Louis Duc

Louis Duc : “J’ai envie de goûter à la performance”

Le groupe Fives et Lantana Environnement ont annoncé le 30 avril qu’ils prolongeaient leur partenariat avec Louis Duc (41 ans) pour la saison 2025, avec au programme le Fastnet, le Défi Azimut et la Transat Café L’Or. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec le Normand, 26e du dernier Vendée Globe.

Peux-tu nous raconter comment vous êtes arrivés à cette prolongation ?
Au départ, le partenariat devait se terminer fin juin, on avait prévu de remettre le bateau à l’eau fin avril pour des sorties partenaires en mai et juin. Mais avant le départ de la Jacques Vabre 2023, on avait proposé à nos partenaires, si tout se passait bien sur le Vendée Globe, d’enchaîner sur l’édition 2025 de celle qui s’appelle maintenant la Transat Café L’Or. Quand je suis rentré, on a constaté que le projet leur avait beaucoup plu, on s’est donc dit que ça serait dommage de ne pas prolonger jusqu’à la Transat. De mon côté, j’étais un peu déçu sur le plan sportif de mon Vendée, dans la mesure où comme j’avais abîmé pas mal de voiles, je n’avais pas pu naviguer à 100 % du bateau une bonne partie de la course. J’avais très envie de retrouver tout son potentiel et de faire une belle saison, mes partenaires ont accepté de me suivre, je suis ravi !

Quel bilan as-tu fait de ta campagne de Vendée Globe ?
Il est super positif car c’est un projet qui revient quand même de loin. Quand on a commencé, il n’y avait ni partenaires ni budget pour reconstruire le bateau (l’ancien de Clément Giraud, endommagé dans un incendie juste avant la Jacques Vabre 2019). On a dû faire appel à beaucoup de gens pour le remettre en état, qu’on a remboursés au fur et à mesure, et petit à petit, on a trouvé des partenaires qui nous ont accompagnés pour prendre le départ, ce qui était déjà extraordinaire. Et l’aventure a pris une ampleur que je n’imaginais pas, au moins en Normandie, mais également dans les écoles. Quand j’arrive dans les classes, j’ai l’impression d’être un footballeur et d’avoir fait un truc de dingue ! Je ne sais pas si c’est le cas, mais ça fait vraiment plaisir.

Près de trois mois après ton arrivée, as-tu l’impression d’être remis de ton Vendée Globe ?
Il y a eu deux mois au cours desquels j’étais extrêmement fatigué. C’est lié aux trois mois de course, mais surtout aux quatre ans passés à la préparer. Pendant ces années, je n’ai pas beaucoup dormi, j’avais le stress permanent de préparer le bateau, de trouver des partenaires, de tenir les plannings et de gérer une petite équipe, ce qui était nouveau pour moi. Sur ce plan, c’est un apprentissage énorme par rapport au Class40 ! Quand tu n’es pas formé à ça, que tu n’as pas fait d’école de commerce ou de management, tu es un peu tout seul au début. Je me suis d’ailleurs rendu compte qu’on était plusieurs à avoir la même problématique, j’ai notamment beaucoup échangé sur le sujet avec Seb Marsset, ça m’a pas mal aidé. Donc quand tu as vécu pendant trois-quatre ans avec un seul objectif en tête que tout d’un coup, tout s’arrête, c’est assez dur, tu te sens extrêmement fatigué, ton corps dit stop, tu as l’impression de ne plus être capable de réfléchir. Le fait d’être allé en montagne faire un peu de ski m’a permis de retrouver peu à peu la forme, et aujourd’hui, je sens que ça revient.

 “La marche est énorme”

As-tu aussitôt basculé sur la suite ? L’avais-tu anticipée avant de partir ?
J’y avais forcément un peu pensé en amont, maintenant, à chaque fois que j’ai fait une grande épreuve en imaginant des projets derrière, ça ne s’est jamais passé comme prévu, donc j’ai essayé de ne pas trop anticiper. Comme disait Benjamin Ferré : Préparer le Vendée Globe d’après, c’est risquer de mal faire celui qui arrive. Maintenant, c’est clair que dès que j’ai débarqué, j’avais déjà envie d’y retourner, mon objectif est de refaire le Vendée Globe, mais sur un bateau à foils. Quand j’étais gamin, j’étais passionné de multicoque, je trouve que les foilers aujourd’hui se rapprochent des multis de l’époque, j’ai envie d’y goûter au moins une fois, je vais me battre pour être au prochain Vendée avec des foils sur les côtés. J’aimerais que ce soit sur un Imoca de génération 2020, parce que j’ai envie d’être dans le coup, je ne veux pas me retrouver dans les trois-quatre derniers bateaux à foils, avec le risque d’en avoir à dérives devant moi. Je ne dis pas que je vais gagner le prochain Vendée Globe, mais mon ambition est de jouer dans un groupe compétitif où ça se bagarre beaucoup, j’ai envie de goûter à la performance.Concrètement, où en est ce projet ?
Pour l’instant, nous sommes en grandes discussions avec mes partenaires, mais il faut comprendre que la marche est énorme entre notre projet actuel et l’investissement que nécessitent des bateaux à foils. On parle de 3 à 4 millions d’euros pour acheter le bateaude 1,5 à 2 millions par an de budget de fonctionnement, alors que sur ma campagne actuelle, le bateau a dû me coûter en tout 700 000 euros pour un budget total, entre 2021 et juin 2025, d’environ 2 millions d’euros. Ce serait extraordinaire d’avoir la chance de faire ça, encore plus avec mes partenaires actuels, mais je pourrais aussi comprendre qu’ils me disent : “Tu rêves mon gars ! T’as vu les prix et ce qui se passe en ce moment ?” C’est complètement délirant de demander ce genre de chose, même en temps normal, car ça reste des sommes d’argent énormes. Donc si jamais ça arrive, je peux te dire que je mesurerai bien la chance que j’ai d’accéder à ce genre de bateau !

“L’engouement est moindre”

Pendant cette campagne, as-tu réussi à te payer ?
Pas des masses, j’ai pris un petit salaire, parce qu’à un moment donné, il faut bien bouffer un petit peu. Tant qu’il n’y avait pas de partenaires, je ne me suis pas payé du tout, ensuite, quand j’ai pu structurer un peu plus le projet, je me suis versé autour de 1 500-1 600 euros net par mois, ce qui n’a pas été le cas tous les mois.As-tu aujourd’hui des bateaux en vue ?
Je ne m’amuse pas à prendre des contacts tant que je ne sais pas si je vais y aller ou pas, ça m’embête de faire croire que je vais acheter alors que le projet n’est pas acté. Maintenant, il y a plein de super bateaux de 2020 qui me passionnent, comme ceux de Justine (Mettraux), Clarisse (Crémer) ou DMG Mori.

Le marché de l’occasion, notamment des bateaux à dérives, est pour l’instant très calme, n’as-tu pas peur de ne pas réussir à vendre le tien ?
Je pense que c’est vrai pour tous les bateaux, à dérives ou à foils, à part deux ou trois de génération 2024 qui semblent avoir été vendus, on constate que l’engouement est moindre par rapport à il y a quatre ans. Pour moi, c’est lié à deux trucs : le premier, c’est qu’en 2021, il y a eu une espèce d’euphorie post-Covid, la deuxième, c’est que la situation économique est moins facile. Est-ce que c’est inquiétant ? Je ne sais pas, il y a quand même beaucoup de skippers qui cherchent à être au départ en 2028, je reçois pas mal de coups de fil de gens qui me disent qu’ils ont des bouts de budget, je pense que ça va se décaler un peu dans le temps et reprendre au moment de la Route du Rhum.

As-tu ton co-skipper pour les courses de la saison ?
Pas encore. Ça pourrait être l’acheteur du bateau pour faire une passation, c’est en tout cas une solution qu’on propose, sinon, j’ai une liste de deux-trois personnes en tête.

Photo : Jean-Marie Liot

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