Jean-Marie Liot sur la Normandy Channel Race 2022

Qui va gagner la CIC Normandy Channel Race ?

30 duos ont pris dimanche le départ de la 14e CIC Normandy Channel Race. Comme avant chaque grande épreuve, Tip & Shaft a réuni un panel d’experts pour évoquer les forces en présence : le directeur de course Christophe Gaumont, l’entraîneur lorientais Tanguy Leglatin, les skippers Mathieu PerrautMartin Le PapeErwan Le Draoulec et François Jambou, qui ont tous couru ou courent encore en Class40.

Avec son parcours d’environ 1 000 milles semé d’embûches, la CIC Normandy Channel Race a une place à part dans le paysage de la Class40. “C’est une course particulière, confirme son directeur de course Christophe Gaumont, un véritable sprint de course au large, avec un grand nombre de passages à niveau, jusqu’au tour de Guernesey qui peut s’apparenter à celui de la Guadeloupe sur la Route du Rhum. Les cartes sont sans cesse redistribuées.”

Troisième en 2022 avec Kevin Bloch sur Inter Invest, Mathieu Perraut confie : “L’an dernier, nous étions collés à trois bateaux à Guernesey avec Crédit Mutuel et Quéguiner, nous échangions à la VHF et Ian (Lipinski, skipper de Crédit Mutuel), nous avait dit : “De toute façon, la course commence à La Hague, ça m’avait marqué et ça résume assez bien cette épreuve, jusqu’au bout, il peut s’y passer trois milliards de choses.” Pour François Jambou, “c’est une course qui change des autres épreuves phares de la Class40, plus tournées vers le large. Autant il y a des courses sur lesquelles le bateau peut faire la différence, autant là, même si ça reste important d’avoir un bon bateau, le niveau technique des marins prend le dessus sur l’aspect matériel.

Tous nos interlocuteurs s’accordent ainsi à parler d’une “grande étape de Figaro”, avec ses courants et renverses de marée à gérer, les effets de côtes à négocier, un élastique qui ne cesse de se tendre et de se détendre, d’où des arrivées au finish souvent mémorables. Six secondes (!) ont ainsi séparé les duos Phil Sharp/Julien Pulvé et Louis Duc/Gwen Riou en 2018, une minute Aymeric Chappellier/Pierre Brasseur et Pietro Luciani/Pablo Santurde un an plus tard. Tandis qu’en 2022, Ian Lipinski et Ambrogio Beccaria ont devancé Corentin Douguet et Yoann Richomme de dix minutes.

 

Une météo particulière

 

Cette édition 2023, avec une participation record de 30 duos, promet une nouvelle fois d’être avant tout une bagarre de marins. Même si les conditions météo du moment, avec un bon flux d’est/nord-est parti pour rester encore en place pas mal de jours, pourraient favoriser certains bateaux par rapport à d’autres. “C’est vrai qu’avec ce nord-est assez fort, il y aura probablement beaucoup de reaching, une allure qui peut faire la part belle aux bateaux puissants dans ces conditions, comme les Lift V2 (plans Lombard). On peut imaginer qu’ils fassent un petit break sur la montée en Angleterre”, estime Tanguy Leglatin.

“On a vu sur la Route du Rhum et encore récemment sur l’ArMen Race une supériorité des Lift à certaines allures, ajoute Martin Le Pape. J’ai discuté récemment avec Morgan (Lagravière qui faisait équipe avec Xavier Macaire sur l’ArMen Race), il me disait que les Lift se sont barrés sur le premier bord de reaching et derrière, ils ne les ont plus vus de la course.” Deux Lift V2 ont en effet terminé aux deux premières places, Amarris (Achille Nebout) et Café Joyeux (Nicolas d’Estais). Mathieu Perraut modère : “Les bateaux sont tous un peu typés, donc tous très bons quelque part, ce qui, au vu du parcours, peut leur donner l’opportunité à certains moments de la course de se servir de leurs points forts.”

 

Nebout/Mahé ont la cote

 

Dans ces conditions, quels sont les favoris de nos experts ? Le duo qui recueille le plus de suffrages est celui composé d’Achille Nebout et de Gildas Mahé, tous les deux issus de la classe Figaro et qui naviguent sur le Lift V2 vainqueur de la dernière Route du Rhum avec Yoann Richomme. “Ils ont un super bateau, l’habitude de ce genre d’épreuve et de ce mode de fonctionnement”, estime François Jambou. Tanguy Leglatin ajoute : Je les trouve très complémentaires, capables tous les deux de faire de la trajectoire et de bien régler le bateau, avec des qualités différentes, si bien que quand l’un va être fatigué ou ne va pas y arriver, l’autre trouvera la solution.”

Derrière, on trouve Ambrogio Beccaria et Kevin Bloch“C’est un sacré duo, hyper complémentaire, avec en plus un bateau (plan Guelfi) qui a fini entre deux Lift sur le Rhum alors qu’il n’avait été mis à l’eau que quelques semaines avant le départ”, commente Erwan Le Draoulec qui a navigué l’hiver dernier aux Antilles avec les deux marins. Tanguy Leglatin était aussi de la partie, ce qui lui fait dire : “D’un côté, on a Kevin qui va sans cesse chercher des solutions pour aller toujours plus vite, de l’autre Ambrogio qui met beaucoup d’engagement, le tout sur un bateau qui a trouvé le bon compromis entre brise et medium. Autant la plupart des scows ont leurs points forts et leurs points faibles, autant celui-ci est performant quasiment tout le temps.”

Sur la troisième marche du podium, nos experts placent le tenant du titre, Crédit Mutuel, mené par Ian Lipinski et Antoine Carpentier“Ils seront sans doute un peu handicapés s’il y a de grands bords de reaching, mais l’un comme l’autre ont une grande connaissance de l’épreuve (trois participations pour le premier, six pour le second), ce qui est pour moi un vrai atout”, explique Christophe Gaumont.

 

“Xavier (Macaire) a gagné la Drheam Cup
sur un parcours assez similaire”

 

Xavier Macaire et Pierre Leboucher suivent de près. “C’est un duo solide, Pierre a beaucoup de talent, il peut apporter pas mal à Xavier sur des réglages, même s’ils auront peut-être un petit déficit de vitesse avec le bateau”, estime Martin Le Pape. Mathieu Perraut rappelle de son côté que malgré ça, “Xavier a gagné la Drheam Cup l’an dernier sur un parcours assez similaire.” 

Egalement cités par certains sur le podium figurent le duo Axel Tréhin/Nicolas Troussel – “Axel connaît très bien son bateau et le parcours a peu de secrets pour eux”, explique Erwan Le Draoulec -, mais aussi Fabien Delahaye et Corentin Douguet qui, en attendant que le premier prenne possession de son Lift V2 à la fin de l’été (voir notre interview), naviguent sur un Mach 40.5 loué à Alexandre Le Gallais (sans lien avec le sponsor du Normand, Legallais). “C’est clairement l’équipage le plus aguerri”, note Martin Le Pape, tandis que Christophe Gaumont se demande “s’ils auront eu le temps de fiabiliser et de mettre au point leur bateau”.

Parmi les outsiders, sont également nommés Alberto Bona et Pablo SanturdeNicolas d’Estais et Léo Debiesse et Aurélien Ducroz et Vincent, Riou, dont Martin Le Pape dit : “Vincent est un bon technicien qui va savoir bien régler le bateau, il commence en plus à avoir de l’expérience en Class40, il peut apporter beaucoup.”

Le podium de nos experts : 1. Achille Nebout/Gildas Mahé (Amarris), 2. Ambrogio Beccaria/Kevin Bloch (Alla Grande Pirelli), 3. Ian Lipinski/Alntoine Carpentier (Crédit Mutuel)

 

Groupe Berkem victime d’un incendie. Alors qu’ils faisaient route vers Caen pour rejoindre le départ de la CIC Normandy Channel Race, Edgard Vincens et Julien Pulvé ont dû abandonner leur bateau en mer (Lift V2 tout juste mis à l’eau), à cause d’un incendie à bord, avant d’être secourus par la SNSM. Un épisode raconté par le second sur sa page Facebook.

 

Photo : Jean-Marie Liot – Normandy Channel Race 2022

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