Bilan de la Solitaire du Figaro 2020

Que retenir de La Solitaire du Figaro ?

La Solitaire du Figaro 2020 a couronné Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), désormais membre du cercle fermé des triples vainqueurs. Tip & Shaft dresse le bilan de cette 51e, à l’aide de plusieurs experts : Gildas Morvan, 22 Solitaires au compteur, Corentin Douguet, contraint à l’abandon à cause d’une blessure au dos après deux étapes, Christian Le Pape, patron du pôle Finistère course au large, Tanguy Leglatin, entraîneur du groupe de Lorient, Etienne Saïz, son alter ego du Team Vendée Formation, et l’Irlandais Marcus Hutchinson, créateur du Vivi Trophy récompensant le meilleur étranger de la Solitaire.

En remportant la 51e édition, Armel Le Cléac’h intègre le cercle fermé des triples vainqueurs de la Solitaire du Figaro, une victoire saluée par tous, à l’instar de Christian Le Pape : “Il a été solide mentalement, ça prouve que la Solitaire, ça se joue aussi au mental, on l’avait déjà vu avec Mich (Michel Desjoyeaux) quand il était revenu gagner sa troisième étoile en 2007 et qui avait joué un peu comme ça. Armel a prouvé à tout le monde, y compris à son partenaire, que c’était le taulier.

Marcus Hutchinson ajoute : “Grâce à son énorme expérience, Armel a une confiance qui lui donne suffisamment de certitudes dans ses prises de décision. Les options qu’il a tentées sur les deux premières étapes n’étaient pas des coups pour lui, c’étaient des évidences.” Pour Gildas Morvan, le skipper de Banque Populaire avait bien préparé son affaire : “Il a su analyser ce qui lui avait manqué l’année dernière, il a beaucoup travaillé, en naviguant un peu dans son coin pour essayer différentes configurations de voiles. Et sur l’eau, il a été agressif par moments, opportuniste quand il le fallait.

SAM GOODCHILD ET XAVIER MACAIRE PAS RÉCOMPENSÉS

A cela s’est ajoutée une dose de réussite sur la troisième étape qui lui a permis d’effacer un débours de 16 milles au passage des îles anglo-normandes sur la tête de course. Ce qui fait dire à Corentin Douguet : “En Bretagne Nord, il est au fond du car, il joue un premier petit coup en mer d’Iroise qui le fait revenir, ensuite, le fait de ne pas être devant quand la flotte rentre entre Belle-Ile et Quiberon lui permet de réagir quand il voit Yann (Eliès) et Sam (Goodchild) s’arrêter complètement. Avec d’autres, il envoie alors le spi pour glisser le long de Belle-Ile, ce qui le sauve au final. On ne gagne pas la Solitaire trois fois par hasard, mais il a été moins dominateur qu’il ne l’avait été en 2010, j’ai trouvé que d’autres avaient été plus impressionnants.

Etienne Saïz partage l’analyse du skipper de NF Habitat : “Ce n’est ni un hold-up ni un vol, mais, pour moi, il y avait des mecs meilleurs que lui cette année“. Et l’entraîneur du Team Vendée Formation de citer Xavier Macaire et Sam Goodchild qui, pour la plupart de nos experts, méritaient beaucoup mieux que leurs 11e et 17e places respectives au général. Corentin Douguet confirme : “Sam fait deux premières étapes très propres (9e et 2e) et sur la troisième, c’est le patron : de Dieppe à Belle-Ile, son plus mauvais pointage, ça doit être troisième… Quand tu vois l’étape de psychopathe que c’est, il faut vraiment être solide pour arriver à faire 400 milles dans les trois premiers. Ça part ensuite en cacahuète sur les 30 derniers milles, mais je trouve que sur l’ensemble de la Solitaire, il a été le plus homogène en termes de stratégie, de vitesse, et de placement, avec Xavier.”

Un Xavier Macaire dont Etienne Saïz, qui l’entraîne à Saint-Gilles Croix-de-Vie, dit : “Autant il avait parfois fait des bêtises, autant, là, il a bien navigué en régnant aux avant-postes. Après, peut-être qu’il a été un peu trop à la régulière, en mode Figaro 2, et qu’il fallait davantage sortir du paquet. Mais vu qu’il avait la vitesse, il ne voyait pas trop l’intérêt d’aller prendre des risques.” Pour Christian Le Pape, le parcours atypique de la 51e édition a aussi eu son importance dans le résultat final : “Les passages à niveau ont été assez épuisants, je ne suis pas fan de ce format qui ne met pas toujours en évidence le travail et le niveau.

TOM LAPERCHE PAS LOIN DE LA VICTOIRE

Cela a en revanche offert des rebondissements en cascade. Comme celui qui a permis à Frédéric Duthil, après avoir compté 20 milles de retard sur le leader, de remporter la troisième étape – grâce à une option sous Belle-Ile que, de son propre aveu, il n’aurait pas tentée s’il avait été dans le paquet de tête. Et de finir dauphin d’Armel Le Cléac’h au général, alors qu’il arrivait sur la course sans quasiment aucune préparation. Un hold-up ? “Je l’ai rarement vu aussi mal naviguer pendant les 400 premiers milles de l’étape, je lui ai d’ailleurs dit, et au final, il touche le jackpot. Il a eu un peu de réussite, mais c’est son quatrième podium sur la Solitaire, ça ne tombe pas du ciel non plus“, répond Corentin Douguet.

Pour Gildas Morvan, “la Solitaire, ce n’est jamais la loterie“, l’ancien skipper de Cercle Vert rappelle : “Fred a remporté le Tour de Bretagne l’année dernière avec Alexis Loison, une course référence… C’est un super barreur et régleur, il est maître-voilier, il n’arrête pas de naviguer sur différents supports, sa deuxième place est méritée.

Comme l’est, aux yeux de tous, la médaille de bronze de Tom Laperche qui a su assumer son statut de prétendant au podium. Pour Marcus Hutchinson, “Tom est un petit phénomène qui bénéficie d’un environnement favorable, entre sa famille et le pôle, je pense aussi que le binôme qu’il forme depuis deux ans avec Loïs l’a tiré vers le haut, j’ai d’ailleurs trouvé très bien qu’il en ait parlé lors de la remise des prix, ça montre aussi sa maturité.

Corentin Douguet ajoute : “Je ne serais pas étonné de le voir gagner une étape dans un an et la Solitaire dans deux, il faudra peut-être qu’il soit un poil plus incisif en stratégie pour aller chercher le titre.” Ce que confirme Christian Le Pape : “Cette année, son objectif était clair : il voulait jouer placé. Il y a des coups qu’il sentait mais qu’il n’a pas tentés parce qu’ils comportaient une prise de risque. Maintenant, pour jouer la victoire, il faudra peut-être faire des choix un peu plus affirmés.

KEVIN BLOCH, “UN PROFIL À LA ANTOINE KOCH”

Derrière le trio de tête, la bonne surprise vient de Tom Dolan, premier étranger et 5e au général, après deux premières participations décevantes (31e et 32e). Ce qui a changé ? “Le mental. J’ai vu un psychothérapeute qui m’a aidé à travailler sur la confiance en moi. C’est un des aspects les plus importants de ce sport“, nous répond l’Irlandais. Tanguy Leglatin, qui l’entraîne, dit de lui : “Ses résultats n’étaient pas à la hauteur de ce qu’il pouvait montrer, toutes les discussions plus orientées sur le mental et la gestion de projet lui ont permis de mieux exploiter ses qualités.

Une confiance dont a également fait preuve sur la dernière étape Kevin Bloch, 5e à Saint-Nazaire, ce qui a permis au skipper de Team Vendée Formation de terminer 12e au général et de remporter, à 25 ans, le classement des bizuths – la troisième victoire en quatre ans pour le pôle vendéen. Une surprise ? “Pas vraiment, répond Tanguy Leglatin. Il avait fait une super Mini-Transat en Pogo 2, c’est un petit jeune avec une tête bien faite, au fonctionnement atypique, avec pas mal de détachement par rapport à la compétition.” 

Christian Le Pape rappelle quant à lui que Kevin Bloch avait terminé troisième de la dernière sélection Bretagne CMB Espoir remportée par Tom Laperche, ajoutant : “C’est un joueur d’échecs, à l’aise dans le petit temps.” Ce que confirme son entraîneur Etienne Saïz : “Je l’avais recruté pour la manière dont il analysait les plans d’eau. Je m’étais dit qu’avec le Figaro 3, il fallait plutôt des mecs qui passent du temps à la stratégie que des excellents barreurs qui font avancer vite un bateau.” La suite pour le jeune ingénieur ? “Il n’exclut pas de revenir, mais il veut travailler dans un bureau d’études, je le vois plus comme un profil à la Antoine Koch, un mec bon sur l’eau et bon derrière les ordis.

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La Loire-Atlantique sera jusqu’en 2026 le lieu d’arrivée et de départ de la Solitaire du Figaro. Un partenariat dévoilé lundi par l’organisateur OC Sport Pen Duick et le président du conseil départemental, Philippe Grosvalet. Joint par Tip & Shaft, ce dernier en explique les raisons : “Nous sommes un territoire sur lequel la voile a son importance et nous souhaitons affirmer notre caractère maritime or nous n’avions pas de grande course attachée à notre territoire.” L’investissement du département ? “Aujourd’hui, je ne peux pas vous le dire, le département sera le partenaire majeur donc avec le financement le plus important, accompagné de la région Pays de la Loire, qui a donné un accord de principe pour un financement annuel, et les communes et inter-communalités pour les départs et les arrivées.” De son côté, Joseph Bizard, nouveau directeur général d’OC Sport Pen Duick (son interview complète ici), précise : “Ce nouveau dispositif nous permet de proposer une offre de partenariat-titre environ 30 ou 40% moins chère par rapport aux années précédentes, aux alentours de 600 000-700 000 euros.

Photo : Alexis Courcoux/La Solitaire du Figaro

 

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