corentin horeau sur la solitaire du figaro

Corentin Horeau : “J’étais persuadé que j’allais revenir en Figaro”

De retour cette année sur le circuit Figaro Beneteau après quatre ans d’absence, Corentin Horeau a pris la quatrième place de la première étape de la Solitaire du Figaro entre Saint-Nazaire et Lorient, à 1h36’23 du vainqueur, Xavier Macaire. 24 heures après l’arrivée, le skipper de Mutuelle Bleue pour l’Institut Curie, 31 ans, est revenu sur ces débuts et évoque son parcours ces dernières années.

Quelle analyse fais-tu de la première étape de la Solitaire du Figaro ?
Sur le début, il y avait pas mal de stratégie avec des petits choix à faire au portant entre les angles, il fallait caler les empannages aux bons moments, ensuite, le retour au près, c’était surtout de la vitesse, même s’il fallait aussi bien se placer, Skipper Macif (Pierre Quiroga) a fait un super placement à un moment qui lui a permis de sortir bien devant. On va dire que c’était un grand parcours banane, avec un retour qui a été long, je ne crois pas qu’on avait déjà fait 48 heures de près dans l’axe comme ça. Par contre, on a pu bien dormir, parce que quand on règle bien le bateau au près, c’est possible de bien dormir sous pilote, ça ne sert à rien dans ces conditions de se faire tremper dehors, d’autant qu’il faut éviter de se cramer en vue des prochaines étapes. Personnellement, sur l’avant-dernière nuit, je n’ai pas arrêté de dormir, je pense que j’ai dû enchaîner une trentaine de siestes de 20 minutes, ça fait beaucoup pour une étape de Solitaire.

Es-tu satisfait de ton résultat ?
Mon objectif sur cette première étape était de faire un top 10 voire un top 5 et surtout de ne pas me faire éliminer d’entrée de jeu en vue de la suite, donc, je suis content, j’aurais signé tout de suite pour un tel résultat avant le départ. J‘ai encore progressé sur cette étape, c’est de bon augure pour la suite, je me suis senti assez à l’aise un peu partout, même si je vois que je le suis encore un peu moins que certains au portant VMG et dans la molle, où je ne sais pas trop où me situer.

Xavier Macaire a frappé fort sur cette première étape, on a l’impression qu’il est au-dessus du lot, qu’en penses-tu ?
Oui, dans la tête, il a l’air assez convaincu ; il est là pour gagner, tout le monde le sait et tout le monde le voit. Après, il y a quatre, cinq, six mecs qui ont un avantage technique sur le bateau, qui sont là depuis trois ans, ils le connaissent bien, on sent qu’ils sont habitués à le régler. Il y a Xavier, mais aussi Tom (Laperche), Pierre (Quiroga), Alexis (Loison) qui a de bonnes phases, j’en oublie sans doute, mais on voit qu’ils ont une belle maîtrise du bateau.

“Je suis convaincu que
ce circuit me convient bien”

Cette expérience, c’est ce qui te sépare d’eux ?
Oui, je pense que je suis un peu encore en retrait sur le réglage du bateau, mais à chaque course et à chaque étape, je progresse en regardant les autres, en essayant des choses. Ils ont un « background » de trois ans que je n’ai pas ; jusqu’ici, je n’avais fait que des petites piges, mais je le savais avant le départ et c’est un challenge intéressant. Sur la Solitaire, tout ne se joue pas sur la vitesse : avec la stratégie, il y a moyen de compenser ce côté technique. Xavier a pris un petit avantage en temps sur cette étape, Pierre est aussi bien devant, mais depuis deux ans que la Solitaire est passée en Figaro 3, on voit qu’il y a pas mal de rebondissements et d’écarts en temps qui se font et se défont, donc je suis content d’être où je suis. On sait que si on rate la première étape de la Solitaire, dans la tête, ça devient vite compliqué pour la suite.La semaine dernière, dans notre article consacré aux favoris de cette 52e édition, Yann Eliès nous disait que la Solitaire était une course faite pour toi, qu’en penses-tu ?
Oui, j’ai lu ça, c’est plutôt agréable d’entendre ça de la part d’un mec qui a gagné trois fois la Solitaire, ça m’a rajouté de la confiance, je sais que la lecture de cet article peut avoir un impact sur les gens, je ne suis pas le seul à le penser, donc ça me fait plaisir. Après, je suis en effet convaincu que ce circuit me convient bien, c’est aussi pour ça que j’avais envie de revenir, mais ça ne veut pas dire pour autant que je vais faire des quatrièmes places ou mieux à chaque fois.Pourquoi avoir fait une aussi longue pause entre ta dernière Solitaire, en 2016, et celle-là ?
Parce que je n’avais fait que du Figaro pendant quatre ans et j’avais envie de changer de support. Pour revenir encore plus fort, c’était important de reprendre de l’envie, du peps et de la fraîcheur, parce que quand on ne fait que ça, ça devient usant. Du coup, j’ai fait plein d’autres choses, notamment du plus gros bateau, ce qui m’a beaucoup servi, car quand on revient ensuite sur un bateau plus petit, tout paraît plus facile. J’avais déjà constaté ça quand je faisais du Figaro : quand Armel (Le Cléac’h), Jérémie (Beyou) ou Yann (Eliès) revenaient sur le circuit au milieu de leurs projets Imoca, ils se sentaient vraiment à l’aise. C’est un peu ce que je ressens, tout est plus fluide et plus simple. J’ai toujours été persuadé que j’allais revenir, même si ça faisait deux ans que je cherchais des partenaires sans trouver ; c’est une partie du job compliquée, jusqu’ici, j’avais eu la chance d’être passé par le dispositif Bretagne CMB, je n’avais pas eu besoin d’en chercher.

“Le coup parfait pour
me relancer sur le circuit”

Comment as-tu trouvé ton partenaire ?
En fait, ça a commencé lorsque j’étais sur le Jules Verne avec Sodebo, Elodie (Bonafous) m’avait envoyé un mail pour me proposer de faire la transat en double. C’est une course que j’avais envie de faire, j’avais suivi Elodie sur le Tour de Bretagne en 2019 et je l’avais trouvée à l’aise en tactique, sa Solitaire l’année dernière était aussi intéressante, donc j’ai dit banco. Je me suis alors dit que c’était le coup parfait pour me relancer sur le circuit, comme les entraînements m’ont permis de progresser techniquement sur le bateau, je me disais qu’ensuite, j’aurais juste à trouver un bateau et un tout petit budget pour faire la Solitaire. Et finalement, entre les deux étapes de la Sardinha Cup, OC Sport m’a proposé ce projet avec Mutuelle Bleue pour l’Institut Curie, j’ai accepté tout de suite, ça s’est bien enchaîné.Que t’ont apporté les autres expériences que tu as vécues depuis 2016 ?
J’ai navigué avec des gens super forts, plein de profils différents. Par exemple Quentin Delapierre et Kevin Peponnet (en Diam 24), ce sont des mecs qui sortent des Jeux olympiques, ils sont très pointus, j’ai beaucoup appris à leurs côtés sur l’aspect régate pure et sur le fait de ne jamais rien lâcher, ce sont de grands compétiteurs. Ensuite, Thomas Coville et Yann Guichard sont des skippers qui ont une énorme expérience du large, des monstres d’endurance capables de rester des heures à la barre, c’est très impressionnant. Juste le fait de discuter avec ces gens-là, c’est super riche. J’ai aussi navigué en Suisse en D35, je sais que j’avais un déficit dans le petit temps, je pense avoir acquis un peu plus de finesse lors des navigations sur le lac Léman. J’ai aussi fait beaucoup de Moth à foil, avec une approche du foil qui m’a beaucoup appris, toutes ces expériences, ce n’est que du plus pour la suite.

“J’aimerais bien faire une année
supplémentaire de Figaro”

Justement, quelle sera la suite pour toi ? Ton partenariat est prévu jusqu’à quand ?
Pour l’instant, ce n’est que sur la Solitaire, mais on réfléchit sur la suite avec OC Sport. Est-ce que ce sera en Figaro ou sur un autre support ? Est-ce que Mutuelle Bleue va continuer ? Pour l’instant, on ne sait pas du tout, on verra après la Solitaire. Maintenant, j’aimerais bien faire une année supplémentaire de Figaro avec un vrai gros budget qui me permette de faire une saison complète, sinon, pourquoi pas du plus gros bateau, de l’Imoca, de l’Ocean Fifty, mais avec mon propre projet ?En attendant, tu continues ta collaboration avec Sodebo ?
Oui, j’ai eu la chance d’avoir été sélectionné dans l’équipage l’année dernière pour le Trophée Jules Verne, malgré l’année Covid, on a pu beaucoup navigué et la tentative de record a été une expérience unique. Passer 45 jours en mer sur une telle machine, c’est un privilège, on a beaucoup appris sur le bateau. Là, il y a de belles modifications qui sont en train d’être faites (notamment des safrans relevables, NDLR) et vont apporter plus de performance et de sécurité, on va voir ce que ça va donner. Et effectivement, je continue à travailler avec l’équipe, avec l’objectif d’aider Thomas et Thomas (Coville et Rouxel) à préparer la Transat Jacques Vabre. Je serai remplaçant avec Matthieu Vandame, donc dès que j’aurai terminé la Solitaire, je vais naviguer avec eux et on sera les derniers à sauter du bateau au Havre.Comment vois-tu le plateau en Ultim avec l’arrivée cette année de deux nouveaux bateaux, Banque Populaire XI et SVR Lazartigue ?
C’est top de voir ces bateaux qui sont vraiment aboutis au niveau aéro, il y a eu un gros travail de fait dans ce domaine. Ce qui est un peu embêtant en revanche, c’est que les Ultims tapent souvent des choses, ça nous est arrivé sur le Jules Verne l’année dernière, Gitana aussi, ça leur est encore arrivé il n’y a pas longtemps ; sur un Jules Verne, on se dit qu’on a 60 à 70% de probabilité de toucher quelque chose, c’est un vrai sujet sur lequel toutes les équipes travaillent beaucoup. En tout cas, les performances de SVR Lazartigue ont l’air assez impressionnantes, on en discute avec Tom (Laperche, qui sera co-skipper de François Gabart sur la Jacques Vabre), sans toutefois se dire trop de choses car on ne peut pas dévoiler nos secrets, mais il a bien apprécié ses premières navigations. Banque Populaire aussi a l’air assez abouti, ils ont fait une bonne campagne de tests lors de leur tournée en Méditerranée, j’ai hâte de voir ce que ça va donner sur la Jacques Vabre. C’est un truc de fous, on a la chance en France d’avoir ces bateaux, il faut s’en rendre compte.
Photo : Alexis Courcoux

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧