Directeur de Planète Racing, la structure qui gère le projet Imoca Initiatives Cœur depuis douze ans, David Sineau a annoncé cette semaine la fin de cette collaboration à l’issue de la saison 2025. Il s’en explique pour Tip & Shaft.
Peux-tu commencer par nous expliquer comment est géré ce projet Initiatives Cœur ?
Au départ, Planète Racing était la structure qui a servi à Tanguy de Lamotte à gérer ses projets depuis qu’il faisait du Mini. Il l’avait encore quand il a fait son premier Globe en 2012 mais elle n’était pas très active, parce que le projet était géré directement par son sponsor, Initiatives. Quand je suis arrivé fin 2013, je l’ai accompagné dans la fin des discussions avec K-Line : il voulait retourner sur le Vendée avec un bateau un peu plus performant, ce qui voulait dire des moyens plus importants et un co-partenaire. Cela nécessitait que le projet ne soit plus géré par l’un des sponsors, mais par une structure indépendante, qui a donc été Planète Racing, qu’il m’a alors demandé de diriger. On a ensuite fait rentrer Vinci Energies en 2017, Tanguy est resté propriétaire de la structure jusqu’en 2021, j’ai alors fini par la récupérer et aujourd’hui, elle coordonne l’ensemble du projet : elle a les contrats de sponsoring avec les trois partenaires, recrute l’équipe et les skippers, est propriétaire du bâtiment à Lorient, loue le bateau aux armateurs et sous-traite la communication à Initiatives.
Quel est le budget annuel pour faire tourner une telle équipe ?
Je ne suis pas censé divulguer les chiffres du projet, mais on est toujours restés sur une équipe de taille assez modeste – on est sept aujourd’hui – et donc des budgets raisonnables, ce dont je suis assez fier. Disons qu’une équipe comme ça, avec un projet technique sérieux, sans amortissement du bateau, c’est à partir d’un million et demi d’euros par an, ce qui est assez serré.
Tu as annoncé que la collaboration avec les partenaires du projet Initiatives Cœur allait s’arrêter en fin d’année, pourquoi ?
Ça s’arrête, parce que depuis douze ans, on a toujours essayé de monter en puissance d’une campagne sur l’autre : on a commencé en 2014 avec l’acquisition d’un Imoca plus récent – l’actuel de Louis Duc – qu’on a considérablement optimisé. On a continué en rachetant Maître CoQ à Jérémie Beyou, qu’on a là encore fait beaucoup évoluer en étant notamment dans les premiers en Imoca à implanter des grands foils. Et pour le Vendée Globe 2024, on a eu l’opportunité de construire un bateau dans les moules de l’ancien d’Armel Tripon, en prenant la décision de faire le maximum de choses en interne. Donc avec l’équipe, on a toujours cette envie que la campagne suivante apporte quelque chose de plus exigeant, de plus difficile, de plus ambitieux, à la fois sur le plan technique et sportif, quand le projet Initiatives Cœur aujourd’hui a des envies peut-être plus tournées vers la communication – ce que je ne critique pas – et a le souhait, en termes d’organisation, de revenir à une structure interne en montant sa propre équipe.
“Violette a tout pour faire
un super projet”
Cet arrêt est-il aussi lié à la décision de Sam Davies de ne pas repartir sur une campagne de Vendée Globe et à l’arrivée de Violette Dorange cette année ?
Non, pas du tout, parce qu’elle avait de toute façon annoncé à la fin du Vendée Globe qu’elle souhaitait arrêter le solitaire. Maintenant, je ne sais pas ce qu’elle compte faire à la fin de l’année, ça lui appartient, elle a exprimé clairement son envie d’accompagner un projet pour lui faire bénéficier de son expérience, je sais aussi qu’elle est très attachée à la cause et qu’elle a envie de continuer à défendre les valeurs de Mécénat Chirurgie cardiaque. Pour ce qui est de Violette, le fait qu’on n’ait plus exactement les mêmes envies avec Initiatives Cœur n’est pas du tout lié à son arrivée, au contraire ! J’apprends à la connaître, elle est super, c’est quelqu’un qui, à mon avis, a tout, en termes de mental, de parcours, d’envie et de compétences, pour faire un super projet, elle percute vite et bien, elle a un super contact avec l’équipe. Pour un projet ambitieux sportivement, moi et mon équipe, ça nous plairait de l’accompagner si l’occasion se présentait !
Justement, quelles sont les ambitions de Planète Racing désormais ?
On aimerait bien héberger le projet d’un skipper qui a des ambitions fortes pour le prochain Vendée Globe. Je pense que c’est intéressant d’engager les sponsors sur des projets relativement longs, on sait bien que le coût des bateaux a tendance à augmenter et plus tu es sur un engagement long, plus tu vas dé-risquer l’investissement. Donc idéalement, on voudrait accompagner un skipper et un sponsor qui ont envie de faire un projet performant sur le prochain Vendée Globe et The Ocean Race derrière. Voire même d’avoir ensuite une histoire de transmission à un jeune skipper qu’on emmènerait sur le Vendée Globe suivant comme bizuth. C’est une feuille de route qui a de l’ambition sportive, raconte des histoires différentes et permet de réduire les risques pour un sponsor.
“Terminer sur une bonne note”
L’ambition, c’est de rester absolument en Imoca ? Pourriez-vous accompagner un projet Class40, Ocean Fifty ou Ultim ?
Je pense qu’un projet Class40 serait trop petit pour une équipe comme la nôtre, ça ne tient pas la route économiquement, ou sinon, à côté d’une activité principale. Pour ce qui est de l’Ultim, pourquoi pas ? Maintenant, avec l’Imoca, on a une vraie expertise à mettre en avant : on a une équipe qui a démontré pas mal de choses, on n’a pas abandonné une seule course en trois ans, avec un bateau neuf, fait en grande partie en interne et dont la construction n’a pas été un long fleuve tranquille, c’est quand même une belle réussite. On a aussi prouvé avec notre podium sur la Transat CIC qu’on était capables de jouer avec les meilleurs. On a également un bâtiment très qualitatif, le meilleur emplacement de La Base à Lorient, fait pour accueillir des projets de premier plan et qu’on a fait évoluer. Je discute avec des groupes et des marques à l’international, il y a des pays qui ont envie de venir sur The Ocean Race, mais peuvent être confrontés à la problématique de « par où on commence ? », car aujourd’hui, ça se passe chez les Français avec leurs règles. Nous, on peut être un accélérateur considérable pour un projet international en rendant la partie sportive et technique beaucoup plus fluide pour un nouvel arrivant. C’est peut-être là qu’on a le plus de valeur ajoutée.
As-tu déjà des discussions en cours ?
Oui, avec quelques skippers et marques, ça reste très ouvert. Il y a aussi des skippers qui veulent débuter dans la classe et me demandent de les accompagner dans leurs rendez-vous sponsors, parce qu’un partenaire a besoin d’être rassuré sur le fait que s’il y va, il confiera un budget à quelqu’un qui saura délivrer. Ça permet de crédibiliser la démarche du skipper.
Avant de se projeter sur la suite, il y a une histoire à terminer, quels sont les objectifs sportifs du Team Initiatives Cœur, cette année, notamment sur la Transat Café L’Or ?
On ne va pas cacher qu’on a été un peu déçus du Vendée Globe, donc la Transat Café L’Or est l’occasion, avec le bateau qu’on a amené à un certain niveau de performance, de terminer sur une bonne note. Il y a quatre ans, elle avait été hyper importante, parce qu’après l’abandon sur le Vendée Globe, Sam et Nico Lunven avaient terminé 5e en se battant tout le long avec les bateaux de dernière génération, ça avait validé notre travail des quatre années précédentes. Maintenant, le plateau est ultra-relevé, un certain nombre de skippers et d’équipes ont vraiment monté le curseur pendant le dernier Vendée Globe et c’est à mon avis moins évident de tenir le rythme des meilleures équipes que ça ne l’était en 2024.
Photo : Olivier Blanchet / Alea
