Tip & Shaft Connect, Nantes, le 21 mars 2019, photo Jean-Marie LIOT / T&S Connect

Ce qu’il faut retenir de Tip & Shaft/Connect

La quatrième édition de Tip & Shaft/Connect s’est tenue jeudi dernier à Nantes en présence de 150 personnes venues écouter les interventions de 10 speakers et échanger avec eux autour de l’économie de la voile de compétition. De nombreux chiffres ont à l’occasion été dévoilés en avant-première, Tip & Shaft revient sur cette riche journée nantaise.
Premier à intervenir en visio-conférence, Johan Salén, récemment devenu officiellement co-propriétaire de The Ocean Race, nouvelle appellation de l’ex Volvo Ocean Race, a présenté le modèle économique de la course en équipage autour du monde, qui s’appuie sur plusieurs piliers : les partenaires et fournisseurs officiels, les villes-étapes et leurs partenaires, les équipes et leurs partenaires. Il a donné quelques chiffres de la dernière édition qui a attiré au total 2,5 millions de personnes, dont 100 000 invités corporate, pour un impact économique direct pour les villes-étapes de 96 millions d’euros. L’équivalent publicitaire (TV et digital) des retombées médias est quant à lui estimé à 654 millions d’euros.
Johan Salén a également évoqué le programme de développement durable mis en place sur cette édition 2017-2018 et l’avenir de la course, dont la nouvelle identité visuelle a été dévoilée jeudi soir en même temps qu’ont été annoncées les participations de deux équipes en VO65, l’une soutenue par The Mirpuri Foundation, partenaire de Turn the Tide on Plastic lors de la dernière édition, l’autre menée par la Néo-Zélandaise Bianca Cook. Selon lui, la fourchette des budgets pour monter une équipe sera de 4 à 25 millions d’euros, il en coûtera 15-16 millions pour une nouvelle équipe se faisant construire un bateau en vue de la course, tandis que le surcoût pour des équipes Imoca participant au prochain Vendée Globe et souhaitant disputer The Ocean Race dans la foulée est estimé entre 5 et 7 millions d’euros. Pour finir, le Suédois a annoncé que la course n’aurait sans doute pas de naming comme lors des éditions précédentes, mais pourrait accueillir un partenaire principal sous la forme de “The Ocean Race presented by…” Le ticket d’entrée pour cet éventuel partenaire étant de 20 millions d’euros.Joseph Bizard, directeur sponsoring et développement d’OC Sport, a ensuite présenté le bilan économique des partenariats privés de la dernière Route du Rhum-Destination Guadeloupe“course de tous les records”, qui aura réuni 2,2 millions de personnes entre Saint-Malo et la Guadeloupe. Le succès médiatique a également été au rendez-vous, avec 2 millions de téléspectateurs pour suivre le départ, 13 millions de pages vues pour la seule cartographie, 230 000 joueurs sur Virtual Regatta et une valorisation média estimée à 114 millions d’euros (contre 49 en 2014). Joseph Bizard a également présenté l’évolution de la pyramide des partenaires : 40 sponsors  de 5 niveaux différents, 25 licenciés officiels et 35 membres du club entreprise, soit un total de 100 entreprises. Les revenus privés de cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe, que l’intéressé espère bien voir croître à l’avenir, se répartissent comme suit : 66% liés aux partenariats, 22% au village, 6% aux licences et 6% aux hospitalités.Après des organisateurs de course, place aux sponsors, avec la double intervention de Jean-Bernard Le Boucher, directeur des activités mer de Macif, et Rosane Le Roux, directrice de la marque et de la communication externe du groupe. Le premier a retracé la longue histoire entre la voile et Macif, des premiers contrats d’assurance pour les plaisanciers en 1972 au record du tour du monde en solitaire de François Gabart fin 2017, montrant comment cet engagement a servi l’image de marque. La seconde a donné des chiffres : 17 millions de retombées médias pour le Vendée Globe 2012 victorieux, 21 millions pour le record du tour du monde19 millions sur l’année 2018 (programmes Figaro et trimaran compris). Le groupe mutualiste, qui, selon Jean-Bernard Le Boucher dépense dans la course au large 1 euro par sociétaire (5,4 millions) et par an, ne compte pas s’arrêter là avec un nouvel Ultim en 2020 pour François Gabart et le lancement d’un Imoca en 2019 pour Charlie Dalin sous les couleurs d’une de ses filiales, Apivia Mutuelle. “C’est une marque jeune et peu connue du grand public, nous misons sur la course au large pour développer sa notoriété et son business”, a conclu Rosane Le Roux.Sponsor toujours avec un premier retour d’expérience pour une entreprise récemment arrivée dans la course au large, Leyton, partenaire-titre depuis l’année dernière d’Arthur Le Vaillant en Class40 (ce dernier courra en plus en Figaro 3 en 2019). Responsable innovation Grand Ouest de cette société de conseil créée en 1997 (135 millions de chiffre d’affaires), Etienne Tertrais a expliqué pourquoi Leyton avait décidé d’investir dans la voile (passion du fondateur, rayonnement de la marque, rencontre avec le skipper) et comment il avait fallu vaincre certaines réticences en interne (empreinte carbone, montant de l’investissement…). Visiblement, la Route du Rhum du Rochelais, 4e, a fait tomber ces réticences, d’autant que d’après Etienne Tertrais, le fait d’avoir pu accueillir des clients sur le village du départ à Saint-Malo, s’est avéré clairement très rentable en termes de business. Du coup, l’entreprise souhaite aller plus loin en 2020, avec un projet en réflexion qui pourrait passer par un Multi50.La matinée s’est conclue par une intervention de Marjorie Tritschler Carchon, avocate associée au cabinet Fidalsur le mécénat, un sujet qui intéresse nombre de marins et de partenaires, parce qu’il permet de s’associer à des causes valorisantes en termes d’image, mobilise en interne, donne du sens à l’engagement d’un partenaire, mais offre aussi des déductions fiscales importantes (60% sur l’impôt sur les sociétés). Reste que le mécénat est strictement encadré par le code général des impôts, avec des critères que l’avocate a présentés. Cette dernière a ensuite évoqué les différentes formes juridiques du mécénat, dont une particulièrement intéressante, le fonds de dotation, “très facile à mettre en place”.L’après-midi s’est ouvert avec une intervention de Sébastien Rogues, skipper passé notamment par la classe Mini et la Class40, qui, confronté à des difficultés pour trouver de l’argent pour un projet de Multi50 (700 000 à 800 000 euros de budget annuel), a imaginé un dispositif original de sponsoring sportifle Yacht Club des Entrepreneurs, qui permettrait, à côté d’un éventuel partenaire-titre, de faire entrer des TPE ou PME, moyennant un ticket de 2 000 euros, ces dernières bénéficiant en retour de certains avantages, dont l’accès au service Dynabuy, société négociant des tarifs pour les TPE/PME auprès des centrales d’achat. “Pour une boîte de 5 personnes qui investit 2 000 euros, ce partenariat ne coûterait rien, il lui ferait même gagner de l’argent“, a expliqué l’ancien skipper d’Engie. Pour gérer ces partenaires, il lance une application mobile proposant un parcours 100% digital : pas de contrat mais des conditions générales de vente, paiement par abonnement mensuel, gestion des invitations à bord du bateau, annuaire… Sébastien Rogues estime que si ce dispositif parvient à décoller et à faire boule de neige, il pourrait éventuellement lui permettre – à terme – de se passer d’un partenaire-titre.

Après les TPE et PME, Tip & Shaft/Connect est passé aux entreprises cotées en bourse avec l’intervention remarquée de Nathalie Quéré, ex directrice de la marque AkzoNobel, qui a d’abord présenté les bonnes pratiques à suivre lorsqu’on veut présenter un projet de sponsoring sportif à des groupes de cette envergure. Selon elle, il faut avant tout montrer “comment le projet peut permettre à l’entreprise de réaliser ses objectifs”, mais aussi s‘attacher à “trouver des champions en interne : plus il y a d’appuis, mieux c’est”.
Elle a ensuite évoqué le cas pratique de Team AkzoNobel sur la dernière Volvo Ocean Race, un projet qui aura mis six ans à se concrétiser, connaissant plusieurs soubresauts, dont le renvoi, finalement avorté, du skipper Simeon Tienpont à la veille du départ de la première étape, un épisode que Nathalie Quéré n’a pas souhaité commenter. Ce qui n’a pa empêché, cette campagne, qui a coûté 20 millions d’euros à l’entreprise néerlandaise (15 millions d’euros de budget technique + 5 millions d’activation, essentiellement menée en interne), d’aboutir à “des résultats business au-delà de toute espérance”, ainsi qu’une valorisation média de 74 millions d’euros. Une mesure de retombées que Nathalie Quéré estime cependant “old fashioned”, préférant mettre en avant le niveau d’engagement sur les médias sociaux (12 milliards d’engagement cumulé). Interrogée sur l’avenir, celle qui travaille désormais au sein de sa propre structure avec le skipper australien Chris Nicholson pour monter un nouveau projet sur The Ocean Race a répondu que AkzoNobel réfléchissait à la suite à donner à ce partenariat, n’excluant pas une nouvelle campagne.

Nouveau changement de dimension : Christophe Aillet, directeur général de La Boulangère, a succédé à Nathalie Quéré, pour, au cours d’une allocution qui aura provoqué de nombreuses réactions dans l’assistance, présenter les raisons de l’investissement de la société vendéenne dans la voile, cette dernière étant partenaire titre de la Mini Transat et d’une équipe 100% féminine engagée en Diam 24. Investissement qu’il n’a pas souhaité dévoiler, mais équivalent dans les deux cas, selon lui, “à celui d’un projet Figaro”La stratégie de sponsoring de La Boulangère est avant tout tournée vers les femmes, d’où certaines activations originales, notamment des vidéos qui ont rencontré beaucoup de succès sur les réseaux sociaux. S’il semble satisfait de cet engagement, Christophe Aillet, à l’inverse des précédents intervenants, considère que pour l’instant, “les ROI (retours sur investissement) ne pas bons”. Ce qui ne l’inquiète pas outre mesure : “Je suis un entrepreneur“, a-t-il conclu.

Comme lors des précédents Tip & Shaft/Connect, la journée s’est terminée par une mise en perspective avec un intervenant issu d’une autre discipline, en l’occurrence le Vannetais Gilles Dufeigneux, ancien diplomate, préfet et conseiller ministériel, aujourd’hui directeur général du Grand Prix de France de Formule 1, dont il a présenté le modèle économique. Un modèle très dépendant de Formula One Management, société appartenant au groupe américain Liberty Media, qui détient les droits de la Formule 1, puisque pour avoir le droit d’organiserun Grand Prix, il faut verser à cette dernière des “fees” entre 20 et 50 millions de dollars (de 17,7 à 44,2 millions d’euros), la FOM collectant en outre les droits marketing, droit télévisuels et d’hospitalités “premium”.
Le budget de l’épreuve, revenue en France l’année dernière sur le circuit Paul-Ricard de Castellet (pour cinq ans, les négociations étant bien avancées pour un nouvel engagement de cinq ans), est de 35 millions d’euros, 14 provenant des collectivités publiques (Région Sud, départements du Var et des Bouches-du-Rhône, métropoles d’Aix-Marseille, Toulon et Nice), 17 de la billetterie (l’édition 2018 a fait le plein avec 165 000 spectateurs), 3 des hospitalités secondaires, 1 de redevances diverses. Les études menées sur les retombées pour les territoires font apparaître un ratio de six euros gagnés pour un euro investi“un vrai effet multiplicateur pour le tourisme”, selon Gilles Dufeigneux qui évoque “une première édition équilibrée financièrement” en 2018. L’objectif est de faire mieux dans les années à venir, le Grand Prix de France cherchant un partenaire titre (by…) pour 2020, moyennant un ticket de 6 millions de dollars (5,31 millions d’euros).

Photo : Jean-Marie Liot/Tip & Shaft

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