Quentin Vlamynck à la barre de son trimaran

Quentin Vlamynck : “Je me sens très chanceux d’être là”

A 28 ans, Quentin Vlamynck est le plus jeune skipper de la flotte des Ocean Fifty qui disputera du 19 au 23 mai le Grand Prix de Brest, première étape du Pro Sailing Tour. A la barre du nouveau trimaran Arkema 4, mis à l’eau en septembre dernier, il fera équipe avec son mentor Lalou Roucayrol, mais aussi Raphaël Lutard, Keni Piperol et César Dohy, il revient, à cette occasion, sur son parcours et ses ambitions.

Peux-tu nous raconter comment tu es venu à la voile de compétition ?
Je suis originaire de Biscarosse, où j’ai commencé l’Optimist, et dans le même temps, mes parents se sont mis à la voile habitable, du coup, je passais le week-end sur leur bateau. Une fois au lycée, j’ai suivi une formation dans les matériaux composites et à la fin de mon bac pro, j’ai rencontré Lalou lors d’une conférence, il cherchait alors un jeune à qui il pourrait tout apprendre, pour un projet de transmission. On a échangé, il m’a testé sur l’ancien trimaran d’Ellen MacArthur (aujourd’hui Use it Again !), ça s’est bien passé et il a alors pris le risque de m’embaucher en apprentissage en septembre 2011, au moment où commençait la construction de Noir Désir (le Multi 50 Arkema 2). Mon but était alors de monter un projet Mini en parallèle de mes études, le fait de rejoindre Lalou Multi a été un vrai coup d’accélérateur.

Tu as tout de suite navigué en Multi50 ?
Au début, on devait faire la Jacques Vabre en 2013, mais comme on a mis six mois de plus que prévu à construire le bateau, je n’étais pas mûr pour faire une transat si vite avec lui, il a donc choisi de la faire avec Mayeul (Riffet), ce qui a été un peu douloureux à accepter pour moi. L’année d’après, je suis devenu salarié à mi-temps et j’ai commencé le mini par le biais d’une connaissance de Lalou qui m’a prêté un bateau, avec lequel j’ai réussi à très bien me débrouiller sur ma première saison, ce qui m’a permis de montrer que j’étais motivé. Arkema a alors commencé à m’aider en 2015, l’année où je suis passé en CDI chez Lalou Multi, j’ai fait ma première Mini Transat qui a été un peu douloureuse au niveau des résultats, parce que le bateau ne pouvait pas rivaliser avec les Pogo 3 et les Ofcet qui venaient de sortir.

Il y a ensuite eu la construction du mini à bout rond et à foils, Arkema 3, raconte-nous ce bateau…
Dès le début, j’ai été associé à la réflexion avec Romaric Neyhousser et Lalou, le but était d’utiliser les matériaux d’Arkema pour fabriquer ce bateau, notamment la résine Elium. J’étais assez persuadé qu’il fallait un scow, un point sur lequel on était tous d’accord, on l’a moins été sur le gréement, une aile à deux volets qui s’affalaient, je trouvais qu’il ne fallait pas prendre ce risque supplémentaire, mais j’ai accepté leur choix. La mise au point a été assez longue car tout était nouveau, mais au final, je trouve que ça s’est plutôt bien passé – je fais sixième de la Mini Transat 2017 – même si les résultats dépendaient vraiment du vent, car Arkema 3 était un bateau très typé vent de travers au-dessus de 15 nœuds, ce n’était pas un bateau polyvalent comme le Maximum [le 865 vainqueur de la Mini Transat en 2017 et 2019 avec Ian Lipinski puis François Jambou, NDLR]. Lui allait 0,2 nœud plus vite que tout le monde quelles que soient les conditions, moi, une fois lancé sur les foils avec le mât-aile, j’avançais 3,5 nœuds plus vite que lui, j’ai fait des pointes jusqu’à 25 nœuds, c’était du jamais vu en mini ! Je dirais que le bateau [désormais aux mains de Camille Bertel, avec un gréement plus classique, NDLR] était un peu précurseur, le gréement marchait, la forme aussi, peut-être que les deux ensemble, c’était un peu trop.

“Je voulais vraiment une stucture en X sur Arkema 4

Tu es repassé en Multi50 après tes années Mini ?
Oui, dès janvier 2018, je suis devenu boat-captain du trimaran. Dans le même temps, l’idée était de lancer la construction d’un nouveau Multi50, pour lequel on a lancé les études en juillet 2018. Autant sur le mini, je n’avais pas toujours été d’accord avec les choix, autant sur le multi, on a eu moins de sujets de désaccord avec Lalou et Romaric, je pense aussi que j’étais un peu plus écouté.

Et quels ont été les choix importants faits sur Arkema 4 ?
On est partis de Noir Désir, avec l’objectif d’améliorer la zone de vie et de manœuvres. Je voulais vraiment une structure en X, qui, à mon sens, protégeait plus que la structure avec les bras parallèles. On a des flotteurs qui sont au minimum de la jauge en termes de volume, on a intégré le maximum de surface aéro, dont une bâche à l’arrière qu’on est les seuls à avoir. Je voulais aussi un cockpit protégé au maximum, je me suis fait un peu charrier par Lalou sur le mode « les jeunes veulent naviguer au sec », mais je pense que pour aller vite, c’est important de rester au sec le plus longtemps possible.

Comment ça se passe depuis la mise à l’eau du bateau en septembre ?
On a navigué jusqu’en janvier, puis de nouveau début mars, et on n’a eu aucun souci au niveau structurel, c’est génial, sachant qu’on a construit ce bateau de A à Z. On a juste eu un problème sur un safran qui avait un défaut de souplesse dans la mèche, ce qui fait que dans les fortes accélérations, on perdait le contrôle du bateau, mais on en a fait un nouveau et aujourd’hui, on n’a plus ce problème.

Aujourd’hui, tu es le skipper du bateau, ça change quoi pour toi ?
C’est sûr que maintenant, c’est à moi de prendre mes responsabilités, j’ai travaillé là-dessus cet hiver avec ma coach mentale. L’objectif est que je mette moins les mains dans la colle et que je me concentre plus sur les navigations et sur la préparation du bateau, donc que je délègue plus. Cette année par exemple, j’arrive à faire du sport l’après-midi, alors que les années précédentes, c’était le soir ou le matin très tôt. Et j’ai la chance d’être très bien entouré entre Raphaël Lutard, le boat-captain, Lalou, qui me conseille énormément et est présent sur toutes les navigations, et Fabienne (Roucayrol) qui s’occupe de toute la partie gestion du projet. Ça me permet de ne penser qu’au bateau et à moi-même, c’est une grande chance.

“Lalou m’a permis d’accéder à mon rêve de course au large”

Parle-nous justement de Lalou, que représente-t-il pour toi ?
Je lui dois forcément beaucoup, parce qu’il m’a ouvert les portes de la course au large et m’a permis d’accéder à ce rêve. Après, ça a aussi été beaucoup de sacrifices pour moi, j’ai énormément travaillé pour en arriver là, si bien qu’aujourd’hui, je pense qu’il me fait confiance sur le trimaran et au sein de l’entreprise. Et sur l’eau, on se connaît par cœur, on sait comment on veut faire marcher le bateau, c’est vraiment très fluide, je pense que sur la Jacques Vabre (qu’ils courront ensemble), ça va vraiment bien se passer.

Vous attaquez la saison à Brest la semaine prochaine, qu’attends-tu de cette première année pour Arkema 4 ?
Notre objectif était d’arriver à Brest avec un bateau qui tourne bien, on en est contents, maintenant, il faut le tester face aux autres. On n’a pas navigué sur le circuit depuis 2019, la concurrence a vraiment évolué : Thibaut (Vauchel-Camus) a fait un gros refit de son bateau, en gagnant encore du poids, avec de nouvelles voiles et un nouveau mât qui va arriver, Seb (Rogues) aussi a beaucoup fait évoluer son bateau ; Gilles Lamiré a une super plateforme et s’est entouré de très bons équipiers qui vont sans doute lui permettre d’être plus performant sur les parcours bananes, Leyton a beaucoup navigué avec lui aussi un très bel équipage, ça va être dur…

Que t’inspire le nouveau Pro Sailing Tour qui devrait permettre à la classe Ocean Fifty de prendre une nouvelle dimension ?
Jusqu’à présent, on n’avait que trois Grands Prix par an, là, on a deux étapes de plus, avec également du vrai large pour aller aux Canaries, puis en Méditerranée avant la grande finale entre Toulon et Brest. C’est un super enchaînement d’épreuves sur des plans d’eau variés, on va beaucoup naviguer. Ce qui est très intéressant dans cette classe, c’est que tous les bateaux qui existent naviguent et que tout le monde peut gagner. Sur la Jacques Vabre, on sera sept bateaux à viser la victoire, l’année suivante sur la Route du Rhum, on sera huit, voire plus.

Une Route du Rhum que tu courras donc sur Arkema 4, as-tu par la suite d’autres aspirations ? Des envies d’autres supports ?
Aujourd’hui, j’ai un peu de mal à rêver d’autre chose, je me sens déjà très chanceux d’être là. Je pense que la classe Ocean Fifty peut m’apporter énormément et que tant que je n’aurai pas passé des années dessus, ça ne sert à rien de penser à autre chose. J’ai tout à gagner à rester sur ce support, d’autant que ces bateaux sont tellement difficiles à faire marcher à haute vitesse en termes de stress et d’engagement personnel, qu’une fois que tu as fait quelques saisons à fond dessus, tout est plus simple.

Photo : Vincent Olivaud / Arkema Sailing Team

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