Jean-Luc Denéchau

Jean-Luc Denéchau : « L’avenir de la course au large passera sans doute par un peu plus de sagesse budgétaire”

La commission de discipline de la Fédération française de voile a annoncé jeudi aux protagonistes du dossier sa décision sur la procédure enclenchée à l’encontre de Kevin EscoffierLe Parisien annonçant ce vendredi une suspension de 18 moisTip & Shaft a échangé sur le sujet – et d’autres – avec le président de la FFVoile, Jean-Luc Denéchau.

Pouvez-vous nous rappeler comment s’est passée la procédure disciplinaire visant Kevin Escoffier ?
Une première demande d’ouverture avait été faite de ma part en juin pour l’affaire de Newport, nous avons ensuite eu d’autres témoignages sur des faits différents, qui m’ont conduit à demander l’ouverture d’une autre procédure de discipline. Le président de la commission de discipline (Antoine Savignat) a souhaité joindre les deux affaires, la commission de discipline s’est tenue le lundi 9 octobre, elle a notifié sa décision jeudi en fin d’après-midi, à Kevin et son conseil d’une part, à moi de l’autre. Les deux parties ont sept jours pour faire appel de la décision ; si c’est le cas, la sanction ne sera rendue publique qu’à l’issue de l’appel [le président ne souhaite pas se prononcer sur le contenu de cette sanction, ni sur son intention ou non de faire apel, Le Parisien ayant annoncé 18 mois de suspension, NDLR].

Avez-vous l’impression que cette affaire a permis à la parole de se libérer ?
Je pense que ça a joué un rôle, notamment à travers le courrier signé par un certain nombre de personnes sur voilesetvoiliers.com qui est devenu une pétition sur change.org, mais je ne dirais pas que ça ait conduit à beaucoup plus de signalements, il n’y a pas eu d’effet massif.

Quel est votre avis sur cette pétition qui parle d’“omerta” et d’“impunité des agresseurs” ?

Je suis partagé. Je vais retenir le côté positif qui est de dire aux victimes potentielles : “Nous sommes présents, n’ayez pas peur de parler, il y a différents canaux pour le faire.” Ce qui me gêne un peu, c’est que, tel que c’est présenté, on a l’impression qu’il y a des gens qui savent, mais comme je vous l’ai dit, on ne voit pas arriver beaucoup plus de signalements.

Passons aux cas de triche sur la Solitaire du Figaro, qui concernent Benoît Tuduri et Pierre Daniellot, quelle a été votre réaction en les apprenant et où en est la procédure ?

Ma réaction a d’abord été de féliciter les arbitres et la direction de course : cela prouve que les procédures mises en place sont bonnes puisqu’on a pu identifier rapidement cette tricherie ; ensuite, une grande tristesse pour les autres bizuths à qui on a volé la notoriété, ça n’a malheureusement pas de réparation. Celui qui était bien classé (Benoît Tuduri) a pris la lumière que méritait un autre (Victor Le Pape a finalement remporté le classement bizuths). Pour ce qui est de la procédure, j’ai reçu les rapports du jury, à leur lecture, j’ai décidé d’ouvrir deux commissions de discipline pour les deux skippers, et comme j’estimais qu’il pouvait y avoir un risque, j’ai pris une mesure conservatoire en leur interdisant de participer à des compétitions organisées par la Fédération française de voile jusqu’à la publication du jugement de la commission de discipline, qu’on devrait connaître mi-novembre. Le spectre de la sanction est très large, de l’avertissement à une suspension de licence à vie, je ne peux pas préjuger de la décision de la commission qui est indépendante.

 

“Pour la Coupe, je suis
confiant sur le long terme”

 

A propos de course au large, le Vendée Globe fait le plein (44 candidats pour 40 places), la Transat Jacques Vabre bat son record d’inscrits (95 duos), cette dynamique va-t-elle durer éternellement ?
Déjà, on s’en réjouit ! Après, en tant que président de fédération, je dois essayer de me projeter derrière cette croissance forte. On constate que sur un plan global, on ne va pas vers l’embellie économique, donc on peut se dire qu’il risque quand même d’y avoir des partenaires qui, financièrement, rencontreront des difficultés. Il faut l’envisager, mesurer ce risque et peut-être anticiper pour savoir comment l’éviter, ce qui passera certainement par un peu plus de sagesse budgétaire. Maintenant, on peut aussi se dire que si autant de monde vient à la course au large, c’est qu’ils y trouvent un intérêt, donc peut-être qu’en cas de rétrécissement économique, certains partenaires qui étaient dans d’autres secteurs viendront à la course au large qui véhicule une image très positive.

Le 8 décembre, avant la Soirée du Marin de l’Année, vous organisez des Assises Course au Large 2030-S’aligner ensemble avec l’Accord de Paris et les limites planétaires, pouvez-vous nous en dire en quoi elles consistent ?

Depuis quelques années, je vois les efforts de l’ensemble des acteurs de la course au large pour être moins impactants d’un point de vue environnemental, je pense qu’il y a un besoin de coordination et qu’on se donne des objectifs communs. De là est née cette volonté de faire des assises environnementales de la course au large pour qu’on puisse s’aligner sur l’Accord de Paris 2030. Ces derniers mois, nous avons échangé avec plus d’une trentaine d’acteurs représentatifs de l’écosystème – classes, fournisseurs, organisateurs, skippers, experts, sponsors – pour bien comprendre les attentes et les freins que chacun pouvait avoir ; en parallèle, avec un cabinet spécialisé (The Boson Project), on a réalisé une évaluation détaillée de l’impact environnemental de la course au large ces dernières années pour le comparer avec la trajectoire qui serait nécessaire pour s’aligner sur l’Accord de Paris. Avec toute cette matière, on va essayer lors de ces Assises de dessiner une ambition qui soit pragmatique et enthousiasmante et d’aboutir à des pistes d’action à court et moyen terme.

Projetons-nous vers 2024, et d’abord sur les JO : le test event de Marseille a été concluant pour l’équipe de France avec cinq médailles, c’est à peu près ce nombre que visera la France aux Jeux ?
Ça met évidemment la pression parce qu’on a envie de faire aussi bien, c’est un résultat historique, un temps de passage qui nous dit qu’on est dans le bon tableau de marche, mais ce n’est pas la ligne d’arrivée. Et j’ai toujours été très clair sur le sujet en donnant l’objectif de faire plus de médailles qu’à Tokyo (trois – deux en en argent, une en bronze) ou de les faire dans un plus beau métal, l’or. Le deuxième objectif est d’être en capacité de viser le podium dans les dix séries, c’est le cas pour l’instant dans sept séries, on a donc encore une marge de progression.

Quid de la Coupe de l’America ? Croyez-vous aux chances du défi Orient Express Team ?  
Oui, je trouve qu’il a une certaine singularité qui me donne confiance sur le long terme. D’abord, parce qu’il y a eu une union pour avoir un seul défi, alors que souvent, on avait plusieurs projets qui voulaient se lancer en même temps. Ensuite, je note qu’il y a la volonté de s’inscrire dans la durée, ce que nous n’avons jamais réussi à faire jusqu’à maintenant. Je trouve notamment que le fait de mélanger le circuit SailGP avec la Coupe de l’America permet de conserver la structure de l’équipe et ainsi de ne pas perdre toute l’expérience emmagasinée.

Photo : Frédéric Muzard

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