Nicolas Lunven

Nicolas Lunven : « Une belle occasion de retourner sur The Ocean Race »

Après avoir remplacé Clarisse Crémer en début de saison sur l’Imoca Banque Populaire, Nicolas Lunven est bien occupé en ce mois de septembre, entre la préparation de la météo de la Solitaire du Figaro pour les marins du pôle Finistère course au large de Port-la-Forêt et les navigations à bord de l’Imoca Malizia-Seaexplorer de Boris Herrmann, avec lequel il disputera The Ocean Race. Tip & Shaft s’est entretenu avec le double vainqueur de la Solitaire.

► Commençons par la Solitaire : que t’inspire la victoire de Guillaume Pirouelle sur la deuxième étape, qui lui permet de prendre la tête au général ?
C’est un très beau vainqueur d’étape, il avait déjà fait 6e sur la première, avait montré de belles choses en avant-saison, on le voit évoluer sur le circuit depuis l’année dernière puisqu’il a débuté avec Alexis Loison, on se doutait que c’était quelqu’un de talentueux, il le confirmeavec cette première victoire, qui plus est à la régulière. Car même si Tom Laperche, l’ultra favori, a montré une belle maîtrise sur les deux étapes, Guillaume était tout le temps dans le coup, en embuscade. Donc cette victoire est loin d’être du vol, il prouve qu’il maîtrise déjà très bien le support, il faut rappeler que, même s’il était sur le circuit l’an dernier, c’est un bizuth sur la Solitaire.

► Après une première étape conclue sur un gros retournement de situation final favorable à Davy Beaudart, Frédéric Duthil et Philippe Hartz, cette étape remet-elle un peu les pendules à l’heure, avec la prise de pouvoir de ceux qu’on annonçait comme les favoris de cette Solitaire ?
Oui, tout à fait. Même si elle leur a donné quelques sueurs froides, avec un élastique qui s’est tendu et rétracté plusieurs fois, au final, les patrons sont là. Après le gros regroupement en baie d’Audierne et la journée de mercredi dans les vents erratiques, le groupe du milieu s’en est le mieux sorti, c’est parti par devant et il y a finalement eu de gros écarts. Cette étape fait mal pour certains, mais quelque part, voir Guillaume, Achille (Nebout), qui progresse chaque année, et Tom aux trois premières places du général, ce n’est pas vraiment une surprise. Pareil pour Tom Dolan, ça fait quand même plusieurs années qu’il est là, il a déjà performé, il commence à devenir un pilier du circuit, ce n’est pas vraiment une grande surprise de le voir 5e au général.

► La surprise, ce ne serait pas la quatrième place de Benoît Mariette ?
Je t’avoue que je ne connais pas beaucoup, mais il évolue sur le circuit depuis quelques années, il a déjà fait des bons coups sur la Solitaire, il a l’air d’un garçon réfléchi, mature dans sa manière de naviguer. Donc oui, il n’était pas dans les favoris, mais je me demande si c’est vraiment une surprise de le voir là. Après, il y en a d’autres qui se font remarquer sur cette Solitaire, je pense notamment à Basile Bourgnon (7e au général), qui n’hésite pas de temps à temps à faire des décalages, on l’a vu sur la première étape quand il était passé tout seul au large du DST des Scilly, ce qui l’avait remis dans le paquet, sur la deuxième, il a tenté un coup à la côte au niveau de l’embouchure de la Loire avec Tom Dolan. Je pense qu’à l’avenir, ce sera un client sérieux, il a une manière de naviguer assez libérée dans la prise de décision, c’est un profil qui peut être dangereux sur une Solitaire du Figaro.

 

“Au-delà de Tom Dolan, le podium actuel
sera difficile à aller chercher”

 

► Vu les écarts au général avant la dernière étape, qui peut encore gagner la Solitaire ?
Si c’est une étape avec une météo stable, sans retournements de situation, au-delà de Tom Dolan, le podium actuel sera difficile à aller chercher. Après, ça reste pour l’instant une Solitaire avec des conditions météo complexes, comme on l’a vu sur les deux premières étapes, parce qu’on est en plein été et qu’en plus, il a fait très chaud cette année, ce qui provoque des effets thermiques assez complexes à appréhender, donc pas mal de regroupements et de rebondissements.

► Tu as vécu le fait d’être en tête avant une dernière étape, quel est le mot d’ordre dans cette situation ?
Quand tu es en tête, tu te dis que tu vas essayer de contrôler un minimum tes poursuivants, mais tu ne peux pas contrôler tout le monde, surtout si le scénario météo devient aléatoire et provoque l’éclatement de la flotte. Et il y a toujours le risque de contrôler le mauvais coureur et de t’écarter de ta stratégie. C’est un arbitrage complexe à faire. C’est aussi une question de tempérament, il y en a qui veulent tout le temps attaquer, Adrien Hardy était par exemple notre bête noire à tous, parce qu’on savait que jusqu’au dernier moment, il était prêt à tenter tous les coups avec un taux de réussite assez élevé. Là, si on regarde le profil des trois premiers, ce sont des skippers plus dans la maîtrise, le contrôle, pas dans la prise de risques. Peut-être qu’un Benoît Mariette va tenter quelque chose, même s’il peut aussi vouloir assurer sa place dans le top 5, ça ne lui est jamais arrivé, Tom Dolan aussi, dont on sait qu’il est capable d’être dangereux quand il tente des coups.

► Passons à l’Imoca : quel bilan as-tu tiré de ton expérience en début de saison avec Banque Populaire sur la Guyader Bermudes 1000 Race (4e) et la Vendée Arctique (10e) ?
C’était la première fois que j’avais l’occasion de faire du solitaire en Imoca, je me suis vraiment éclaté et les résultats sportifs ont plutôt été à la hauteur du bateau [plan Finot 2008, aujourd’hui Lazare pour Tanguy Le Turquais, NDLR]. J’en tire donc un bilan super positif. J’imagine que tu vas me demander maintenant où j’en suis de mon projet Vendée Globe, c’est un peu le point noir, parce que j’avais eu une petite avancée l’hiver dernier, mais entre Banque Populaire puis Malizia, pas grand-chose n’a bougé depuis. Mais je ne regrette pas du tout car l’expérience Banque Pop était hyper enrichissante et je suis maintenant dans un super projet avec Boris Herrmann. On ne peut pas être partout.

 

“Je reste placé dans la course aux milles”

 

► Donc ce projet Vendée Globe est entre parenthèses ?
Oui, mais comme tu le sais, il y a une problématique de milles parcourus pour participer au Vendée Globe, avec beaucoup de projets déclarés et un nombre limité de places. Le fait d’avoir engrangé des milles avec Banque Populaire et d’en engranger d’autres avec Malizia sur The Ocean Race me permet de rester placé dans la course aux milles. Donc s’il y a une opportunité qui s’offre à moi à un moment, je suis en mesure de la saisir car je n’ai pas ce blocage lié à la course aux milles. Le Vendée Globe, c’est dans un peu plus de deux ans, il peut se passer plein de choses…

► Parlons pour finir de Malizia, comment t’es-tu retrouvé embarqué dans l’aventure ?
Ça faisait un an que Boris me parlait de son nouveau bateau et de The Ocean Race, il m’a offert l’opportunité de rejoindre son équipe, je n’ai pas hésité très longtemps. C’est vraiment une course qui me plaît beaucoup. Quand l’annonce a été faite qu’elle s’ouvrait à l’Imoca, je m’étais dit que, compte tenu de ma double expérience en Imoca et de la Volvo, à laquelle j’ai participé deux fois, c’était une belle occasion d’y retourner, j’en suis donc très content. On a eu pas mal d’inquiétudes en début d’année sur le nombre de participants, et au final, il semblerait qu’on puisse être cinq ou six, ça prend le bon chemin. Aujourd’hui, c’est quasiment du temps plein pour moi, je fais juste en plus le routage de la Solitaire pour le pôle et je ferai celui d’Armel (Le Cléac’h) et de Leyton (Sam Goodchild) sur la Route du Rhum avec Marcel Van Triest.

► Quelles sont tes premières impressions sur ce nouveau plan VPLP, mis à l’eau en juillet dernier ?
Le bateau est agréable à naviguer, tout est bien pensé en termes de confort du cockpit et du plan de pont. Au niveau des perfs, c’est difficile de tirer des conclusions, on sort d’une semaine de stage à Port-la-Forêt dans des petites conditions qui ne sont pas le point fort du bateau, on n’était pas à la ramasse, ça semble prometteur. Maintenant, il faut attendre de naviguer en confrontation dans des conditions plus variées.

Photo : Yann Riou / PolaRYSE / Team Malizia 

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