Après un chantier de refit et de peinture à ses nouvelles couleurs, Actual Ultim 4, l’ex Gitana 17, a été dévoilé mardi à Lorient avant d’être mis à l’eau le lendemain matin. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec Samuel Tual, le président d’Actual group.
Qu’avez-vous ressenti au moment de la sortie de chantier d’Actual Ultim 4 ?
C’était un moment assez magique et le résultat d’un travail remarquable réalisé par les équipes depuis six mois, cela a été une course contre la montre pour que tout soit prêt pour cette date. Le fait de révéler ce bateau sous ses nouvelles couleurs crée une émotion particulière. Ce n’est pas à proprement parler un nouveau bateau, donc on peut parler de deuxième naissance ou de renaissance, avec plein d’espoirs et des perspectives plutôt réjouissantes pour cet Actual Ultim 4. Cette nouvelle page génère des attentes et de l’impatience de voir ce beau trimaran se réaliser pleinement sous nos couleurs.
Qu’est-ce qui vous a décidé à l’acheter ?
Il y a trois raisons. La première, c’est que, depuis que nous sommes engagés dans la course au large, il y a 24 ans, chaque étape du projet sportif a correspondu à des dates précises de la vie de l’entreprise. En 2001, quand on a commencé le sponsoring voile avec Yves (Le Blevec) sur la Mini Transat, on avait 15 agences et on faisait 45 millions d’euros de chiffre d’affaires ; dix ans après, quand on a construit le 50 pieds (Ocean Fifty, Multi50 à l’époque), on avait 100 agences et on faisait 200 millions d’euros ; et en 2021, quand on a lancé Actual Ultim 3 (ex Macif), on avait 600 agences pour 1,6 milliard de chiffre d’affaires. Là, nous sommes dans une nouvelle séquence, avec un projet d’entreprise à horizon 2031 qui marque une ambition forte, celle de devenir l’acteur de référence en France sur le marché du travail, dans le domaine du recrutement temporaire et permanent. Et potentiellement d’atteindre les 3 milliards de chiffre d’affaires à cette échéance, dont une part significative à l’étranger, qui est un des enjeux du moment. Cette ambition forte se traduit par l’acquisition de ce bateau.
Et les autres raisons ?
La deuxième raison, c’est que quand on est compétiteur et qu’une telle opportunité se présente, on se dit que si on ne la saisit pas, ce sera un concurrent qui le fera. Et la troisième, c’est qu’on a avec Anthony (Marchand) un jeune marin performant (40 ans) à qui on offre la possibilité de grandir et de se réaliser avec un support à la hauteur de son ambition.
“Nous nous dotons des moyens
pour prétendre gagner”
Et donc l’ambition sportive, c’est de gagner ?
Quand nous sommes arrivés dans la classe Ultim, le fait d’y accéder était pour nous une étape très importante d’un point de vue stratégique, ça nous permettait d’accéder à une visibilité plus importante (qu’en Ocean Fifty) car la classe Ultim est par nature très exposée, mais nous n’avions aucune prétention de victoire, nous savions que nous avions un budget moins important et un bateau moins performant que les autres. Ensuite, des opportunités se sont présentées et nous ont à chaque fois permis de progresser, de monter une marche, cela a été le cas avec le rachat de Macif. Là, avec l’acquisition de Gitana 17, nous nous dotons effectivement des moyens pour prétendre gagner. A chaque étape correspond donc une ambition, qui est également corrélée au dimensionnement de l’équipe et au budget que l’on consacre au projet.
Cela veut dire que la pression est désormais sur les épaules d’Anthony Marchand ?
La pression, je ne sais pas si c’est le terme, mais il a aujourd’hui des capacités et un bateau qui est assurément l’un des plus compétitifs du circuit. On prend le départ du Fastnet dès la semaine prochaine, la Transat Café L’Or, l’enjeu de l’année, arrivera ensuite à grands pas, elle sera une étape très importante pour préparer le Rhum l’année prochaine. On a donc une feuille de route assez précise, j’ai fait ce qu’il fallait à mon niveau, c’est maintenant à Anthony de jouer !
Ce nouveau bateau s’accompagne-t-il d’une équipe plus étoffée ?
Oui, nous avons profité de cette nouvelle étape pour redimensionner l’équipe qui est d’une petite vingtaine de personnes aujourd’hui. La nécessité de maintenir à niveau ce bateau et de le faire évoluer, car il n’a pas dit son dernier mot techniquement, nous a conduits à faire venir des compétences que nous n’avions pas avant, notamment au bureau d’études.
“4 millions d’euros par an”
Qui dit bateau plus performant et équipe étoffée dit forcément augmentation du budget, pouvez-vous nous dire quel est celui alloué sur ce projet par Actual group ?
Le projet voile s’intègre dans un projet plus global de sponsoring sportif qui, lui-même, s’inscrit dans le budget de communication du groupe pour lequel c’est une nécessité de communiquer : si nos clients sont d’abord les entreprises, c’est aussi important que les candidats à l’emploi pensent à nous pour rechercher du travail, il y a vraiment une cible BtoC donc un enjeu de visibilité. Nous allouons une quote-part du budget du groupe à cet objectif, comme l’entreprise grandit et évolue, le montant de ce budget est mécaniquement plus important. En l’occurrence pour la voile, hors amortissement du bateau, le budget de fonctionnement augmente de 500 000 euros pour se monter à environ 4 millions d’euros par an.
Et combien avez-vous acheté le bateau ?
C’est une donnée que je ne communique pas, mais je l’ai acheté beaucoup trop cher à mon goût (sourire).
Mesurez-vous les retombées médias de votre investissement dans la voile et pouvez-vous nous donner les chiffres ?
Oui, bien sûr, en fonction des années, les retombées se montent entre 10 et 15 millions par an. Sachant qu’un tel projet permet aussi de faire vivre à nos clients et partenaires des expériences très fortes, ce qui se chiffre également en termes de progression d’activité. C’est aussi pour ça que ça dure, ces mesures nous permettent de confirmer que le sponsoring voile va dans l’intérêt de l’entreprise.
“Donner de la visibilité et
de la stabilité à la classe”
Vous avez investi en Mini, en Ocean Fifty, en Figaro, depuis dix ans en Ultim, jamais en Imoca, vous y êtes-vous intéressé, particulièrement au Vendée Globe ?
Je ne vais pas vous dire que la question ne s’est jamais posée, mais nous avons très vite arbitré pour la classe Ultim. Déjà, parce que dans l’entreprise, par nature, nous ne sommes pas trop des suiveurs, l’idée est d’essayer de se distinguer. Ensuite, parce que je trouve que les multicoques ont des atouts par rapport aux Imoca assez incroyables en termes de performances et de visibilité. L’objectif de la classe Ultim, c’est le tour du monde en solitaire en multicoque (l’Arkea Ultim Challenge-Brest), comme l’est le Vendée Globe pour les Imoca. On a un récit incroyable à raconter avec cette course exceptionnelle, je crois beaucoup à son potentiel et plutôt que d’avoir un bateau parmi d’autres, on pense que notre positionnement en Ultim nous permet d’avoir une plus grande visibilité.
Reste que les bateaux naviguent peu et que la classe, dont vous êtes le président depuis l’an dernier, n’a pas attiré de nouveaux entrants depuis des années, comment faire pour que cela soit le cas ?
C’est justement un des enjeux que nous avons définis dans le cadre de notre nouveau projet à trois ans. L’objectif est d’abord donner de la stabilité et de la visibilité à notre programme de courses, c’est-à-dire un calendrier sur quatre ans plutôt que de travailler d’une année sur l’autre. Sachant que dans ce programme, on veut aussi créer nos propres courses, parce qu’on estime que nos supports hors-normes méritent des terrains d’expression à la hauteur de leurs capacités. L’Odyssée Ultim en Méditerranée sera l’an prochain une illustration, mais ce n’est que le début d’une démarche que nous avons initiée. Cette stabilité et cette visibilité concernent aussi la jauge, actée sur les quatre ans à venir et qui donne un cadre très précis pour éviter les problématiques rencontrées par le passé. Tout cela doit nous permettre de répondre à notre autre gros enjeu qui est de développer la flotte. Ce sera le cas cette année, puisque nous aurons un nouveau bateau (Gitana 18), on sait qu’on ne passera pas de 5 à 20, ce n’est pas notre ambition, mais c’est important d’entretenir une dynamique et d’avoir un marché de bateaux de deuxième génération pour favoriser l’entrée de nouveaux projets. Enfin, nous avons une démarche d’innovations à l’étude, notamment en matière de détection d’ofnis, on aura des annonces à faire en fin d’année. Je pense qu’avec cette feuille de route, on coche pas mal de cases pour permettre à des projets de s’inscrire dans la durée dans notre classe.
A propos de nouveaux entrants, où en êtes-vous de la vente d’Actual Ultim 3 ?
Les discussions avancent, au point qu’il n’est pas complètement exclu que j’annonce dans les prochains jours l’entrée en négociations exclusives avec un acquéreur potentiel.
Photo : ATM Communication