Camille Lecointre et Aloïse Retornza, qui viennent de s'imposer à Miami, visent un podium à Tokyo

Comment l’équipe de France olympique prépare les JO de Tokyo

Pas de trêve hivernale pour les coureurs de l’équipe de France olympique. Les hostilités ont déjà repris en ce début d’année, de Melbourne à Miami, où s’est disputée la semaine dernière une étape des World Cup Series. Sur les dix séries, deux restent à qualifier et pour ceux qui ont déjà leur billet pour le Japon, le compte à rebours a commencé. Coureurs, entraîneurs et cadres se sont confiés à Tip & Shaft.

L’équipe de France presqu’au complet 
C’est au mois de juin dernier qu’a été annoncée la première sélection d’un athlète de l’équipe de France olympique (tous sports confondus), en la personne de Charline Picon en RS:X. Pas vraiment une surprise pour la médaillée d’or des Jeux de Rio qui, tout juste de retour d’une pause maternité de 18 mois, a empoché l’argent aux Mondiaux d’Aarhus en 2018. La France terminait d’ailleurs cette première épreuve qualificative pour Tokyo meilleure nation au compteur des médailles, qualifiant au Danemark sept séries sur dix. Restaient en suspens les 49er FX, Finn et Nacra 17. Dans cette dernière série, le sésame a été décroché aux récents Mondiaux d’Auckland grâce à la 10e place de Quentin Delapierre et Manon Audinet.

Pour que l’équipe tricolore soit complète, il faudra aussi qualifier la France en 49er FX et en Finn à l’occasion des World Cup Series de Gênes (11-19 avril), où un ultime billet sera attribué à la meilleure nation européenne non-encore qualifiée pour les Jeux (sous certaines conditions, le 49er FX pourrait être repêché avant). L’enjeu sera particulièrement important en Finn pour Jonathan Lobert qui espère disputer ses troisièmes Jeux consécutifs.

La qualification d’une série est une chose, la sélection d’un athlète ou d’un équipage en est une autre. C’est sur recommandation du comité de sélection de la FFVoile (composé du directeur de l’équipe de France, Guillaume Chielino, du DTN, Jacques Cathelineau, et du vice-président en charge du haut-niveau olympique, Jean-Pierre Salou) que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) décide de l’attribution des tickets. Dans plusieurs séries, la bagarre était serrée, notamment en Nacra 17, avec finalement le choix de Manon Audinet et Quentin Delapierre, préférés à Billy Besson et Marie Riou, quadruples champions du monde dans la série.

Volontairement absent des délibérations, l’entraîneur Franck Citeau analyse : “C’est sur la faculté qu’ils ont eu de combler leur retard en termes de vitesse et de maîtrise du support que Quentin et Manon ont gagné leur sélection. De leur côté, Billy et Marie ont payé leur programme multiple (SailGP, Volvo Ocean Race). Avec les foils, le Nacra 17 est véritablement un nouveau bateau et ils n’ont sans doute pas pris la mesure de ce changement…” Si Billy Besson (voir notre interview ci-dessus) met cet échec sur “la loi du sport”, Marie Riou, interrogée par Ouest-France, confirme l’analyse de Franck Citeau : “Avec le Nacra à foils, on est repartis de plus loin, il y avait beaucoup de choses à réapprendre”.

En RS:X hommes, c’est toujours le statu quo avec un référent, Pierre Le Coq, médaillé de bronze à Rio, contesté par Thomas Goyard et Louis Giard. Là aussi, le choix risque d’être cornélien pour la FFV. L’an passé, la pression de la sélection a conduit chacun à développer son propre programme d’entraînement. “Je rentre d’une longue session avec des partenaires étrangers à Villamoura au Portugal et je vais ensuite continuer aux Canaries avant les Mondiaux de Sorrento (23-29 février)Je sais qu’avec Pierre et Thomas, nous serons observés de près par la Fédération, explique Louis Giard. C’est en effet à l’occasion de ces championnats du monde dans la baie de Melbourne que devrait se dénouer la sélection, ce que confirme Guillaume Chiellino : “Ce rendez-vous est la référence annuelle que l’on donne aux coureurs. Ce sera capital“.

A ce jour donc, si huit séries sont qualifiées, seulement cinq équipages sont sélectionnés – manquent encore les heureux élus en RS:X homme, Laser et Laser Radial. “On ne se donne pas de date limite, mais l’ambition est de présenter une équipe au complet au mois de mars-avril, avant la Semaine olympique de Hyères”, poursuit Guillaume Chiellino. Pas d’empressement donc, même lorsque la sélection ne semble pas faire débat, ce qui est le cas en Laser. Représentant de la France lors des trois dernières olympiades, Jean-Baptiste Bernaz a qualifié la série à Aarhus il y a un an et demi, mais attend toujours le feu vert du CNOSF. “Je ne comprends pas très bien la position de la fédération. Sur le plan sportif, ça ne change rien à ma préparation, mais pour mes partenaires, c’est un peu dommage“. Vainqueur la semaine passée de Sail Melbourne, Bernaz devra sans doute attendre lui aussi le championnat du monde, qui aura lieu au même endroit fin février.

Quel programme à six mois des Jeux ?
Plusieurs incontournables attendent les athlètes d’ici juillet : des championnats du monde par série (Nacra 17, 49er, 49er FX, Laser, Laser Radial, RS:X, 470, Finn), des championnats d’Europe, la Semaine olympique de Hyères, deux épreuves des World Cup Series (Miami, qui vient de se terminer, et Gênes) plus la finale sur le plan d’eau olympique d’Enoshima, du 14 au 21 juin : “Ce sera le dernier rendez-vous et nous y participerons dans les conditions des Jeux, avec tous les sélectionnés et tout l’encadrement”, explique Guillaume Chiellino. Un encadrement qui compte plus de 21 personnes, entraîneurs, médecins, kinés, logisticiens, préparateurs et spécialistes météo et règlement. D’ici les Jeux, qui débuteront le 26 juillet, certains athlètes prévoient de naviguer plus de 150 jours, ce qui laisse peu de place à la récupération.

Ça va monter en puissance jusqu’à juillet, explique la spécialiste du 470 Camille Lecointre, qui, en compagnie d’Aloïse Retornaz, a été élue Marin de l’Année 2019 et vient de remporter l’épreuve des World Cup Series de Miami. Certains vont exploser en vol, d’autres ne navigueront pas assez et manqueront de repères. Il faut trouver le juste milieu”. Et garder la tête froide, comme l’explique Franck Citeau : “Aux Jeux, si tu arrives juste à naviguer à ton niveau, tu as des chances de décrocher une médaille. Il ne faut pas sur-naviguer.

Lundi, l’entraîneur rentrait de trois semaines passées au Portugal avec Quentin Delapierre et Manon Audinet pour travailler les départs, point faible avoué du double mixte, qui a entamé un véritable sprint pour être au rendez-vous de Tokyo. “D’ici les Jeux, nous avons un rétro-planning calé au jour près. Sept à huit championnats sont prévus. Quentin et Manon n’ont pas de partenaires d’entraînement et le meilleur moyen de progresser est de se confronter”. Au risque d’arriver sur les rotules à Tokyo ? Pour Jean-Baptiste Bernaz, qui écume les plans d’eau en Laser depuis plus de 15 ans, la fraîcheur avant la compétition est un élément-clef : En voile, l’aspect mental est primordial car il ouvre une certaine disponibilité sur le plan d’eau. Le problème, c’est que plus on se rapproche de l’événement, plus on a envie d’en faire…”

En parallèle de la préparation sportive des athlètes, ces derniers apportent un soin particulier au matériel, là encore un critère important de la performance. Si certaines séries sont monotoypes, d’autres (Finn, 470) répondent à des jauges à restrictions. “On peut toujours faire du développement, mais c’est sans limite si tu te lances là-dedans et il faut que le budget suive”, confie Camille Lecointre qui, s’estime plutôt bien lotie en la matière (elle et Aloïse Retornaz ont des partenariats avec Guyot Environnement et Serenis Consulting) :  “Le fait d’avoir obtenu notre sélection assez tôt est positive de ce point de vue, car c’est un bon signe pour les partenaires”.

Si les Laser forment un cas unique, puisque la série donne lieu à tirage au sort des bateaux et des voiles pour les Jeux, ailleurs, la monotypie n’est pas la garantie d’une équité absolue, loin s’en faut. “Certains flotteurs sont vite obsolètes, les mâts et voiles ne sont pas exactement identiques d’une série à l’autre. On ressent physiquement les différences sur chaque élément de la planche. C’est un des facteurs-clefs de la performance qui nous demande beaucoup d’attention”, confirme Louis Giard. En catamaran, Franck Citeau a la dent dure contre Nacra  “qui n’a pas mis les moyens pour accéder à une véritable monotypie, ce qui suppose d’acheter beaucoup de matériel pour ensuite trouver la combinaison qui fonctionne. Chaque équipage a son réglage.”

Un réglage qu’il faudra sans doute savoir adapter à l’instant T car la baie de Sagami, où se disputeront les épreuves, peut réserver toutes les conditions, comme l’ont montré les test-events :  grosse houle et vent du large renforcés par le thermique, pétole, vent de terre plus tordu sous le Mont Fuji. “En voile, nous avons un stade qui se déforme et n’est jamais exactement le même. D’où l’intérêt de l’analyser finement. Nous avons investi Enoshima dès 2017, explique Guillaume Chiellino. Et Camille Lecointre de conclure :  “Aux Jeux, il se passe forcément des choses improbables et il faut être prêt à ça”.

Photo : Pedro Sanchez/Sail Energy

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