Vendée Globe : les aventuriers ont tenu le coup

Au moment où les aventuriers du Vendée Globe, dans la foulée d’Eric Bellion (9e en 99 jours), vont se succéder sur la ligne aux Sables d’Olonne, trois experts, le directeur de course Jacques Caraës, et les anciens vainqueurs Alain Gautier (1992-1993) et Vincent Riou (2004-2005), contraint à l’abandon sur cette 8e édition, nous donnent leur avis sur les performances de ces marins venus avant tout pour “boucler la boucle”.
  • Moins d’abandons que prévu. Si les 8 marins encore en mer finissent, ce cru 2016-2017 sera dans la moyenne basse des abandons avec 11 sur 29 partants, soit 62% des marins à l’arrivée. Et parmi les très petits budgets (plus ou moins 500 000 euros) ou projets de dernière minute, un seul n’est pas allé au bout, celui de l’Irlandais Enda O’Coineen. Une surprise ? “Pour être franc, oui, répond, aussi surpris que soulagé, Jacques Caraës. Beaucoup de bateaux finissent alors qu’on aurait pu imaginer qu’ils n’iraient pas très loin, parce qu’ils avaient eu une préparation tardive et très peu de moyens. Je pense notamment à Alan Roura, qui bricolait jusqu’au dernier jour sur des choses assez essentielles et avait à peine vu ses voiles neuves.” Vincent Riou se montre de son côté moins surpris par le relativement faible taux d’abandon : “Le risque d’abandon vient de deux choses : du niveau technologique des bateaux et de la manière de les mener. Ceux qui sont plus dans la catégorie des aventuriers ont des bateaux de générations anciennes mais assez robustes, et ils ne les mènent pas au même niveau de performances que ceux qui jouent la gagne.”
  • Les révélations. Parmi les marins partis avec pour simple ambition de boucler la boucle, certains ont favorablement surpris nos experts. “Au départ, ça daubait pas mal sur Sébastien Destremau, et même s’il va mettre du temps à arriver, il est sur la route du retour”, souligne Alain Gautier, qui tient à mettre en avant “le remarquable état d’esprit” affiché par des skippers comme Eric Bellion, Alan Roura, Romain Attanasio ou Conrad Colman, le Néo-Zélandais dont il dit : “On l’a toujours vu déterminé et souriant, rarement abattu alors qu’il a eu son lot de galères. Même chose pour Eric Bellion, alors qu’on se demandait au bout de trois semaines de mer où il s’arrêterait, ce sont de belles révélations.” Qui pourraient profiter de ce Vendée Globe initiatique pour monter en grade lors des prochaines éditions (pas Bellion qui ne compte pas remettre ça), comme les néophytes du Vendée précédent, Tanguy de Lamotte et Louis Burton. “Ce premier Vendée Globe était une chance pour eux d’exister, peut-être que demain, ça va leur permettre d’accéder à des bateaux plus compétitifs et tant mieux, ils ont montré qu’ils étaient capables”, estime Jacques Caraës qui s’avoue bluffé par Alan Roura.
  • Trop d’aventuriers ? S’il se montre ravi de voir autant de skippers à l’arrivée, Vincent Riou regrette que le Vendée Globe accueille plus d’aventuriers que de compétiteurs. “Moins de 50% viennent pour la gagne et la compétition de haut niveau, il ne faudrait pas que ça s’amplifie encore. Je trouve qu’il n’y a pas assez de jeunes qui viennent faire du sport sur le Vendée Globe. Ce qui fait sa richesse, c’est que ça reste une course de haut niveau, c’est aussi cet aspect qui donne une vraie valeur à la performance des aventuriers.” Alain Gautier n’est pas forcément d’accord, rappelant d’abord que PRB, le sponsor de Riou, a débuté sur le Vendée Globe 1992 au côté de Jean-Yves Hasselin, dernier en 153 jours. Et le vainqueur de ce même Vendée Globe, d’ajouter : “Vincent pense sport, mais s’il n’y avait que de la compétition, cela n’intéresserait que 20% des gens qui s’intéressent au Vendée Globe aujourd’hui. Il ne faut pas se leurrer : la voile ne sera jamais un sport populaire, c’est la dimension aventure qui attire. Et s’il y avait 20 projets gagnants, 15 seraient déçus et ne reviendraient pas forcément. Là, cette année, il y a quatre divisions, c’est peu-être une de trop, mais je pense que chacun va retomber sur ses pattes en termes de retour sur investissement.”
  • Trop d’écart ? D’après les derniers routages, Sébastien Destremau pourrait finir entre le 9 et le 11 mars, soit en 125 jours environ, une cinquantaine de plus que le vainqueur Armel Le Cléac’h, un écart entre le premier et le dernier qui, en proportion, serait le deuxième plus important après celui de l’édition 2000/2001. “La fracture s’amplifie”, constate Vincent Riou. Trop ? “Probablement, en convient Jacques Caraës, c’est dû en bonne partie au fait que certains bateaux ont 19 ans de différence. Il faudra sans doute diminuer cet écart. Là, on avait quasiment quatre groupes, peut-être que trois c’est mieux.” L’une des pistes d’ores et déjà évoquée serait de mettre une limite d’âge aux bateaux : “Ce serait assez cohérent pour 2020 que l’Imoca limite l’inscription au Vendée Globe aux bateaux mis à l’eau après 2005”, poursuit le directeur de course, par ailleurs assez d’accord avec les skippers qui, comme Vincent Riou, demandent de relever le niveau de qualification. “C’est vrai que certains ont continué leur préparation pendant le Vendée Globe, c’est peut-être ce qu’il faut éviter. On a qualifié des gens en double par la Jacques-Vabre et 1500 milles en solo, ce n’est pas assez.” Des premières pistes en vue du prochain Vendée Globe…

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