Imoca For People Guyader Bermudes 1000 Race

Ce qu’il faut retenir de la Guyader Bermudes 1000 Race

Moins de deux mois après sa mise à l’eau, For People, l’Imoca mené par Thomas Ruyant et Morgan Lagravièrea remporté jeudi la Guyader Bermudes 1000 Race, devant Charal (Jérémie Beyou/Franck Cammas)Tip & Shaft débriefe la course avec Antoine Koch, troisième avec Sam Goodchild sur For The Planet et qui a dessiné avec le cabinet Finot-Conq For People et Paprec Arkéa (6e), Sam Manuard, architecte de Charal et Initiatives Cœur (5e), le directeur de course Hubert Lemonnier et deux skippers qui ne participaient pas à cette édition, Yannick Bestaven et Charlie Dalin.

De l’aveu de tous nos experts, la Guyader Bermudes 1000 Race s’avère riche en enseignements avec un parcours de 1 384 milles qui a offert un beau panel de conditions. “C’était une course assez exaltante à suivre, les bateaux ont navigué dans du près faible, médium et fort, du reaching bas, du portant VMG, c’était un parcours complet qui a rendu l’exercice hyper intéressant”, résume Sam Manuard. Un parcours qui, avec ses quatre way-points obligatoires, a limité les grandes options stratégiques. “Il y a eu une petite molle à gérer qui a permis aux deux premiers de s’échapper, ensuite, c’était plus de la gestion de bascules, on n’a pas vu de gros « split » dans la flotte, c’était une course beaucoup basée sur la vitesse, les manœuvres et les bons choix de voiles, confirme Charlie Dalin.

A ce jeu-là, deux bateaux de nouvelle génération, For People et Charal, se sont montrés les plus performants, le premier l’emportant à Brest, après 4 jours 6 heures et 15 minutes, avec 26 minutes d’avance sur le second. Peut-on parler de surprise quand on sait que l’Imoca de Thomas Ruyant, mis à l’eau le 17 mars, n’avait que six sorties dans les « pattes » ? “Sur la qualité de l’équipage, non, répond Yannick Bestaven, mais je suis impressionné, après si peu de navigations, de les voir devant à la lutte avec Charal qui est un peu plus au point, puisqu’il a déjà fait une Route du Rhum ; ils frappent fort avec cette victoire.”

“Ça me rappelle notre victoire sur la Jacques Vabre 2019 pour la toute première course d’Apivia, ça permet de lancer le projet sur de bons rails“, ajoute Charlie Dalin. Le skipper du futur Macif, plan Verdier mis à l’eau en juin, analyse, lorsqu’on lui demande d’évoquer les performances de For People : “Au portant sur le dernier bord, il a eu un meilleur angle de descente que Charalon voit que c’est un bateau typé pour le portant VMG, c’est une allure où il est attendu, l’objectif a l’air pour l’instant atteint.”

Objectif également atteint, aux dires de Sam Manuard, pour Charal : “On a fait un chantier d’hiver en apportant quelques modifications pour améliorer ses performances au près et au reaching, le résultat est satisfaisant, avec des gains assez nets.” Ce qu’a observé Antoine Koch : Charal a clairement passé un cap. L’an dernier, il était en léger retrait par rapport à LinkedOut, là, il va plus vite.” 

 

Des écarts significatifs en faveur
des nouvelles carènes

 

Pour le designer/navigateur, la victoire de For People valide le choix de l’équipe TR Racing : “Pas mal de gens se demandaient après la Route du Rhum si c’était opportun de changer de bateau alors que LinkedOut et Apivia étaient au top. Nous, on avait l’intuition qu’on pouvait faire des gains importants, notamment dans la mer formée, et cette course a confirmé ce qu’on voyait dans nos simulations, avec des écarts de performances significatifs au près et au portant dans 25 nœuds de vent et 4 mètres de mer. Surtout, For People et Paprec Arkéa ont l’air d’être un peu plus « confortables », ce qui est un vrai plus. Moi qui n’avais pas navigué en course depuis quelques années sur ces bateaux, je peux vous dire que c’est vraiment engagé.”

Après avoir échangé avec les coureurs sur les pontons, Hubert Lemonnier confirme : “Avec ces nouvelles carènes, le confort dans le vol a progressé, ça plante moins au près et au portant, c’est un peu moins violent et plus stable.” Et selon Antoine Koch, on est encore loin d’avoir tout vu : “Des bateaux comme LinkedOut et Apivia sont très exigeants physiquement mais simples en termes de fonctionnement : tu bordes, ça marche. Pour les nouveaux, le gain dans la mer formée est lié au fait qu’ils ont plus de modes de fonctionnement et de réglages, ce qui veut aussi dire qu’ils ont une marge de progression plus importante que ne l’avaient LinkedOut ou Apivia.”

Pour Charlie Dalin, la progression risque de s’accélérer encore avec The Ocean Race, puisqu’au lieu d’aller tous les quatre ans dans le Sud, on ira tous les deux ans, on aura donc potentiellement deux fois plus d’enseignements dans ces conditions.” Antoine Koch note au passage que les marins participant à The Ocean Race ont clairement un atout dans leur poche : “Sam (Goodchild) arrive d’un demi-tour du monde sur Holcim-PRB, un bateau très proche de For The Planet, il était d’entrée de jeu dans la recherche de la perf, tous ceux qui vont rentrer de The Ocean Race vont contribuer à faire monter le niveau de jeu, parce qu’ils ont poussé les bateaux plus loin que ce qu’on a l’habitude de faire en double ou en solo.”

 

Initiatives Cœur à la hausse

 

Sam Manuard reste mesuré après cette course de rentrée : “On est tous passionnés par la technologie et on a envie de tirer des conclusions, mais il faut aussi souligner que les deux meilleurs équipages terminent devant”. Il constate tout de même : “C’est vrai qu’on a vu des vitesses assez impressionnantes, notamment Charal qui a tenu 27,1 nœuds de moyenne sur 5-6 heures entre le Fastnet et la Bretagne, des vitesses qu’on n’a pas trop l’habitude de voir.”

Dans une perspective de Vendée Globe, reste à savoir comment un skipper seul parviendra à exploiter le potentiel supérieur de ces Imoca. “C’est intéressant de voir des dessins complètement différents, y compris au niveau des foils, maintenant, ce sera plus dur de tenir ces cadences en solitaire, et surtout sur la longueur ; là, on parle d’une course qui n’a duré que quatre jours”, estime Yannick Bestaven. Le tenant du Vendée Globe se montre au passage satisfait de son Maître CoQ V – construit dans les moules de 11th Hour Racing – mené en son absence (il s’est blessé suite à une chute à vélo) au pied du podium par Jean-Marie Dauris avec Julien Pulvé. “On a montré que le travail de cet hiver en chantier et à l’entraînement à Cascais, notamment avec Pascal Bidégorry, payait ; et c’était bien d’avoir Initiatives Cœur à côté de nous pour s’étalonner.”

Un Initiatives Cœur qui, de l’avis de nos experts, a montré de belles choses après une année 2022 compliquée pour Sam Davies, accompagnée sur la Guyader Bermudes 1000 Race par Damien Seguin. Initiatives Cœur et Maître CoQ se sont fait un peu décrocher au début, mais au près et dans le dernier bord de portant, ils galopaient, notamment Sam”, note Antoine Koch. “La saison dernière, elle avait surtout en tête la qualification pour le Vendée Globe, ajoute Sam Manuard, cette année, elle est dans une optique de perf, j’ai trouvé que plus la course avançait, plus elle était à l’aise en vitesse, elle semble sur le bon chemin.”

 

Photo : François Van Malleghem

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