Jean Paul Mouren a couru sur la Solitaire du Figaro en course au large

La saga des figaristes/épisode 1 : Jean-Paul Mouren, fidèle entre les fidèles

Du 31 juillet au 21 août, Tip & Shaft vous propose une série d’été consacrée à la Solitaire du Figaro, dont la 51e édition s’élancera de Saint-Quay-Portrieux le 30 août. Quatre portraits de personnalités ayant marqué l’histoire de la course. Pour ce premier épisode, place au détenteur du nombre record de participations – 28 dont 25 consécutives ! -, le Marseillais Jean-Paul Mouren.

C’est par le biais du Tour de France à la voile que Jean-Paul Mouren va croiser pour la première fois la route de la Solitaire du Figaro : “Je travaillais à l’époque chez Jeanneau. En 1982, comme le Tour passait en Rush Royale, un bateau justement construit chez Jeanneau, je me suis dit que c’était l’occasion de m’aligner. Je me suis alors précipité chez Gaston Defferre [alors Maire de Marseille, NDLR] pour lui demander de soutenir un équipage marseillais”, se remémore aujourd’hui le navigateur.

L’équipage en question fait merveille, puisque Ville de Marseille remporte l’édition 1982 du Tour de France, ouvrant à son skipper les portes de la Solitaire du Figaro. “Elf Aquitaine venait à l’époque de lancer sa filière Skipper Elf qui récompensait le skipper vainqueur du Tour de France en lui permettant de courir la Solitaire l’année d’après. J’ai bénéficié de cette sorte d’ascenseur social, ce qui était bien pour moi, parce que vu de Marseille, le Figaro, ça ne disait rien à personne, c’était inaccessible, un truc entre Celtiques”, ajoute Jean-Paul Mouren.

Le voilà donc, à l’été 1983, à 30 ans, au départ de Perros-Guirec à la barre d’un half-tonner dessiné par Philippe Briand, avec l’impression de découvrir un nouveau monde : “Je n’avais aucune prétention, parce que je ne connaissais pas du tout mon niveau en solitaire et parce que je n’avais pas pu m’entraîner. Le bateau était en effet arrivé tout juste pour la course, on faisait encore les réglages des haubans sur la ligne de départ avec Philippe Briand.”

Malgré cela, il signe une prometteuse 12e place, son cinquième meilleur résultat en 28 participations, et revient avec plein d’images en tête : “Je garde un souvenir merveilleux de cette première, notamment de la première étape vers Kinsale, les trois nuits en mer, les plateformes gazières, l’ambiance des pubs sur place, c’était la première fois que j’allais en Irlande, ça ne manquait ni de charme ni de découverte. Kinsale restera d’ailleurs ma destination préférée : les arrivées vers 16h au Fastnet avec le soleil qui commence à descendre, les 50 derniers milles le long d’une côte sans aucune construction, j’avais toujours l’impression d’avoir la même vision, un peu intemporelle, que celle qu’ont dû avoir les Vikings quand ils sont arrivés sur ces côtes. C’est cette dimension de voyage qui m’a fait aimer cette course, c’était comme des vacances dynamiques.”

S’il subit un an plus tard “un abandon forcé” pour sa deuxième participation – “On m’avait empêché de prendre le départ de la dernière étape depuis La Corogne, parce que la quille du bateau bougeait !” – et qu’il connaît un trou de quatre ans entre 1986 et 1989 faute de financement, il revient sur la Solitaire en 1990, première année du Figaro Bénéteau 1, pour enchaîner… 25 éditions consécutives, évidemment un record ! Avec, à l’arrivée une sixième place en 1991 comme meilleur classement (il a terminé quatre fois parmi les dix premiers).

Peut-être que j’ai manqué un peu de prétentions sportives, je n’ai ni été malchanceux, ni brillant, mais ça me contentait très bien. J’étais dans une sorte de zone de confort, j’aimais bien faire mon Figaro tous les ans. Et au fur et à mesure, le circuit a grandi, ça donnait quatre-cinq mois d’exposition sportive, on commençait une saison sur deux en allant à Saint-Barth, on finissait parfois à Istanbul, je préférais faire ça à la Route du Rhum tous les quatre ans, le Figaro me comblait sportivement, explique le Marseillais.

Qui compte tout de même des victoires de prestige en Figaro, comme la Transat AG2R 2008 avec Laurent Pellecuer. Il ajoute : Sur la Solitaire, on n’a de toute façon que ce qu’on mérite, on ne doit rien à personne et c’est aussi une des raisons pour laquelle j’y suis revenu chaque année. J’ai fait plus de 100 étapes, le plaisir a toujours été total, parce qu’il vous appartient, vous gravez l’océan de votre plume, ou plutôt de votre coup de barre.”

Son dernier coup de barre sur la Solitaire, Jean-Paul Mouren, qui se vante d’avoir inventé “le sponsoring durable” en fidélisant des partenaires sur la durée – notamment Marseille Entreprises et Snef, aujourd’hui aux côtés de Xavier Macaire – l’a donné lors de l’édition 2014, la soixantaine passée : “Sur mes deux dernières participations, je me prenais toujours un peu les pieds dans le tapis, j’avais perdu la niaque, A un moment, je me suis dit que je n’étais plus crédible, je ne me voyais plus aller voir les dirigeants de Snef pour leur demander de me payer mes vacances, j’ai préféré me retirer.” 

Sans aucun regret, mais avec beaucoup d’images en tête et la fierté d’avoir bataillé, lui le Marseillais, face aux cohortes de Bretons, dont il dit : “Je vénère les Bretons. Ils ne craignent pas l’eau froide, n’ont même pas mal au dos quand ils dorment sur du gravier en granit, j’ai un grand respect pour eux.”

A 67 ans, Jean-Paul Mouren continue à naviguer et à organiser chaque année la Charte du Plaisancier avec la Société Nautique de Marseille. Il suit la Solitaire, même s’il trouve qu’elle a un peu perdu de son charme d’antan : “Aujourd’hui, j’ai plus l’impression de voir une course de cyclistes très préparés, c’est un peu moins poétique.”

Photo : Alexis Courcoux

Une série d’été soutenue par : Le cabinet Bourhis soutient la course au large et La Solitaire du Figaro

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