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Adrien Hardy : “Ça me plairait bien d’allier compétition et aventure”

Deuxième de la Solitaire URGO Le Figaro en juin dernier, Adrien Hardy disputera fin avril la Transat AG2R La Mondiale aux côtés de Thomas Ruyant et souhaite ensuite enchaîner avec la Route du Rhum-Destination Guadeloupe en Class40. Le skipper d’Agir Recouvrement revient pour Tip & Shaft sur son année 2017 et sur ses projets.

Quel bilan as-tu fait de ton année 2017 en Figaro ?
Je suis très content, c’est ma meilleure année en termes de résultats sur la Solitaire du Figaro, qui était vraiment mon objectif de la saison. Même si j’ai progressé de manière constante depuis mes débuts, je n’ai jamais réussi à atteindre ce niveau-là sur la Solitaire. J’avais certes gagné des étapes, mais je n’avais jamais réussi à être régulier sur quatre étapes, cette fois-ci, ça a été le cas. Il y a évidemment la petite déception de ne pas avoir gagné, mais cela a été une vraie satisfaction, ça m’a permis de faire un bon bilan de ces dix années en Figaro, avec mes forces et mes faiblesses.

Quelles sont ces forces et ces faiblesses ?
Mes forces, c’est d’abord que je n’ai jamais abandonné de course en dix ans, que ce soit en Mini, en Class40, en Figaro et en Imoca, je suis assez fier de ça. Ensuite, je pense que je suis plutôt à l’aise dans le mauvais temps, que j’arrive à trouver des solutions quand ça ne va pas et que j’ai une stratégie de course assez offensive, avec des choix assumés. Je suis content de faire ce que j’ai en tête, avec mon feeling et mon expérience. C’est peut-être aussi ma faiblesse, dans le sens où je suis parfois trop attaquant, je ne vais pas assez naviguer avec les autres et en fonction des autres. Il faut peut-être que j’arrive plus à switcher de mode dans les différentes situations pour être toujours devant.

As-tu tout de même l’impression sur la dernière Solitaire d’avoir un peu évolué, en prenant des risques plus calculés ?
Oui, je pense que j’ai progressé dans ce domaine, mais il faut aussi faire attention à ne pas trop rentrer dans le cadre. Chacun a son caractère, sa façon de naviguer, il faut aussi naviguer pour le plaisir en sentant les choses. Moi, je n’ai pas envie de faire comme-ci ou comme-çà, parce que tout le monde fait comme-ci ou comme-çà. Et c’est valable dans tous les domaines. Je parle d’indépendance d’esprit, de façon de faire, j’aime bien gérer mon truc comme je l’entends.

Que t’a-t-il manqué pour aller chatouiller un peu plus Nicolas Lunven sur la dernière Solitaire ?
Surtout de la vitesse au portant et de la polyvalence à toutes les allures. Nico était très rapide en portant et quand il n’y avait pas d’options possibles je ne pouvais pas rivaliser avec lui. Ce qui m’a d’ailleurs un peu sauvé, c’est que c’était une Solitaire globalement de près.

Evoquons maintenant la saison 2018 : quel est ton programme ?
Le calendrier de la saison n’est pas complètement fixé, mais mon objectif est de faire la Transat AG2R, puis la Route du Rhum en Class40, sans courir la Solitaire. Le Figaro 2, c’est bien, mais j’en ai fait beaucoup et j’avais envie de changement, de course nouvelle et de naviguer sur des bateaux plus rapides.

As-tu le bateau et es-tu inscrit pour la Route du Rhum ?
Non, ni l’un ni l’autre. Dans l’ordre, je cherche d’abord le bateau à louer, je passe pas mal de temps dessus en ce moment, je veux trouver un bateau performant pour avoir les armes pour gagner la course. Je ne suis pas là juste pour faire la Route du Rhum, j’ai envie d’avoir l’outil pour bien marcher, j’ai deux-trois pistes.

La liste des inscrits en Class40 est pleine avec déjà une liste d’attente, tu ne crains pas de te retrouver sur le carreau ?
Non, je ne suis pas plus inquiet que ça pour l’instant. Je pense que dans la liste, il y en a qui ne seront pas forcément au départ, on verra.

Avant le Rhum, il y  donc cette Transat AG2R La Mondiale en Figaro avec Thomas Ruyant, pourquoi l’as-tu choisi ?
Pour plusieurs raisons : d’abord, avec Thomas, on s’entend très bien, nous avons déjà fait deux courses ensemble, la Transat Jacques-Vabre en Imoca en 2015 et le dernier Tour de Bretagne. Il connaît très bien le Figaro et il a une polyvalence que j’ai aussi sur différentes transats et sur différents supports. Nous sommes plus proches que complémentaires. Ce que je redoute sur les courses en double, c’est qu’il y a parfois de l’inertie dans la prise de décision ou des prises de décisions qui résultent de compromis et ne s’avèrent finalement pas bonnes. Là, avec Thomas, nous sommes capables de prendre des décisions rapidement, sans avoir à négocier ; quand tu commences à vendre ton truc auprès de ton coéquipier, ce n’est pas très bon…

Quel sera ton objectif ?
La dernière fois avec Vincent Biarnès, on avait fait une bonne partie de la course en tête pour finalement terminer troisièmes avec un peu de déception à l’arrivée. Là, l’objectif est de faire mieux. Sur cette transat qui est lente au niveau de la vitesse des bateaux et par rapport aux systèmes météo, il y a des passages clés où il ne faut pas se louper, il faut bien les identifier et être devant au moment de les négocier. Ça nécessite d’être hyper précis sur les trajectoires et donc de beaucoup barrer. Il y a deux ans, on n’avait quasiment jamais mis le pilote.

Sais-tu déjà ce que tu feras par la suite ? Envisages-tu notamment d’acheter un Figaro 3 ?
Avec mon sponsor Agir Recouvrement, avec lequel j’entame ma onzième année, nous signons des contrats annuels à chaque fois. Ça ne me donne pas une visibilité de malade, mais ça me convient bien, ça permet de se remettre en question à chaque fin d’année. Pour ce qui est du Figaro 3, oui, je suis intéressé, mais je n’ai pour l’instant pas le financement pour acheter le bateau.

Quelles sont tes aspirations à plus long terme ?
Continuer en Figaro, c’est bien, parce que le côté compétition me plaît énormément. Après, je ressens un petit manque de bateaux de développement, rapides et fun. Donc clairement, ce qui m’attire, c’est le Vendée Globe avec cet aspect développement et vitesse, mais aussi le côté débrouillardise qui nécessite de solutionner des problèmes et le côté aventure qui me manque. Aujourd’hui, sur une course de Figaro, je pars vraiment pour faire une compétition sportive, il n’y a ni inconnu ni découverte, je sais ce qui va m’arriver. Si demain, j’avais la possibilité d’allier compétition et aventure, ça me plairait bien.

Ça te paraît loin le Vendée Globe ?
C’est sûr qu’en termes de budget et d’ampleur de projet, j’en suis loin. Sur le côté sportif en revanche, je suis quelqu’un de fiable et d’engagé, avec une certaine expérience du large et des différents supports. Techniquement et au niveau des compétences, je me sens capable de relever ce genre de défi.

Parallèlement à ton métier de skipper professionnel, tu t’es spécialisé dans la récupération en mer de bateaux, comme SMA l’année dernière, pour des sponsors et assureurs, peux-tu nous en parler ?
Oui, c’est quelque chose qui me plaît énormément et est complémentaire de la course au large. Ça fait appel à différentes compétences que l’on peut retrouver en course au large : il faut être très réactif, vite trouver des solutions à des problèmes toujours différents qui peuvent paraître insolubles. Tu as tel bateau à tel endroit, dans telle situation, qui a une balise ou non, il faut trouver un bateau et un équipage pour y aller, éventuellement le remettre à l’endroit, puis le remorquer… et tu dois organiser tout ça en quelques heures, parce que le temps est compté. Il y a de beaux challenges et de grosses montées d’adrénaline comme tu peux en connaître en course. Ça rejoint le côté aventure et imprévu qui me manque en Figaro et ça fait un peu le lien avec ma formation de marin de commerce. Je suis content de continuer à avoir un pied là-dedans, parce que si j’arrête la course au large dans cinq ou dix ans, j’aurai quelque chose d’autre.

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