Hugo Dhallenne sur la Mini Transat 2021

Ce qu’il faut retenir de la Mini Transat Eurochef

Record d’inscrits, départ de la première étape décalé, éruption volcanique aux Canaries, redressements inédits, alizés perturbés… : si chaque Mini Transat est unique, l’édition 2021 restera sans doute dans les annales. Elle a aussi donné lieu à une superbe régate, remportée haut la main par Pierre Le Roy, en proto, Hugo Dhallenne, en série. Tip & Shaft dresse le bilan sportif et technique de cette 23e Mini Transat.

L’arrivée mercredi, 28 ans après sa première Mini, de Pierre Meilhat, père de Paul et l’un des 15 récidivistes sur les 90 engagés, a été le clap de fin de cette Mini Transat EuroChef 2021. Partie des Sables d’Olonne le 27 septembre, elle a permis à 84 des 90 concurrents de traverser l’Atlantique.

Ce très faible nombre d’abandons peut s’expliquer par une météo particulièrement clémente sur une seconde étape que le directeur de course Denis Hugues qualifie de “plus tactique que physique”, mais aussi par un arrêt en Galice de la grande majorité des concurrents lors de la première pour esquiver un gros coup de vent, ce qui aura permis de préserver la flotte. Si cette escale a fait couler beaucoup d’encre (lire notre article), l’inédite réparation de 24 heures accordée par le jury à une grande partie de la flotte “n’a finalement pas bouleversé la logique sportive de cette édition, se félicite Jean Lorre, président de la Classe Mini. Toute la famille Mini est réunie en Guadeloupe et le mauvais souvenir de cette étape est derrière nous.”

Sans la fameuse réparation, Melwin Fink, l’un des rares concurrents qui ne s’était pas arrêté lors de la première étape, aurait inscrit son nom au palmarès de la course en série, puisqu’il termine au général 18 heures et 19 minutes derrière le vainqueur, Hugo Dhallenne, après une seconde étape dont il a pris la 22e place.

 

Il fallait oser

 

Une deuxième étape qui a révélé quelques noms inattendus (Loïc Blin, 3e en série, Arnaud Biston, 6e sur son vieux plan Manuard 2005) et douché les espoirs de beaucoup de concurrents. Ceux qui ont joué l’orthodromie en ont été pour leurs frais. Le scénario était-il écrit au départ dans les road-books des routeurs ? “On savait que l’alizé était très perturbé et ce n’est pas la première fois que le Sud paye, explique Christian Dumard, conseiller météo pour l’organisation. Tous les routages d’avant départ faisaient descendre entre 12 et 14 degrés de latitude, certains même jusqu’à 10. Après, il fallait avoir le courage d’y aller.” Ce grand arc de cercle, qui s’est révélé payant, rallongeait en effet considérablement la route : Pierre Le Roy, grand vainqueur en proto, a ainsi parcouru 3 280 milles alors que l’orthodromie n’en compte que 2 500 !

Certains se voyant coincés au nord et rétrogradant au classement ont rectifié le tir à temps, à l’image de Léo Debiesse qui sauve une 6e place en série à Saint-François (4e au général). La palme du recalage revient évidemment à Hugo Dhallenne qui a traversé toute la flotte après 7 jours de course pour descendre dans le Sud. Celui qui pointait alors à la 27e place l’emporte finalement en Guadeloupe.

“Il a frisé la correctionnelle en faisant une grosse bêtise au départ, mais quand il a compris son erreur, il a su la rectifier et descendre franco, et ça paie. C’est fort, ce sont les bons coureurs qui savent faire ça, confiait le routeur Jean-Yves Bernot dans Tip & Shaft #290. “D’habitude en Mini, tu joues le bord rapprochant. Hugo a eu l’audace et le talent de se recaler. Ce que les scows permettent de faire plus facilement, même si, manifestement, tous les bateaux étaient très proches“, analyse David Raison, l’architecte du Maxi 650.

 

Coup double
pour les plans Raison

 

La victoire d’Hugo Dhallenne, qui avait animé l’avant-saison en série (et terminé deuxième de la première étape), signe aussi celle du Maxi 650, une première pour le chantier IDB Marine. Avec un Maxi650, un Vector650 (Alberto Riva) et un Pogo3 (Melwin Fink) sur le podium en série, le match des constructeurs a été très serré. “En 2019, Ambrogio Beccaria avait survolé les débats par sa conduite du bateau dans la brise. Cette année, tout le monde pouvait tenir le rythme et on voit que les bateaux sont très proches”, confirme Erwan Tymen, responsable technique du chantier Structures, constructeur des Pogo.

La victoire du Maxi 650 en série s’ajoute à celle de TeamWork en proto, qui n’est autre que le dernier des Maximum, construit l’an passé. Après 2017 et 2019 (le 865 mené par Ian Lipinski puis François Jambou), c’est la troisième fois que le plan Raison l’emporte. Un triplé inédit dans l’histoire de la Mini, “celle du scow le plus polyvalent et toujours bien mené, constate Etienne Bertrand l’architecte des Vector (série).

La victoire sans partage de Pierre Le Roy sonne aussi comme celle de l’engagement et de la préparation, comme l’expliquait son dauphin Fabio Muzzolini à l’arrivée : “Pour gagner une Mini Transat, il faut d’abord bien mener un projet et Pierre l’a superbement bien fait. Il a aussi très bien géré son bateau. Pour l’anecdote, on est voisins en Bretagne. Tous les jours pendant la préparation, j’ai donc pu contrôler ce qu’il faisait. Je savais que ce ne serait pas facile de le battre.”

 

“Le foiler reste compliqué
à gérer en solitaire”

 

Grand perdant de cette Mini Transat, Tanguy Bouroullec, qui avait remporté la première étape sur son foiler signé Guillaume Verdier, termine tout de même troisième (de l’étape et au général) à Saint-François, après deux places de quatrième en 2017 et 2019. Les conditions medium de cette édition semblaient pourtant propices à son foiler. J’avais un mauvais souvenir de la route sud, je n’ai pas osé y aller assez franchement. J’ai eu entre 8 et 13 nœuds toute la course. Il en faut plutôt 15 pour exploiter le foiling et j’ai bricolé à deux reprises mon bout-dehors cassé”, explique le skipper à Tip & Shaft.

L’avenir des foilers est-il pour autant remis en cause en Mini ? “En double sur l’avant-saison, c’est très performant mais en solitaire, ça reste compliqué à gérer. Il faut arriver à simplifier”, répond Ambroggio Beccaria, vainqueur de la Mini en 2019 et qui a beaucoup couru avec Tanguy. Ça gagnera un jour, mais à l’échelle d’un projet Mini, c’est l’ascension par la face Nord. Et puis, le coût de l’étude est difficile à justifier”, analyse quant à lui David Raison qui a été consulté pour un foiler mais a décliné.

En revanche, l’architecte a d’ores et déjà signé trois évolutions du Maximum, actuellement en construction, et assure que deux ou trois autres projets sérieux pourraient s’ajouter. De nombreux concurrents en série ont d’ailleurs fait part, une fois à bon port, de leur envie de changer de catégorie. Ce qui augure d’un regain de vitalité pour ces derniers et confirme la bonne santé de l’inaltérable Classe Mini.

 

Photo : Mini Transat EuroChef 2021 / Alexis Courcoux

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