Marie-Claude Fauroux sur la Solitaire du Figaro en 1971

La saga des figaristes/épisode 3 : Marie-Claude Fauroux, à jamais la première

Du 31 juillet au 21 août, Tip & Shaft vous propose une série d’été consacrée à la Solitaire du Figaro sous la forme de quatre portraits de personnalités ayant marqué l’histoire de la course. Ce troisième épisode est consacré à la première femme à avoir disputé (et terminé) la course, Marie-Claude Fauroux. Qui, à 74 ans, garde des souvenirs bien précis de ses grands débuts au large.

Elodie Bonafous et Violette Dorange sont les deux seules femmes inscrites sur la 51e édition de la Solitaire du Figaro et il y a fort à parier qu’aucune d’entre elles n’a déjà entendu parler de Marie-Claude Fauroux. Cette dernière est pourtant une véritable pionnière, première femme à avoir participé à la Solitaire, alors appelée la Course de l’Aurore, lors de la deuxième édition, en 1971.

A l’époque, la navigatrice, si elle s’apprête à disputer sa première course au large, est loin d’être une inconnue dans l’univers de la compétition. Initiée à la voile lors de vacances passées à Cannes, où son père banquier, mais accessoirement bricoleur touche-à-tout – talent qu’il transmettra à ses trois enfants -, sera bientôt nommé directeur de la Banque de France locale, elle fait ses armes en Moth « à restrictions » (qui deviendra plus tard le Moth Europe), dériveur en plein développement dans les années 1950 et 1960.

Son grand frère Jacques (futur architecte naval de renom) est ainsi sacré champion du monde de Moth en 1960, elle est à son tour titrée huit ans plus tard à Cannes sur Pitchoune, bateau construit de ses propres mains, avant d’enchaîner sur un titre européen. Ce qui lui vaut d’être récompensée en 1970 d’un Neptune d’Or, trophée décerné par le magazine Neptune, succédant ainsi à des marins de renom comme Eric Tabarly ou Bernard Moitessier. “Comme je n’avais pas de sous pour me rendre à la remise du prix organisée dans le cadre du Salon nautique qui se tenait alors au Cnit de La Défense, j’avais contacté un chantier local, S.E.B. Marine, qui construisait les Aloa, pour leur proposer de présenter leurs petits modèles, ils ont accepté et m’ont envoyée à Paris”, se souvient-elle aujourd’hui.

Là, au cours d’une discussion tournant autour de la Transat anglaise lors d’une soirée organisée par le chantier en question, son PDG Robert Juchs, lance à Marie-Claude Fauroux : “Et vous, Marie-Claude, vous ne la feriez pas, la Transat ?. L’intéressée ne se démonte pas : “Je lui ai répondu sur le ton de la boutade : « Si vous me donnez un bateau, pourquoi pas ? ». Sur le coup, ça ne va pas plus loin, mais, juste après, un entraîneur national que je connaissais bien me conseille de retourner voir M. Fuchs pour lui dire que ma proposition est sérieuse, j’y suis allée, il m’a dit qu’on en reparlerait.”

Et ils en reparlent très vite, puisque quelque temps plus tard, lors de l’émission de radio Pop-Club sur France Inter animée par José Artur à laquelle Robert Juchs et elle sont invités, la jeune femme, interrogée par ce dernier, réitère son intention de courir la Transat anglaise, convaincant le PDG de S.E.B. Marine de lui donner les moyens : “Il faisait beaucoup de promo pour son usine qu’il voulait vendre, il avait déjà décidé d’inscrire un Aloa avec Yves Olivaux, je pense qu’il s’est dit que s’il en alignait un deuxième avec une femme, et que si elle arrivait aux Etats-Unis, ça ferait une pub énorme.”

Seulement, pour prétendre s’attaquer aux 3 600 milles de la traversée de l’Atlantique en solitaire dans le sens est-ouest, il faut un minimum d’expérience et c’est alors qu’un journaliste de L’Aurore propose à Marie-Claude Fauroux de disputer la deuxième édition de la Course de L’Aurore, prévue en août. Ce qu’elle fait sur un Aloa 34 pas vraiment taillé pour l’épreuve : “C’était un bateau beaucoup trop gros pour rentrer dans la jauge IOR de l’époque [le rating devait être égal ou inférieur à 21,7 pieds, NDLR], il avait donc fallu couper le mât, réduire les voiles, ce n’était ni fait ni à faire, le plan de voilure n’était pas du tout adapté.”

En se présentant au départ de Brest en août 1971, la jeune femme, alors âgée de 25 ans, n’a en outre pas eu du tout le temps de s’entraîner, accaparée par son nouveau poste de conseillère technique régionale à la direction Jeunesse et Sports. “C’était une expérience à tous points de vue : ma toute première course au large, puisque jusqu’ici, je n’avais quasiment fait que du dériveur, je n’avais jamais utilisé de régulateur d’allure, rien n’était prêt. En revanche, je savais bricoler et ça m’a bien servie, parce que j’ai eu pas mal de pépins à bord, notamment des fuites d’eau un peu partout.”

Et une déchirure de spi au départ, provoquée par le trois mâts Le Bel Espoir, alors bateau suiveur avec les journalistes à bord, ce dernier s’étant approché trop près de l’Aloa 34 pour permettre aux photographes de faire leur travail ! “A l’arrivée à Santander, les journalistes étaient embêtés, parce qu’ils avaient fait un film du départ mais ne pouvaient pas le diffuser, à cause de toutes les insultes que je leur avais lancées !” sourit aujourd’hui la septuagénaire.

Malgré cela, la navigatrice termine 6e de cette première étape et 6e au classement général final au terme de la seconde à Pornic (voir le film de l’INA relatant cette deuxième édition), reléguant derrière elle des pointures telles qu’Eugène Riguidel ou Alain Gliksman. A la grande surprise de ses concurrents. “A l’étape en Espagne, ils m’avaient tous dit qu’ils ne pensaient pas que j’arriverais jusqu’à Santander. Une fille à l’époque en course au large, ce n’était pas forcément bien vu. Mais moi, comme j’étais baignée dans cet univers depuis toujours et que j’avais été élevée un peu comme un garçon, comme mes frères, ça ne me posait de problèmes.”

Cette expérience lui permet en tout cas d’être la première femme à boucler la Course de l’Aurore puis, moins d’un an plus tard, de prendre le départ de la Transat Anglaise. Qu’elle est également la première femme à terminer, toujours sur son Aloa 34, 14e sur 55 d’une course remportée par Alain Colas sur Pen Duick IV et qu’elle racontera dans un livre, Première sur l’Atlantique (éditions Arthaud).

Deux aventures en solitaire qui resteront pourtant sans lendemain, puisque Marie-Claude Fauroux ne remettra plus jamais ça , ni sur l’ancêtre de la Solitaire du Figaro, ni sur la Transat anglaise. “Par la suite, j’ai repris mon poste à la direction Jeunesse et Sports, puis je me suis mariée avec un monsieur qui avait un chantier naval, Neptune Saint-Raphaël, que j’ai dirigée pendant très longtemps. Avant de m’occuper d’un shipchandler à Fréjus puis d’un autre à Antibes, Ydra Marine, que j’ai quitté il y a une douzaine d’années. Si bien que depuis la Transat anglaise en 1972, je n’ai couru qu’en Méditerranée et en équipage, y compris au large, sur des épreuves comme la Giraglia, la Minorca, la Croisière Bleue”. A 74 ans, Marie-Claude Fauroux, toujours membre de la Société des Régates d’Antibes, continue de régater avec la même passion !

Photo : DR


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