, avec des routages et de la météorologie. J’ai aussi été approché par Lorient Grand Large pour récupérer une partie de leur groupe, mais ça faisait trop de monde. En tant que routeur, j’aime bien être en petit comité et donner des « tips » pour que les marins aillent dans leur coin et non pas créer des effets de masse comme on a pu le voir par le passé.

“Le Figaro, une classe de cœur”

Pour continuer sur le Figaro, est-ce une page que tu as en grande partie tournée ou te verrais-tu y revenir ?
Armel Le Cléac’h l’a très bien résumé quand il est revenu sur le circuit (victoire en 2020)une page Figaro ne se referme jamais. Aujourd’hui, ça fait partie avec l’Ocean Fifty des deux supports que je présente aux partenaires quand je vais démarcher. C’est une classe de cœur pour moi, efficiente en termes de rapport entre le budget, l’intérêt sportif et médiatique et le plaisir de naviguer. Donc même si je ne sais pas quand ni comment, j’aimerais bien y revenir, j’y ai même réfléchi cette année pour la Solitaire.
A propos d’Ocean Fifty, tu avais été recruté en 2023 comme skipper du projet Viabilis Océans avant d’être remercié en fin d’année (voir son interview dans Ouest-France), cette affaire est-elle aujourd’hui clôturée d’un point de vue procédural ? Et a-t-elle été difficile à digérer pour toi ?
C’est en passe de l’être, oui, j’avais lancé une procédure prud’hommale, mais c’est en voie de règlement à l’amiable. Après, oui, ça a forcément été compliqué à vivre, ça m’a marqué, et même longtemps après, on m’en reparle encore, pas plus tard que lors de la sélection Wewise à laquelle j’ai postulé. Maintenant, elle est définitivement tournée et je me dis que chaque perturbation est source de nouvelles opportunités – en l’occurrence ça m’a permis de retourner chez moi, dans un environnement plus plaisant.
La fin brutale a-t-elle cassé ta dynamique qui était alors bonne, entre ta victoire sur la Solitaire en 2021 et ce rôle de skipper d’un Ocean Fifty ?
Pas du tout, je suis plutôt très content de ce qui a été fait, j’ai quand même montré en peu de temps que j’étais capable de jouer aux avant-postes dans cette classe, en clôturant l’année par une très belle troisième place sur la Jacques-Vabre, donc la courbe sportive n’a pas été impactée, bien au contraire. Aujourd’hui, je revendique une expérience certaine dans la gestion sportive et technique d’un projet Ocean Fifty, et en ce sens, ça a été une super opportunité pour moi. Et depuis, je continue dans cette voie, puisque je suis en charge d’un projet de Cape 31 pour un propriétaire monégasque, Loïc Pompée, sur lequel on a réussi à être très vite performants. C’est une classe inshore montante de monotypes tout carbone, avec pas mal de médaillés olympiques à bord des bateaux, je gère le projet technique et sportif et je tactique sur les régates.

“Il y a toute une génération montante
qui ne m’oublie pas”

Mais n’as-tu pas peur qu’on t’oublie ?
Je suis assez persuadé qu’on existe avant tout par la performance, c’est ce que j’essaie d’expliquer quand je rencontre des partenaires. Quand tu es passé par l’équipe de France olympique, un titre de vice-champion d’Europe de match racing et la course au large avec une victoire sur la Solitaire du Figaro et un podium sur la Transat Jacques Vabre, ça pose des bases que peu de skippers sont capables d’étaler sur la table. Effectivement, je suis moins présent dans les médias, mais regarde un gars comme Morgan Lagravière : il n’est pas plus présent et pourtant, il est appelé à chaque fois quand il s’agit d’aller gagner une transat. Je ne me compare pas – et loin de là – à quelqu’un d’aussi talentueux que Morgan, mais je pense exister par mes performances. Et c’est grâce à elles que je vais aller courir le Fastnet avec Pep Costa sur son Class40 et sans doute faire un tour sur l’Ocean Fifty Lazare, je pense qu’il y a toute une génération montante qui ne m’oublie pas.
Mais ton ambition, c’est d’avoir ton propre projet, non ?
Oui, aujourd’hui, j’ai une envie profonde de revenir sur ce qui a fait ma réussite et sur ce quoi est ma plus grande valeur ajoutée, à savoir la course au large en solitaire et en double. C’est pour ça que j’ai postulé à la sélection Wewise (voir notre article), j’attends avec impatience la décision de Seb (Rogues) et du sponsor pour savoir qui sera choisi.Et si ça ne marche pas ?
Je continuerai à fonctionner comme je le fais actuellement, avec le projet Cape 31 qui me prend un gros tiers de l’année, un autre tiers sur le routage, le troisième est modulable, je continue notamment à travailler dans le monde du vin sur le domaine de mon petit frère. Pour le moment, cette répartition me convient, mais comme tu l’as dit, je pense qu’il ne faut pas non plus se faire oublier trop longtemps, j’aimerais vraiment être au départ de la Jacques Vabre et faire une performance.

Photo : Jean-Marie Liot / Alea

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