Elodie Bonafous a bord du Figaro Queguiner-La Vie en Rose © Alexis Couroux copie

Comment la mixité progresse peu à peu dans la course au large

Les initiatives pour faciliter l’accès des femmes à la course au large se multiplient, notamment en Figaro : après la filière Région Bretagne-CMB, la Macif lance à son tour une sélection 100 % féminine. Quant à la Transat Paprec (ex AG2R), elle se disputera en double mixte dès 2023. Les lignes commencent-elles à bouger ? Tip & Shaft fait le point.

La course au large est l’une des rares disciplines dans laquelle hommes et femmes concourent ensemble, sur un même classement. Ce qui n’empêche pas les femmes d’être encore très minoritaires sur les lignes de départ. Mais les initiatives se multiplient pour encourager les navigatrices à se lancer. La dernière en date vient du programme Skipper Macif : la mutuelle, engagée depuis 2008 sur le circuit Figaro, a annoncé le 13 juillet que l’édition 2023 de sa sélection serait 100 % féminine.

“Ce n’est pas facile pour les femmes de se faire une place dans ce monde qui reste très masculin. Nous voulons leur donner l’opportunité d’avoir, pendant trois ans, tous les moyens à disposition pour progresser. C’est totalement cohérent avec les valeurs de la Macif en termes de mixité et d’équité, explique Hans Roger, directeur des activités mer de la Macif. Nous voulons être un acteur majeur dans l’évolution vers la mixité. La future Skipper Macif profitera d’un bon tremplin pour accéder à d’autres classes, comme l’ont fait ses prédécesseurs dans la filière : François Gabart, Charlie Dalin, Paul Meilhat…”

 

Macif comme CMB

 

La Macif rejoint dans la démarche la filière Région Bretagne-CMB, qui a lancé en 2019 le challenge Océane, pour confier la barre d’un Figaro Beneteau 3 à une jeune femme pendant deux saisons. “Depuis le lancement de la filière en 2011, aucune femme ne s’est imposée sur la sélection Espoir. Nous voulions qu’une fille puisse intégrer l’équipe, raconte Jean-Yves Nicolas, en charge du suivi du sponsoring voile au Crédit Mutuel de Bretagne. Dans notre groupe, nous menons des actions pour permettre aux femmes d’accéder davantage à des postes à responsabilité. Nous déclinons cette dynamique dans nos partenariats sportifs.”

La première lauréate a été Elodie Bonafous en 2020 et 2021. “Elle a rebondi par la suite, en devenant la nouvelle skipper du Figaro Groupe Queguiner. Elle vole désormais de ses propres ailes. Cela démontre tout l’intérêt du dispositif, poursuit Jean-Yves Nicolas. Chloé Le Bars lui a succédé pour les saisons 2022 et 2023. Le challenge Oceane sera-t-il reconduit les deux années suivantes ? “Les partenaires se réuniront fin 2022 pour décider de la suite”, répond ce dernier, avant de préciser : La sélection pour le challenge Espoir [Gaston Morvan en est le dernier lauréat, NDLR] est en cours et il est toujours ouvert aux femmes. On aura vraiment réussi quand une fille remportera cette sélection Espoir.”

Très engagée sur la question de la mixité va son association Horizon MixitéIsabelle Joschke se félicite de voir ces filières s’ouvrir davantage aux femmes : “Il était temps qu’on leur donne davantage de place dans ces sélections, mieux vaut tard que jamais. Je trouve ces initiatives très positives, et en même temps normales. La tendance ne peut pas facilement s’inverser toute seule, donc c’est important de donner un coup de pouce aux femmes.”

 

La Transat Paprec montre la voie

 

Cette tendance est également encouragée par des organisateurs de courses, à l’instar d’OC Sport Pen Duick qui, avec le partenaire titre Paprec, a annoncé début mai que les trois prochaines éditions de la Transat Paprec (ex-Transat AG2R puis Transat en Double) se disputeraient sur un format de double mixte. “Nous avons le sentiment que ce virage va être porteur pour la course qui va devenir un passage obligé pour les femmes afin qu’elles se forment au large et à l’excellence”, avance Joseph Bizard, directeur général d’OC Sport Pen Duick.

Sébastien Petithuguenin, directeur général de Paprec, ajoute : Le sujet de la mixité n’est pas nouveau pour nousNous avons un programme pour aider les femmes à haut potentiel à accéder aux postes de direction. En course au large, on a le sentiment que la base de femmes qui se lancent dans le très haut niveau est insuffisante. Le partenariat s’inscrit dans la durée pour laisser le temps au format de faire ses preuves, de convaincre les coureurs et les sponsors. Ce n’est pas un coup marketing.” Pour la première édition en double mixte, dont le départ sera donné le 30 avril 2023 à Concarneau, les organisateurs espèrent réunir une quinzaine de duos.

 

Et dans les autres classes ?

 

Les acteurs du circuit Figaro espèrent aussi que leurs initiatives permettront aux femmes d’accéder à d’autres classes et courses. La Volvo Ocean Race a été pionnière en la matière, avec la présence obligatoire de femmes dans les équipages depuis l’édition 2017-2018. Même chose pour SailGP qui, depuis fin 2021, impose à chaque Grand Prix une femme à bord des F50, tandis que lors de la 37e Coupe de l’America en 2024 à Barcelone, sera lancée pour la première fois une compétition 100% féminine en AC40.

En Ocean Fifty, Leyton a ouvert en 2021 les portes du trimaran mené par Sam Goodchild à plusieurs femmes, en collaboration avec le Magenta Project, ce qui a notamment permis à Mathilde Geron d’intégrer cette année l’équipage de Koesio d’Erwan Le Roux sur le Pro Sailing Tour. Du côté des Ultims, il reste du chemin à faire, comme le soulignait récemment Alexia Barrier – qui porte un projet de Trophée Jules Verne 100 % féminin – en constatant que sur les 25 marins engagés sur la Finistère Atlantique, il n’y avait qu’une seule femme, Amélie Grassi (à bord d’Actual) : “Au fait, messieurs ça vous coûte quoi d’embarquer des femmes ?”

La seule femme en question, par ailleurs skipper du Class40 La Boulangère Bio, commente : “L’environnement n’est pas hostile, les gens sont contents une fois que tu es à bord, c’est juste qu’il n’y a pas encore le réflexe de solliciter des femmes. Le plus dur, c’est de rentrer, et même pour un homme, ce n’est pas facile d’aller faire de l’Ultim pour la première fois. Il faut créer l’opportunité. À bord, ça ne change rien d’être une femme ou un homme, j’ai peut-être un peu moins de puissance à la manivelle, mais si on gagnait des courses juste sur ce critère, ça se saurait ! Des petits gabarits brillent au large, ce ne sont pas les meilleurs athlètes qui font les meilleurs coureurs.”

Sur la Drheam-Cup, Élodie Bonafous a été embarquée sur SVR-Lazartigue, ce dont la figariste se réjouit : “François (Gabart) m’a proposé d’embarquer dans un contexte où la présence de femmes n’est pas imposée. On m’a sollicitée pour mes qualités de marin, et uniquement cela. J’ai eu ma place à bord, on m’a fait confiance. C’était une superbe expérience. Les femmes ne sont pas moins performantes, elles ont juste moins d’opportunités de s’exprimer.”

 

Photo : Alexis Courcoux

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