Multiplat Chantier naval

Yann Penfornis : « Le troisième chapitre de l’histoire de Multiplast »

Dirigé pendant 28 années par Gilles Ollier puis 13 par Dominique Dubois, Multiplast change de mains. Le groupe HBH, avec à sa tête Damien Harlé et Jean-Denis Bargibant, a officialisé mardi le rachat du groupe Carboman auquel appartient le chantier vannetais. Yann Penfornis, qui en reste directeur général, nous expose les enjeux liés à cette reprise.

► Pouvez-vous nous raconter les modalités du rachat du groupe Carboman ?
Tout a commencé il y a deux ans quand Dominique Dubois, le président du groupe Carboman, a décidé de participer à l’Ocean Globe Race en 2023. Il a préparé son départ et parlé aux salariés de la vente de l’entreprise. Début décembre 2021, il est entré en contact avec Damien Harlé et Jean-Denis Bargibant, les dirigeants du groupe HBH qui dispose de deux sites de production, dont Ouest Composites Industrie, basé à Auray. Le courant est bien passé et nous sommes entrés en discussion quasi exclusive début 2022. Avant même l’officialisation du rachat, les repreneurs ont été associés à nos décisions sur les projets à long terme, ils étaient dans nos locaux deux ou trois fois par semaine. La transmission se fait dans d’excellentes conditions, il n’y a pas de rupture, pas de perte de temps.

► Vous restez directeur général de Multiplast ?
Effectivement, dès notre première rencontre, ils ont voulu s’assurer que je restais dans l’aventure. J’ai dit oui, à condition de pouvoir continuer à venir au bureau tous les matins à 6h30 avec le sourire. Mes responsabilités restent les mêmes, nous abordons le troisième chapitre de l’histoire de Multiplast, avec deux dirigeants plus jeunes que moi, mais qui sont formatés comme j’aime. Avec ce rachat, nous passons d’un groupe de 140 salariés à 250. Quant au chiffre d’affaires, il double quasiment pour atteindre 30 millions d’euros.

► Que retenez-vous des 13 années passées aux côtés de Dominique Dubois ?
Des superbes projets comme Groupama 4 ou Gitana 17 (le Maxi Edmond de Rothschild, NDR), les VOR 65, l’accélération de notre diversification, la fabrication de nouveaux locaux, le développement d’une entreprise passée de 49 salariés quand Dominique l’a reprise à 110 aujourd’hui, et j’en oublie… Il y a aussi eu quelques coups durs évidemment. La période Covid n’a pas été simple à traverser, il a fallu s’arracher pour sortir les bateaux. Et en ce moment, les prix des matières premières s’envolent et il y a des difficultés pour recruter. Nous avons beaucoup de défis à relever.

 

“La stratégie des repreneurs est
de garder une forme de continuité”

 

► La course au large gardera-t-elle une place aussi importante ?
La stratégie des repreneurs est de garder une forme de continuité. Nous allons bien sûr continuer à construire des bateaux de course au large, ça fait partie de l’ADN de l’entreprise et représente 50 % de son activité. En parallèle, nous voulons continuer notre diversification dans les domaines industriels, car nous ne voulons pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Nous travaillons par exemple avec Les Chantiers de l’Atlantique sur le projet Solid Sail, collaborons au projet de dirigeable Flying Whales. Thales reste un client très important, pour lequel nous construisons des radômes…

► Quels sont les projets en cours en matière de course au large ?
Après avoir construit la coque et le pont de celui de Maxime Sorel (V&B-Monbana-Mayenne), qui vient d’être mis à l’eau, nous avons fini le bateau de Boris Herrmann qui quitte le chantier ce samedi et sera mis à l’eau dans deux semaines. Un tel Imoca représente 33 000 heures de travail, sans compter les appendices, le mât et la bôme. C’est beaucoup plus qu’avant : par exemple, en 2007, Brit Air nécessitait 20 000 heures. Nous fabriquons aussi Paprec Arkéa, l’Imoca de Yoann Richomme, qui sera livré en fin d’année, et nous nous occupons des réparations sur le bateau de Nicolas Troussel (Corum L’Epargne). Le fond de coque et la zone de quille sont à refaire, il sera remis à l’eau début septembre.

► Vous avez construit vos premiers Class40, les Clak40, comment cela s’est-il passé ?
Nous avons effectivement construit quatre Class40 sur plans VPLP, trois déjà à l’eau pour Nicolas d’Estais, Andrea Fornaro et Martin Le Pape, un quatrième, lancé fin juillet, pour William Mathelin-Moreaux. Le Class40 est plus petit que l’Imoca, mais la gestion de projet est presque plus compliquée, parce que la physionomie des clients n’est pas la même, ils ont moins d’expérience dans la fabrication.

► Vous avez eu des soucis de poids, ont-ils été résolus ?
Effectivement, on n’était pas au minimum du poids de la jauge sur les premières unités. Les architectes ont depuis bien travaillé pour alléger les bateaux. Les derniers ont une quarantaine de kilos en trop mais la structure est résistante et le bateau est fiable.

 

“Cela nous fait mal au cœur
de ne pas voir SVR-Lazartigue régater”

 

► Où en est le projet Class30, le monotype de 30 pieds conçu à l’initiative de l’UNCL et du Rorc, sur plan VPLP ?
On dit désormais Carboman 30, car le nom Class 30 a été déposé par la Class40… Nous avons une vingtaine de commandes fermes, la réalisation des moules commence lundi chez… Ouest Composites. Le lieu de production des bateaux n’est pas encore validé, mais à partir du printemps prochain, nous sortirons un Carboman 30 par semaine. Le challenge est de réussir à construire ces bateaux dans les délais, en respectant les coûts et la qualité requise. C’est un beau projet qui demande une autre organisation, une taylorisation des activités, mais on maîtrise car on le fait sur la partie industrielle.

► Vous avez participé à la construction de plusieurs Ultimes, quel est votre avis sur l’affaire François Gabart et ses éventuelles conséquences pour la profession ?
Je ne suis pas juriste donc je ne donnerai pas mon avis sur le fond. Je ne sais pas qui a raison mais je trouve cette situation vraiment triste, elle fait du mal à tout le monde. Aujourd’hui, une course part de Concarneau (la Finistère Atlantique) avec quatre Ultims, et François Gabart n’est pas au départ alors que c’est son port d’attache. Le public ne comprend absolument pas. Chez Multiplast, nous avons beaucoup travaillé sur ces bateaux et cela nous fait mal au cœur de ne pas voir SVR-Lazartigue régater. Personne ne sortira grandi de cette histoire. Un nouveau sponsor arrive en Ultim et on ne parle que d’histoires de conformité, de jauge, d’avocats, de tribunal… Ce ne sont pas de bons messages.

Photo : Multiplast

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