Antoine Auriol Imoca Malizia

Nicolas Lunven : “C’est une chance de sauter sur un autre Imoca”

Après avoir conclu une deuxième campagne de The Ocean Race consécutive, cette fois avec MaliziaNicolas Lunven était cette semaine en stage d’entraînement Imoca à Port-la-Forêt aux côtés de Sam Davies, dont il sera le co-skipper cette saison à bord d’Initiatives CœurTip & Shaft a échangé avec le marin de 40 ans.

Comment as-tu trouvé cette édition de The Ocean Race, la première en Imoca ?
C’était un pari loin d’être gagné de changer de support, je considère que c’était une édition de transition, dont on pourra mesurer le succès à l’aune de la participation à la prochaine. S’il y a plus de dix bateaux dans quatre ans, on pourra dire que c’est un succès. Là, il n’y en avait que cinq, il y a eu deux démâtages et Guyot a eu des problèmes de structure. Mais à côté de ça, on a vu le record des 24 heures battu, de la bagarre sur la quasi-totalité des étapes, des arrivées dans un mouchoir de poche et techniquement, les bateaux ont prouvé qu’ils étaient capables de faire cette course sans qu’on soit sans cesse obligé de les réparer. Et je pense sincèrement que ceux qui ont participé à The Ocean Race ont considérablement accéléré leur préparation en vue du prochain Vendée Globe. Les bateaux ont maintenant un tour du monde dans les pattes en ayant été menés un cran plus élevé qu’en solitaire, avec la possibilité à chaque escale d’améliorer des choses, de faire des changements de configuration de voiles… C’est un gros plus dans la préparation sportive et technique du bateau.

Vu de l’extérieur, cette équipe de Malizia respirait la bonne humeur, était-ce vraiment le cas ou de la communication ?
Etonnamment, c’était le cas ; je dis étonnamment, parce que souvent, sur une épreuve aussi longue, c’est comme ça au début… mais pas à la fin. Là, ça l’a été sans arrêt, c’était assez incroyable de vivre dans cet environnement avec des gens sympas et souriants. Ce contexte m’a notamment permis d’avoir une certaine liberté dans mes choix de navigation, j’ai pu prendre des options parfois différentes des autres sans sentir des regards noirs fixés sur moi. J’ai trouvé agréable de travailler avec des gens qui me faisaient confiance et ne remettaient pas tout en cause quand ça ne marchait pas comme on voulait.

Comment juges-tu votre classement final, avec cette troisième place ?
Je pense que nous sommes à notre place, mais à l’heure du bilan, j’ai envie de mettre dans le même panier la troisième place, les deux victoires d’étape, le record des 24 heures et le fait que nous ayons fini toutes les étapes, ce qui n’a pas été le cas des autres bateaux, donc je trouve que ça fait un bilan très positif.

 

Malizia répond au cahier des charges”

 

Parle-nous de Malizia, un bateau réputé taillé pour le portant dans la brise mais un peu lourd, est-ce le cas ?
Il a été conçu selon un cahier des charges dont la priorité était le Vendée Globe et les mers du Sud, donc l’objectif était de faire un bateau solide et capable de tenir des moyennes élevées dans le Grand Sud. Là-dessus, il répond parfaitement au cahier des charges, on l’a vu sur la grande étape qu’on a gagnée (Le Cap-Itajai), on a réussi à tenir des moyennes un peu plus hautes que les autres et au niveau structurel, on n’a quasiment eu aucun souci. Maintenant, il est effectivement un peu plus lourd que les autres, mais je pense qu’on a quand même progressé entre le début de la course et la fin, car même si on a vu qu’on n’était pas les plus à l’aise dans certaines conditions, on n’était pas non plus complètement à la rue. La preuve, nous avons réussi à gagner la dernière étape, certes, avec un peu de réussite la dernière nuit, mais si on avait été 250 milles derrière les premiers, on n’aurait pas pu tenter notre petit coup de mistoufle.

Au cœur de cette édition, a éclaté « l’affaire Kevin Escoffier » qui a forcément dû te toucher, d’autant que tu connais bien Kevin, avec qui tu as disputé la Transat Jacques Vabre 2019 (2e), quelle a été ta réaction ?
C’est arrivé à un moment où je n’étais pas sur la course, j’étais rentré chez moi donc je n’ai pas vécu le truc en frontal. Maintenant, ce n’est pas mon rôle de rentrer dans les détails de cette affaire, mais c’est évident que c’est une histoire malheureuse qui m’attriste beaucoup.

A peine rentré de Gênes, te voilà déjà sur l’eau avec Sam Davies, l’enchaînement n’est pas trop dur ?
C’est clair que ça enchaîne, mais je me dis que c’est une chance de pouvoir sauter sur un autre Imoca et vite prendre les manettes du bateau avec tous les automatismes de la course encore bien présents. Maintenant, c’est clair que je sens que la fatigue est là, on a le Fastnet qui arrive vite, il va falloir que je fasse de bonnes nuits de sommeil pour être en forme, ensuite, il y aura une coupure en août.

 

“Je ne pense pas que tu me verras sur
la ligne de départ du Vendée Globe”

 

Tu changes de monture en passant de Malizia, un plan VPLPà un plan Manuard construit dans les moules de l’ex Occitane, peux-tu comparer les deux ?
Je dirais que le bateau de Sam est un peu plus classique au niveau de la disposition du plan de pont, du cockpit et de l’intérieur, je n’ai pas l’impression d’arriver en terre inconnue, d’autant que l’équipe a conservé beaucoup d’idées au niveau ergonomie et choix techniques du précédent Initiatives Coeur, à bord duquel j’avais déjà couru la Jacques Vabre il y a deux ans. Pour ce qui est des carènes, elles sont toutes les deux en scow, mais dans les détails, il y a quand même pas mal de différences. Par exemple, on a fait un bord de portant dans 20 nœuds cette semaine, des conditions dans lesquelles Malizia commence à exprimer son potentiel avec des notions de confort, très peu d’eau à passer sur le pont, alors que sur celui de Sam, il y a plus de légèreté et de vivacité, mais tu te fais plus chahuter. Après, je ne suis pas capable de te dire à ce stade lequel des deux va plus vite.

Maintenant que quasiment tous les nouveaux bateaux sont sortis, quel est ton regard sur les différentes philosophies et lequel choisirais-tu si tu avais ton projet ?
C’est génial parce qu’on a vraiment ici la définition d’une classe de bateaux à développement. Il y a quelques années, on avait un match restreint entre deux cabinets d’architectes, mais depuis le dernier Vendée Globe, il y a plus de variété, avec Sam Manuard, puis Antoine Koch et David Raison qui sont rentrés dans le jeu, ça remet de l’intérêt dans cette facette de la classe Imoca. Lequel je choisirais ? Disons que j’ai un petit faible pour les bateaux d’Antoine Koch (For People et Paprec Arkéa), le parti pris du choix de carène et des entrées d’eau à l’avant me semble intéressant, maintenant, je ne les ai vus que de loin !

Quels vont être vos objectifs avec Sam sur la Transat Jacques Vabre ?  
Il va y avoir un plateau incroyable avec énormément de bateaux récents et compétitifs, de super duos, c’est difficile de savoir où on peut se situer là-dedans, j’espère le plus haut possible. J’aimerais en tout cas qu’on fasse une Jacques Vabre dans la même veine que celle d’il y a deux ans (5e place). On s’était très bien entendus avec Sam et l’équipe, on avait fait une belle course, j’aimerais bien qu’on fasse au moins aussi bien dans la manière.

Finissons par ton cas personnel : tu as cherché à monter ton projet de Vendée Globe, ton nom a été cité pour succéder à Clarisse Crémer avant que le projet Banque Populaire ne s’arrête, tu as accumulé beaucoup de milles (3e dans le tableau), est-ce encore envisageable de te voir au départ du prochain ? Es-tu à l’affût d’opportunités ?
Je ne pense pas que tu me verras sur la ligne de départ du Vendée Globe l’année prochaine, dans le sens où aujourd’hui, je n’ai ni budget ni bateau. Pour ce qui est d’être à l’affût, c’est un mot un peu fort, disons que je suis toujours attentif à ce qui se passe. Maintenant, l’échéance approche, la course est dans un peu plus d’un an, ce n’est pas une décision que tu peux prendre à la légère si une opportunité se présente. L’idée n’est pas de faire le Vendée Globe à tout prix et dans n’importe quelles conditions pour finir droit dans le mur.

Vu tes antécédents avec l’équipe PRB et l’incertitude qui plane sur l’avenir du projet Holcim-PRB, as-tu été en contacts récemment avec eux ?
C’est très simple de te répondre : j’ai zéro contact avec eux et je n’ai aucune info sur ce qu’ils ont l’intention de faire.

Photo : Antoine Auriol / Team Malizia

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