Admiral's Cup

Comment le RORC a relancé l’Admiral’s Cup

Considérée à son apogée comme le championnat du monde officieux de course au large, l’Admiral’s Cup s’est déroulée sans interruption de 1957 à 1999, avant une dernière édition en 2003. Relancée 22 ans après par son organisateur, le Royal Ocean Racing Club (Rorc), qui fête cette année son centenaire, l’épreuve par équipes aura lieu du 17 juillet au 1er aoûtTip & Shaft vous raconte ce retour.

“La première Admiral’s Cup [le nom fait référence à l’Amiral Miles Wyatt qui remettait la coupe au vainqueur, NDLR] est partie d’un défi lancé aux Américains en 1957″, l’objectif étant de motiver ces derniers et les autres nations à venir disputer la Semaine de Cowes avec une équipe nationale de trois bateaux, rappelle en préambule Jeremy Wilton, CEO du Rorc depuis 2021, et pour qui l’Admiral’s Cup fait partie de l’ADN du Rorc“. Ayant participé aux sélections en 1987 et 1989, ce dernier considère qu’elle était alors “la plus prestigieuse course à la voile, avec à son apogée 19 équipes venues du monde entier, elle attirait les marins les plus talentueux, comme ceux de l’America’s Cup”.

Jean-Yves Bernot se souvient quant à lui de la campagne française victorieuse en 1991 au sein de l’équipe Corum, montée par Luc Gellusseau et Philippe Briand. “Les Anglo-saxons disaient qu’un Français tout seul savait gagner une course, mais qu’un équipage français n’y arriverait jamais. On a démenti cela en remportant cette Admiral’s Cup de 0.75 point devant les Italiens. On ne s’y attendait pas, ce fut un grand moment.” C’est à ce jour la seule victoire française, en 23 éditions, d’une épreuve qui a peu à peu périclité.

Car après avoir été annulée en 2001 et avoir connu une dernière en 2003, l’Admiral’s Cup a disparu du calendrier des courses du Rorc pour une combinaison de facteurs que Jeremy Wilton qualifie de “perfect storm”. Le CEO du yacht club de Cowes met notamment en avant “la nécessité de réunir trois bateaux, qui engendrait des coûts trop importants. Le Rorc a par la suite imaginé délocaliser la course en Irlande pour susciter un nouvel intérêt, mais cela revenait “à dévoyer l’esprit de l’Admiral’s Cup, car cela signifiait qu’elle n’incluait plus la course du Fastnet”, l’un de ses piliers, ajoute ce dernier qui estime que le Rorc a probablement tardé à réagir et ne s’est pas posé les bonnes questions sur ce qu’il fallait faire pour organiser une nouvelle édition en 2005.”

Jean-Yves Bernot a une analyse plus directe : “Les Américains voulaient naviguer sur un plan d’eau impeccable sans rafales ni courant, les organisateurs ont un peu cédé à cette pression. On a commencé à éviter les courses dans le Solent qui étaient pourtant l’âme de l’Admiral’s Cup, puis le Fastnet parce qu’un célèbre skipper américain trouvait que c’était trop dangereux d’aller en Mumm 36 au Fastnet… l’épreuve a fini par perdre son caractère.”

De trois à deux bateaux

Et se perdre tout court, puisqu’il a fallu près de vingt ans pour que le Rorc planche sur une relance de l’épreuve, initiée notamment par Jeremy Wilton après son intronisation comme CEO. Au début, nous avions envisagé d’organiser une édition test en 2023 aux Caraïbes autour de la Caribbean 600 pour évaluer le concept, mais cela a pris trop de temps et on n’a pas pu le faire. Ça nous a tout de même permis d’échanger sur le projet avec pas mal de personnes et de valider le choix d’équipes à deux bateaux, représentant un club ou un pays.”

Alors vice-commodore du Rorc, Éric De Turckheim, qui représentera la France sur cette édition 2025 sur son puissant 54 pieds Teasing machine, explique : Il fallait que ce soit plus simple que la compétition originelle qui se disputait par équipes nationales de trois bateaux. J’ai poussé pour des équipes de clubs de deux bateaux, de 40 et 50 pieds, parce que c’est dans ces séries qu’il y a le plus haut niveau.”

Dans le même temps, le comité de rating du Rorc a travaillé sur différentes combinaisons de TCC [système de temps compensé utilisé en IRC, NDLR] pour aboutir au choix de deux catégories, les AC1 et AC2. Soit des bateaux entre 13,41 et 17,20 m pour les premiers (TCC compris entre 1.280 et 1.464),  de 11 m à 13,40 m pour les seconds (TCC entre 1.100 et 1.276). Une nouvelle règle a également rendu obligatoire la présence d’au moins une femme à bord et d’un équipier ou une équipière de moins de 27 ans, qui ne peuvent pas être les mêmes.

Retour aux fondamentaux

Quant au programme de courses, “il renoue avec les fondamentaux historiques de l’Admiral’s Cup, combinaison de courses inshore et offshore, qui comptent autant au nombre de points pour le classement final, c’était important de réussir cet équilibre”, explique le CEO du Rorc. Concrètement, cette édition 2025 s’ouvrira le 19 juillet par la Channel Race, un parcours d’environ 24 heures autour de l’île de Wight (coefficient 2). Suivront six manches sur trois jours de régates inshore (22-24 juillet, coefficient 1 chacune, une peut être retirée), avant la Rolex Fastnet Race qui s’élancera le 26 juillet (coefficient 3).

C’est donc à l’arrivée à Cherbourg que sera connu le vainqueur de cette édition “revival” dont le nombre d’inscrits dépasse les attentes initiales : “Quand nous avons envisagé de relancer l’Admiral’s Cup, on se disait que 8 à 10 équipes serait un joli score, nous en avons 15 (représentant 10 pays), donc nous sommes ravis. D’autant que les listes d’équipages ressemblent à un Who’s Who de la régate, avec des médaillés olympiques, des coureurs venus de The Ocean Race, de l’Imoca, des vainqueurs de la Coupe de l’America…” Citons pêle-mêle parmi les inscrits Dean Barker, Ian Walker, Ed Baird, Bouwe Bekking, Mike Sanderson, Vasco Vascotto, Gavin Brady, Simon Daubney, Abby Ehler, Jules Salter, Adrian Stead, Cameron Appleton… et quelques propriétaires rodés aux circuits internationaux, comme Niklas Zennström, Sean Langman, James Neville, Karl Kwok, Peter Harrison ou, côté français, Eric de Turckheim.

Le niveau s’annonce très élevé avec de très belles équipes, dont 5-6 peuvent gagner et on se met dedans, mais ça va beaucoup dépendre des conditions”, estime ce dernier qui, sur son plan Nivelt Teasing Machine, sera notamment accompagné de Laurent Pagès, Aymeric Chappellier ou Marina Lobato. L’équipage courra donc sous les couleurs du Yacht Club de France, dont la branche course, l’UNCL (qui a fusionné avec le YCF il y a deux ans), “sélectionnait historiquement les équipes pour l’Admiral’s Cup”, rappelle Philippe Serenon, vice-président du YCF. L’autre représentant tricolore sera le NMD 43 (13.07 m) Albator de Philippe Frantz“Nous nous sommes rapprochés de Philippe car son bateau, du même architecte, est très similaire au nôtre, mais dans la classe de 40 pieds. Ce sont plus des bateaux de large, donc on sait qu’on va souffrir dans les inshores, mais on espère des conditions qui nous soient favorables pour faire parler notre puissance sur la Channel Race et le Fastnet.”

L’Admiral’s Cup est-elle partie pour se réinstaller durablement dans le paysage de la voile internationale ? “Elle peut devenir tous les deux ans le championnat du monde des meilleurs bateaux de la planète et donc retrouver son lustre d’antan”, assure Philippe Serenon.Nous nous sommes engagés sur deux éditions, 2025 et 2027, à Cowes”, ajoute de son côté Jeremy Wilton, qui précise que des équipes absentes cette année envisagent d’ores et déjà de participer à l’édition 2027, notamment en Finlande, en Grèce, ou en France, où d’autres yacht clubs n’ont pas caché leur marque d’intérêt.

Photo : Paul Wyeth / Rorc

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