Yoann Richomme analyse le Vendée Globe 2020

Départ aux fronts – L’analyse Vendée Globe de Yoann Richomme

Chaque semaine pendant le Vendée Globe, le double vainqueur de la Solitaire du Figaro, lauréat de la Route du Rhum 2018 en Class40, livre son analyse tactique et stratégique de la course, en exclusivité pour Tip & Shaft.

Les chevaux seront lâchés à 13h02 ce dimanche 8 novembre, un soulagement pour toutes les équipes qui voient enfin la course partir après tant de contraintes sanitaires. Un double soulagement car les conditions de navigation seront bonnes le jour du départ. La suite s’annonce cependant pleine d’embûches et seuls les meilleurs stratégistes vont parvenir à tirer leur épingle du jeu.

Regardons cela de plus près.

Dimanche, sur la zone du départ, un vent de sud à sud-est soufflera pour 15 à 20 noeuds, le ciel sera dégagé pour notre plus grand plaisir : on ne pouvait rêver meilleures conditions, le spectacle sera magnifique, avec des foilers à la fête pour un « run » départ en mode dragster ! Ils feront en effet route plein ouest avec un angle de vent réel de 90-100° (travers au vent), une allure particulièrement rapide pour les Imoca.

Deux fronts en première semaine

Ce vendredi, à 48 heures du départ, nous allons nous concentrer sur les routages d’ensembles qui permettent de connaître les différentes stratégies possibles.

Sur l’image ci-dessous, les différents scénarios du modèle américain (GFS) ont été testés pour router les foilers. On peut rapidement voir sur les différents routages les deux « pics » des passages de fronts qui animeront les premiers jours de course. Ces fronts semblent aujourd’hui assez costauds avec 30 à 35 noeuds de vent et des rafales à 40 noeuds.

 

 

Sur le premier segment de 330 milles entre les Sables d’Olonne et le 1er front (lundi 9 au matin), la majorité des scénarios proposent une route plein ouest pour aller chercher la bascule de vent à l’ouest le plus loin possible dans l’Atlantique. Avec une mer très calme jusqu’à minuit, on assistera alors à un concours de pure vitesse entre les marins.

Course de vitesse

L’enjeu sera d’importance, car le premier concurrent à toucher cette rotation pourra accélérer ensuite vers le sud en premier. Dans ces scénarios de chasse aux fronts, il est extrêmement dur de rattraper son retard car les premiers ont toujours un coup d’avance.

Le deuxième segment entre les deux fronts – 440 milles – consiste à aller virer de bord dans la dorsale d’un anticyclone au large du Portugal (mardi 10 au matin). Entre deux fronts il y a toujours une dorsale ce qui permet de respirer un peu : le vent baisse, la pluie cesse et le soleil pointe son nez. Les skippers pourront enlever les cirés et renvoyer de la toile, le vent tombera sous les 10 noeuds.

Dans ces moments-là, on pense souvent pouvoir se reposer mais, en réalité, le vent est instable en force et en direction, il faut donc être à fond sur les réglages car, encore une fois, le premier à toucher le vent de sud, de l’autre côté de la dorsale, pourra faire route pleine balle vers l’ouest et attaquer le deuxième front en premier.

Vous commencez à comprendre ? Les premiers arriveront encore au front en premier et bénéficieront d’un meilleur angle en sortie et pourront donc accélérer en premier… Les riches deviendront toujours plus riches !

Mardi soir, le gros morceau

L’approche du deuxième front (mardi soir) comporte plus de risques de dégâts, avec une mer de 4 mètres de haut dans l’axe de la route des concurrents. Le challenge, pour les foilers, sera de calmer le jeu pour ne pas tout casser en sautant les vagues.

Vu la longueur d’un Vendée Globe, il serait sage de préserver le matériel… facile à dire, mais compliqué à faire pour ces compétiteurs dans l’âme ! On l’a beaucoup entendu : les Imoca modernes ressemblent aux multicoques des années 2000 et il faut savoir doser dans le gros temps.

La suite est moins certaine, comme l’indiquent les routages ci-dessus : on distingue en bas de l’image deux familles, les rouges – décalés dans l’ouest – contre les bleus (rien à voir avec l’élection américaine).

Des décisions seront à prendre mercredi 11 et les options seront largement influencées par le deuxième front qui coupera en deux l’anticyclone installé près du Portugal. Comme le montre le schéma ci-dessous, il va se décaler vers l’ouest et les concurrents devront s’insérer derrière le front.

 

Image météo Yoann Richomme

 

On peut aussi noter une dépression « coincée » dans le sud des Açores. Sa position et son intensité sont incertaines et les échéances commencent à être lointaines pour parler avec précision.

Premiers jours intenses

La route n’est pas toute tracée, il faudra être bon en météo pour s’extraire dans le groupe de tête, avec beaucoup d’engagement pour tenir le choc des premiers jours de course intenses après trois semaines passées à terre sans naviguer.

En résumé, voici à quoi peut-on s’attendre sur ce début de course :

  • Une course de vitesse sur les premières heures de course sur une mer « praticable ».
  • Des routes vers l’Espagne/Portugal pour se protéger du plus gros de la mer et/ou panser ses plaies après le passage des fronts.
  • Une régate de type « Solitaire du Figaro » sur la première semaine générant des écarts avec ceux qui ne pourrons pas tenir le rythme.
  • Des choix stratégiques importants dès le mercredi 11 novembre, à la sortie de la deuxième dépression avant d’attaquer l’anticyclone.

Photo : Eloi Stichelbaut-polaRYSE/IMOCA | Portrait Yoann Richomme : MARC BOW Speedstream

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