Pourquoi Yves Le Blévec s’engage sur le tour du monde à l’envers

Yves Le Blévec débute ce week-end son stand-by en vue de sa tentative de record du tour du monde en solitaire à l’envers sur le trimaran Actual. Si le record est détenu en monocoque depuis 2004 par Jean-Luc Van den Heede en 122 jours 14 heures 3 minutes et 49 secondes, il n’y a pas de temps de référence en multicoque. Un seul marin s’y est attaqué, le Polonais Roman Paszke, sur un catamaran de 28 mètres, échouant à deux reprises (2012 et 2013), ne franchissant même pas le Cap Horn.

Ce n’est pas festif du tout, avance « VDH » pour expliquer le peu de tentatives. Autant, c’est assez jouissif quand tu es au portant dans le Sud de partir au surf sur les vagues, autant dans ce sens, il faut monter chaque vague, la descendre, remonter la suivante, la redescendre… C’est monotone et en plus, on ne va pas vite.” Même constat chez Philippe Monnet, qui a détenu ce record avant Jean-Luc Van den Heede (151 jours en 2000) : “Je me suis fait chier, ce qui est assez rare parce que j’aime bien les grandes navigations comme ça, en marge de la course, avec plein d’inconnues”. L’intéressé, par ailleurs le seul à avoir franchi le Cap Horn à l’envers en solo et en multicoque lors de son record entre New York et San Francisco (81 jours en 1989), estime que “le passage du Horn en multicoque, c’est compliqué. J’avais vraiment dérouillé, surtout après le Horn, où tu te retrouves dans une mer vraiment très mauvaise avec un espèce de ressac permanent à 150-200 milles au large de la Cordillère des Andes, c’est difficile de faire de l’ouest.”

Pourquoi Yves Le Blévec s’engage-t-il alors dans cette galère ? La réflexion date d’un an : le calendrier Ultim laissant un trou entre The Bridge 2017 et Nice UltiMed en mai 2018, le skipper et son sponsor se sont interrogés sur le programme. La Transat Jacques-Vabre ? “Sur un format court comme ça, nous sommes conscients qu’avec un bateau plus âgé que ceux de nos concurrents, cela aurait été compliqué d’exister sportivement”, répond Yves Le Blévec. Le record du tour du monde dans le sens ouest-est, auquel François Gabart s’apprête à s’attaquer ? Le nouveau chrono établi le 25 décembre dernier par Thomas Coville rendait la mission impossible. “Thomas a fait 3 tentatives sur mon bateau (l’ancien Sodebo), avec des temps autour de 58-62 jours, je ne me sens pas capable de faire 10 jours de mieux à bord du même bateau.”

Du coup, le skipper a présenté d’autres options, entre aventure (dans le Grand Nord) et records plus abordables ou sans temps de référence en solitaire : Miami-New York, San Francisco-Honolulu, Los Angeles-Shanghai, La Mauricienne, Le Cap-Rio et ce tour du monde à l’envers qui a immédiatement plu à Samuel Tual, patron d’Actual : “Ce défi est à l’image de ce que nous faisons au niveau du groupe : essayer de se distinguer en ne faisant pas forcément comme les autres. Nous pouvons être les premiers à le faire en multicoque et avoir un record durable.” Le skipper et son partenaire y voient en plus l’occasion de prendre des repères avant la première course autour du monde en solitaire prévue en 2019 organisée dans le cadre du Collectif Ultim.

Un Collectif dans lequel Actual semble bien décidé à s’installer durablement. Un nouveau bateau à horizon 2020 est-il dans les cartons ? Nous souhaitons évidemment continuer, ça passera d’une façon ou d’une autre par une évolution du bateau, mais je n’ai pas d’annonce à faire à ce stade-là”, répond le PDG d’une société en pleine croissance (550 millions de chiffre d’affaires) qui investit “entre 1,5 et 2 millions par an dans le sponsoring voile”. Une décision pourrait être prise au cours de l’année prochaine.

En attendant, Yves Le Blévec, qui n’a jamais passé plus de trois semaines seul en mer (sur la Mini), espère bien boucler son premier tour du monde en solo “en 90 jours” sur une route sans doute bien plus nord dans le Sud que celles empruntées par ses prédécesseurs… au point qu’il envisage avec son routeur Christian Dumard de passer au nord de l’Australie ! “Les deux scénarios sont prêts. Au moment du choix, j’aurai une bonne base de connaissances sur ce que je suis capable d’affronter avec le bateau.” Philippe Monnet, qui a en vain cherché un partenaire pour s’attaquer à cette première sur l’ancien catamaran d’Ellen MacArthur – “C’est l’échec de ma vie” – est en tout cas persuadé que le skipper de La Trinité-sur-Mer a les épaules pour entrer dans l’histoire : Il faut des mecs costauds pour aller là-bas, Yves est dans cette catégorie.”

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧