Charles Caudrelier sur son Ultim

Charles Caudrelier : “J’ai une chance inouïe !”

Deuxième des 24h Ultim disputés le week-end dernier derrière Banque Populaire XI, le Maxi Edmond de Rothschild sera l’un des cinq Ultims au départ de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre le 29 octobre, avec Charles Caudrelier et Erwan Israël aux commandes. Le premier, qui enchaînera ensuite avec l’Arkea Ultim Challenge-Brest, dont le départ sera donné le 7 janvier, a répondu aux questions de Tip & Shaft.

Quel bilan fais-tu des 24H Ultim ?
La course a été très disputée, on a tous passé des bouées en tête, on a tous eu nos moments de gloire. Mis à part le fait qu’Armel a parfaitement navigué et que nous avons fait une petite erreur de stratégie, nous n’en tirons cependant pas beaucoup de conclusions. Il faut se méfier de ce genre de parcours, c’était un format particulier, court, dans du tout petit temps. Nous, on aime bien quand il y a du vent, c’est là où on a un plus. On voit cependant que les performances des bateaux sont extrêmement proches, ça veut dire que maintenant, la moindre erreur se paye très cher.

Au printemps, vous avez effectué un chantier de trois mois, quelles ont été les modifications apportées au bateau ?
Pour faire face à l’arrivée de bateaux plus récents [le Maxi Edmond de Rothschild a été mis à l’eau en 2017, NDLR], nous étions obligés de progresser et de faire évoluer le nôtre. Mais nous ne souhaitions pas pour autant faire de trop grosses modifications car nous sommes sur le projet d’un tour du monde début 2024, avec la nécessité de fiabiliser le bateau. L’objectif que l’on recherche tous est de repousser la cavitation le plus possible. Nous avons donc amélioré les profils des foils. Et à haute vitesse, ça se vérifie, on voit bien qu’il y a une amélioration. Nous avons également changé la dérive et optimisé le profil de l’aile de raie, son plan porteur.

Des modifications spécifiques en vue de l’Arkea Ultim Challenge-Brest en solitaire ont-elles été également apportées ?
J’ai un cockpit ouvert sur l’arrière que j’apprécie. Mais nous avons conçu une structure rigide, légère et démontable pour le fermer un peu et me protéger plus, notamment pour les mers du sud. Comme nous n’avions que des voiles en tête de mât, nous avons aussi choisi de faire une voile de capelage pour faciliter les manœuvres en solo. C’est une bonne option car on peut souvent être amené à passer du petit au grand gennaker.

 

“Erwan est redoutablement efficace”

 

Pendant ce chantier, tu en as profité pour embarquer sur la cinquième étape de The Ocean Race à bord d’Holcim-PRB. Que gardes-tu de cette expérience ?
Même si ça a été un peu galère car on a tout fait sans électronique, c’était une très belle étape. J’étais ravi de retourner sur cette course qui a marqué ma carrière [double vainqueur, dont une fois comme skipper, NDLR] et j’ai eu plus de plaisir à naviguer en Imoca qu’en VO65. Techniquement, ces bateaux sont passionnants, ils vont plus vite, ça se rapproche plus de ce que je fais aujourd’hui. Mais je suis convaincu que l’avenir est de mettre des plans porteurs pour qu’ils volent vraiment. Car là, on est toujours entre les deux, ça rend les bateaux inconfortables et parfois dangereux.

Pour t’accompagner sur la Jacques Vabre, tu as remplacé Franck Cammas, avec qui tu as gagné il y a deux ans, par Erwan Israël, peux-tu expliquer ce changement ?
Déjà à la base, nous ne devions pas faire la Transat Jacques Vabre (voir notre article) ; ensuite, Franck est parti travailler sur l’America’s Cup et sur le projet Charal en Imoca, il n’était donc plus disponible quand notre participation à la transat a été actée. Erwan était dès lors une évidence pour moi. Après Franck et moi, c’est celui qui connaît le mieux le bateau. C’est aussi quelqu’un en qui j’ai une grande confiance. Il n’est pas très connu, mais il est redoutablement efficace, c’est un des meilleurs avec qui j’ai navigué dans toute ma carrière. En plus de ça, il est excellent en analyse de performances, ce qui nous nous fait bien progresser. Le seul point négatif, c’est qu’il était mon routeur, ce qui nécessitait de reconstituer une équipe. Ce que nous avons fait, on va sans doute travailler avec Erwan Tabarly et Simon Fisher.

Comment abordez-vous cette Transat Jacques Vabre avec l’enjeu de ne rien casser avant l’Arkea Ultim Challenge-Brest qui arrive très vite derrière ?
Sur chaque course, on est là pour gagner. La transat est un événement majeur de notre circuit, alors on ne va pas lever le pied parce qu’il y a le tour du monde dans la foulée. Dans le rythme et la façon de naviguer, on ne va rien changer. Évidemment, il y a toujours un risque de casser, mais si je n’étais pas engagé sur la transat, je me serais entraîné dans le coin. Et les entraînements dans le golfe de Gascogne, c’est là où il y a le plus de risques de taper quelque chose, de rencontrer une mer mauvaise. Il n’y a rien de mieux que la course pour tester et fiabiliser le bateau avant ce tour du monde.

 

“J’ai ma revanche”

 

Que représente pour toi cette toute première course en Ultim, en solo autour du monde ?
C’est un défi, une aventure, c’est ça qui me plaît. Ça va être mon premier tour du monde en solo, donc je suis super content. J’ai toujours voulu courir le Vendée Globe que je n’ai jamais fait, j’ai attendu longtemps, mais j’ai ma revanche. Ce sont les plus beaux bateaux du monde, j’ai une chance inouïe !

Comment l’appréhendes-tu ?
Il y a une grande part d’inconnu, je n’ai jamais navigué seul 45 jours ! Je suis super excité, mais bien sûr un peu inquiet, je me pose plein de questions : quel va être le rythme ? Quels peuvent être les risques ? Comment vais-je gérer ma course, mon bateau ? J’ai tendance à naviguer à 200%, il va sans doute falloir que je change de rythme, pour moi comme pour le trimaran. Mais j’ai confiance dans les performances de mon bateau, il est vraiment bien typé pour faire des transats et des tours du monde et on a cet avantage d’avoir déjà vécu beaucoup de choses avec lui.

Avez-vous prévu une nouvelle tentative du Trophée Jules Verne fin 2024 ?
Oui, et d’ailleurs, ce sera presque comme une course, parce que plusieurs Ultims vont le tenter. Ça va être sympa, et peut-être que le record tombera enfin sous la barre des 40 jours !

Où en êtes-vous dans vos réflexions sur la construction d’un futur bateau à horizon 2025 ?  
C’est toujours en réflexion. Mais le cœur de l’équipe est très porté sur les Ultims. Les multicoques, l’innovation, ça fait partie de l’ADN de Gitana. Tout dépendra de la vente du bateau, s’il reste dans la classe ou pas… Dans l’idéal, on aimerait que la classe se développe un peu plus, mais on ne peut pas le faire tout seul. Et on ne peut pas demander à notre armateur de construire un bateau si on n’a pas de visibilité sur ce que vont faire les autres, donc c’est aussi une discussion entre tous les armateurs d’Ultims.

Et quelles sont tes envies ? Le Vendée Globe, ça te tente toujours ? 
Honnêtement, je ne sais pas, c’est une très belle classe avec un très bon niveau mais je trouve que les bateaux sont un peu durs. S’ils deviennent volants avec des plans porteurs, pourquoi pas, ça m’intéressera plus. Mais ce n’est pas un objectif en soi, ce que j’aime aujourd’hui, c’est développer cet Ultim, c’est passionnant. J’aime bien aussi naviguer en Imoca, mais faire un Vendée, c’est autre chose. Sur des beaux projets comme ça, il faut se donner à 100%, et pour l’instant, je ne sais pas encore comment je vais sortir de mon tour du monde. J’ai 50 ans, et au bout d’un moment, la compétition, ça use, je ne voudrais pas faire la course de trop. Le projet au sein de l’équipe est aussi de faire de la transmission auprès d’un jeune skipper, donc on verra !

 

Photo : Yann Riou / polaRYSE / Gitana S.A.

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