Après avoir remporté le Vendée Globe en janvier, Charlie Dalin était bien décidé à poursuivre sur sa lancée en 2025 sur le circuit Imoca à bord de Macif Santé Prévoyance. Un imprévu médical est venu bouleverser la donne, obligeant son équipe et son sponsor à une rare décision : la saison 2025 se fera sans lui, mais avec Sam Goodchild, secondé par Loïs Berrehar. Explications.
La mauvaise nouvelle est tombée mardi 24 juin. Après avoir dû renoncer “pour raisons médicales” à courir la Course des Caps qui s’élance dimanche de Boulogne-sur-Mer, Charlie Dalin ne participera ni au Défi Azimut en septembre, ni à la Transat Café L’Or (départ le 26 octobre). C’est le marin britannique Sam Goodchild qui le remplacera tout au long de la saison 2025 à la barre de l’Imoca Macif Santé Prévoyance, secondé par Loïs Berrehar, ex Skipper Macif en Figaro (2022-2024) et désormais engagé avec Banque Populaire – il attend son futur Imoca au printemps 2027 (voir notre article).
“C’est une décision difficile à prendre, mais priorité à la santé, a commenté le Havrais dans le communiqué envoyé mardi. Je suis évidemment déçu de ne pas pouvoir naviguer cette saison, mais j’ai une totale confiance en Sam et Loïs pour porter haut les couleurs de Macif Santé Prévoyance. L’équipe reste pleinement mobilisée et je suivrai leur progression avec beaucoup de fierté et de soutien.”
Cette annonce rare, l’équipe et son sponsor s’y préparent en coulisses depuis plusieurs semaines, même si la décision a été prise “avec un gros pincement au cœur”, confie à Tip & Shaft Jean-Marc Simon, directeur santé prévoyance de la Macif, avant d’ajouter : “Au fil des semaines, on a compris collectivement, y compris Charlie, que les choses n’allaient pas se passer comme prévu cette année.”
Après quelques semaines de repos post-Vendée Globe, une intervention chirurgicale a en effet contraint le skipper normand à manquer la cérémonie de remise des prix le 10 mai dernier aux Sables d’Olonne, puis, progressivement, à faire une croix sur sa saison sportive. “Quand il s’agit de santé, c’est toujours compliqué d’avoir une vision claire et sans appel, alors on a essayé de prendre les choses dans l’ordre“, commente Jean-Luc Nélias, team manager de Macif Santé Prévoyance.
“On ne pouvait pas
sacrifier le collectif”
L’équipe et le sponsor ont alors dû répondre à une première question : fallait-il maintenir le programme Imoca sans Charlie Dalin à bord ? “Ce n’est pas si simple de continuer avec un autre skipper, surtout que Charlie et la Macif, c’est une longue et solide histoire, rappelle Jean-Marc Simon. Mais on a toujours revendiqué le fait que nos excellents résultats étaient le fruit d’un excellent skipper, mais aussi d’un excellent travail collectif. Dans cette logique, on ne pouvait pas sacrifier l’équipe et faire une année blanche. La responsabilité de la Macif, c’est aussi de faire vivre ce collectif.”
“Le lendemain de la remise des prix du Vendée Globe, on s’est donc retrouvés à devoir échafauder un plan B, et trouver, en plus d’un co-skipper pour la Transat Café L’Or, un nouveau skipper“, explique Jean-Luc Nélias. Pas si simple dans une saison post Vendée Globe marquée notamment par The Ocean Race Europe et “un gros mercato des bons marins, ce qui signifie une sacrée logistique au niveau des calendriers.”
Pour le co-skipper, l’affaire a été vite pliée. Charlie Dalin avait déjà choisi Loïs Berrehar, son skipper remplaçant sur le dernier Vendée Globe, pour courir à ses côtés. Et même si sa signature avec Banque Populaire pour le Vendée Globe 2028 a retardé un peu les discussions, les incertitudes sur ses disponibilités, alors que l’ancien figariste est engagé aussi avec Team Malizia sur The Ocean Race Europe, ont vite été levées. “Pour le skipper, c’est aussi Charlie qui a choisi. Après une heure de discussions, Sam était le premier sur la liste, c’est le premier qu’on a contacté”, poursuit Jean-Luc Nélias.
Les atouts du Britannique, qui a achevé cet hiver son premier Vendée Globe en neuvième position ? “Il a beaucoup d’expérience, il sait gagner, il a été champion Imoca 2023 dès son arrivée sur le circuit. Surtout, il est aussi passé par beaucoup d’équipes, donc il a l’habitude de travailler avec des gens différents. Il peut prendre des décisions et les assumer ; c’est un skipper, c’est ce qu’on cherchait“, résume le team manager. Qui ajoute : “Le costume n’est pas facile à enfiler, il arrive dans une équipe championne, avec un marin qui a tout gagné, mais il a accepté la mission et il nous rend un sacré service.”
“D’abord triste pour lui avant
d’être content pour moi”
Pour l’ancien skipper de Vulnerable, joint par Tip & Shaft, l’appel de l’équipe Macif mi-mai “a bien sûr été une grosse surprise, il est arrivé dans un moment d’incertitude avec la fin de mon projet avec Thomas Ruyant.” Alors qu’il s’était engagé aux côtés de Paul Meilhat sur Biotherm pour The Ocean Race Europe et s’employait à monter un nouveau projet Imoca pour être au départ du Vendée Globe 2028, le skipper britannique a-t-il hésité ? “Franchement non, c’est clairement une proposition qui ne se refuse pas. Ma première réflexion a été surtout de prendre des nouvelles de Charlie, parce que je suis d’abord triste pour lui avant d’être content pour moi. Mais sportivement, bien sûr que c’est une opportunité très précieuse, et je veux être à la hauteur de cet honneur.”
Depuis la fin mai, les entraînements ont commencé à bord du plan Verdier mis à l’eau en juin 2023. “Pour l’instant, Sam et Loïs ont plus de boulot pour s’adapter à nous que l’inverse, si ce n’est qu’on a dû acheter une paire de jumelles, parce que Charlie n’en utilise pas, mais Sam oui !” sourit Jean-Luc Nélias. “L’équipe m’a accueilli à bras ouverts, commente quant à lui Sam Goodchild. C’est une chance de naviguer sur ce bateau que je regarde forcément de très près depuis longtemps. Maintenant, c’est à moi de délivrer, et cette fois, je n’aurai plus l’excuse de ne pas avoir un bateau de dernière génération si je ne performe pas.”
Le challenge est d’autant plus important que le Britannique n’a pas fait une croix sur son ambition de monter un projet Imoca pour le Vendée Globe 2028 avec Leyton, qui l’accompagne depuis 2019. “Je continue de travailler sur la suite, tout le monde s’adapte et se montre compréhensif, confirme-t-il. Ma chance, c’est d’être hyper bien entouré et d’être intégré dans de super équipes, avec à mes côtés un partenaire historique qui comprend ma carrière sportive. Même si là, j’avoue ne plus avoir de temps pour prendre d’autres casquettes ! Ce sont six mois denses devant moi, on se reposera cet hiver !”
“2025 est une parenthèse”
Du côté de Macif, la ligne de conduite est là aussi très claire : “Il ne s’agit en rien d’une passation et on ne travaille pas plus à une substitution. Charlie reste au centre du projet et notre skipper, on n’attend qu’une chose : qu’il revienne”, confirme Jean-Marc Simon. “2025 est une parenthèse, pas un point de départ”, abonde Jean-Luc Nélias, qui essaie de “maintenir l’équipe dans une dynamique positive malgré la déception de ne pas travailler avec Charlie cette année”.
Quid de la suite et notamment du Vendée Globe 2028, alors que le partenariat avec la Macif court officiellement jusqu’à fin 2026 ? “C’est un sujet complexe, on est dans un sport qui demande beaucoup de temps de préparation, mais en même temps, on vit une période où il est compliqué de se projeter, répond Jean-Marc Simon. Même si on a l’envie, il faut se donner quelques mois. On essaie d’être dans la justesse de posture, vis-à-vis de Charlie surtout, mais aussi de l’équipe, de l’interne et du public.”
Photo : Ronan Gladu / disobey. / Macif