SailGP Saint-Tropez

Tanguy Cariou : “SailGP, le plus haut niveau de régate”

Saint-Tropez a accueilli samedi et dimanche la cinquième épreuve de la saison 3 de SailGP, le Range Rover France Sail Grand Prix. Nouvelle arrivée sur le circuit de F50 cette saison, l’équipe suisse est dirigée par un directeur général français, Tanguy Cariou, ex spécialiste du 470 et équipier de Franck Cammas sur Groupama. Avec lequel Tip & Shaft a échangé.

► Comment ton histoire avec la Suisse a-t-elle commencé ?
J’ai grandi en Bretagne, j’ai suivi toute la filière dériveur avec notamment plusieurs titres de champions d’Europe et du monde en 470 (avec Gildas Philippe) et une participation aux Jeux de Sydney, où on n’a pas forcément brillé (14e) alors qu’on arrivait dans les favoris, mais je m’étais blessé au dos juste avant. Ensuite, je suis parti dans la voile professionnelle en intégrant le défi français pour la Coupe de l’America 2002-2003 à Auckland, et au même moment, j’ai rencontré ma future épouse, qui est suisse, donc on s’est installés en Suisse à mon retour. Après la Coupe, j’ai tout de suite rejoint l’équipe Groupama de Franck Cammas, j’ai navigué en inshore et en offshore sur le circuit Orma, sur le Tour de France, en Extreme Sailing Series. J’ai ensuite mené de front ce projet avec Alinghi pendant cinq ans. J’ai alors connu des années fastes au niveau sportif avec deux équipes très bien structurées, très professionnelles et performantes.

► Quelle a été la suite pour toi ?
Après la Coupe 2010 perdue contre Oracle à Valence, Alinghi a connu une période un peu plus délicate, cette édition avait été assez particulière, elle s’était pas mal jouée devant les tribunaux. L’équipe s’est alors considérablement réduite pour se concentrer principalement sur le D35 puis sur les Extreme Sailing Series, passant de 100 personnes à une structure plus petite. J’en suis parti en 2012, j’ai continué avec Groupama et en 2013, j’ai rejoint l’équipe Team Tilt qui démarrait, l’idée était, avec son fondateur Alexandre Schneiter, de permettre à de jeunes navigants suisses d’avoir accès à des circuits internationaux sur des bateaux de haute performance, que ce soit en GC32, sur la Youth America’s Cup, et maintenant SailGP. Je me suis retrouvé dans un rôle de manager, alors que jusqu’ici, j’étais essentiellement navigateur.

► Alinghi vient de relancer un projet de Coupe de l’America avec le défi Alinghi Red Bull Racing, tu n’as pas été contacté ?
Non, je suis très bien avec Team Tilt, il y a eu des rapprochements avec certains marins qui étaient chez nous, on a des échanges, mais pas de contacts particuliers pour rapprocher les projets, ce n’est pas du tout la question aujourd’hui.

 

“On a saisi l’opportunité
de recruter Nathan Outteridge”

 

► Parlons maintenant du projet SailGP : comment est-il né et comment s’est-il structuré ?
Avec Team Tilt, on a participé à deux Youth America’s Cup, on a gagné en D35, remporté le premier titre de champion du monde en GC32, ce projet s’inscrit dans cette continuité. L’équipe a été officiellement lancée il y a un an, elle est composée de jeunes navigants suisses, car c’est l’âme du projet, mais on s’est aussi renforcés avec des étrangers, comme Stuart Bithell, champion olympique de 49er aux Jeux de Tokyo, le Néo-Zélandais Jason Saunders, qui vit en France et a participé à deux campagnes olympiques en 470 et en Nacra 17, et depuis deux épreuves, Nathan Outteridge, qui sera à la barre du bateau suisse à Saint-Tropez. Après la seconde épreuve à Chicago, on était un peu déçus de nos performances sportives et, surtout, conscients de l’écart qui nous séparait des autres. Dès qu’on a appris que Nathan était libéré de ses obligations avec Team Japan (qui n’a finalement pas été alignée sur le circuit cette saison), on a saisi l’opportunité de lui demander de nous rejoindre. D’abord comme sailing advisor à Plymouth, puis pour intégrer l’équipage pour le reste de la saison, avec l’objectif d’aider aussi Sébastien (Schneiter) à développer ses qualités de pilote, ils vont se partager la barre du bateau sur la saison. Nathan va nous aider à combler l’écart avec les autres, l’objectif est d’atteindre la première partie de la flotte le plus rapidement possible.

► Comment juges-tu le niveau du circuit ?
Aujourd’hui, c’est le plus haut niveau de régate qui existe, avec les meilleurs navigants, très souvent issus de la voile olympique, la plupart médaillés, et de la Coupe de l’America. Tout est fait pour permettre à de nouvelles équipes d’être performantes rapidement : tout le monde a le même matériel, on a accès aux datas live et entre les événements, on sait exactement comment les Australiens manœuvrent et règlent leur bateau… Maintenant, le facteur expérience reste important, d’autant que le nombre d’entraînements et l’accès au bateau sont limités, et le format est très court : l’organisation doit délivrer une production audiovisuelle de deux fois 90 minutes, le samedi et le dimanche, nous, on doit délivrer de la performance sur ce laps de temps. Donc on travaille dur pour rattraper notre retard, ça paraît tout proche, mais on est encore assez loin [9e sur 9 après le GP de Saint-Tropez dont les Suisses ont terminé 8e].

► Le patron de SailGP, Russell Coutts, vous met-il une pression de résultats comme pour les Néo-Zélandais, les Français ou d’autres ?
Comme on est une équipe indépendante [qui a acheté une franchise, NDLR]la pression est différente de celle que peuvent avoir les équipes financées directement par SailGP, donc on ne ressent pas cette pression de Russell Coutts. En revanche, on se la met nous-mêmes, on veut vraiment obtenir des résultats, particulièrement à partir de la saison 4, sur ce circuit qui est vraiment le top au niveau compétition, là où la Coupe est le top au niveau design.

 

“Je me sens empreint
de la culture suisse”

 

► Quel est le budget de votre équipe ?
Comme les Anglais, les Danois, les Canadiens, on est une équipe autofinancée, par des partenaires, avec un budget à peu près identique à celui des équipes gérées par SailGP, d’un peu plus de 6 millions d’euros annuels, ça dépend du nombre d’épreuves organisées, on n’a pas un avantage financier par rapport aux autres, on est dans le même ordre de budget.

► Verra-t-on à l’avenir un Grand Prix en Suisse ?
On l’espère. Aujourd’hui, on apprend beaucoup en regardant ce qui se passe chez les autres, ce serait bien, pour notre équipe et nos partenaires, d’avoir à moyen terme une épreuve SailGP en Suisse.

► Aujourd’hui, tous tes projets professionnels sont en Suisse, te sens-tu plus suisse que français ?
Clairement, oui. Ça fait presque vingt ans que je vis là-bas, ma femme est suisse, ma fille aussi, j’ai la nationalité depuis quelques mois, je me sens empreint de la culture locale et de leur façon de faire les choses. Maintenant, je garde un œil intéressé sur la voile française et sur ce qui se passe en Bretagne. Ici, on est tous admiratifs, intrigués et impressionnés par tout ce qui se fait en France, notamment autour des Imoca, avec des bateaux qui volent, un super plateau, de grandes épreuves, on a hâte de voir ce vont donner les Suisses avec leurs nouveaux bateaux, Justine Mettraux (ex Charal 1) ou Alan Roura (ex Hugo Boss version 2019).

 

Photo : Jon Buckle for SailGP

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧