Christopher Pratt Lady First

Christopher Pratt : “Mon objectif est d’avoir un partenaire à moi”

Après avoir disputé sa première Transatlantic Race en janvier à bord du Mylius 60 Lady First 3, Christopher Pratt va découvrir, toujours avec le même équipage, la Rorc Caribbean 600, course à travers les Antilles qui s’élance lundi. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec le Marseillais.

 

► Comment t’es-tu retrouvé embarqué dans le projet Lady First ?
L’aventure a commencé il y a cinq ans grâce à Jean-Paul Mouren [skipper marseillais qui détient le record de participations à la Solitaire du Figaro, 28, NDLR] que, pour la petite histoire, j’avais appelé en sortant de mes années 420 il y a plus de vingt ans pour naviguer avec lui sur son Figaro, il m’avait alors appris les bases du bateau et du solitaire. Il m’a rappelé il y a cinq ans pour me proposer de faire la Middle Sea Race avec Jean-Pierre Dréau, le propriétaire de Lady First – à l’époque un Grand Soleil 50 – dont il gérait le projet. Jean-Pierre a ensuite acheté Lady First 3, un Mylius 60, le projet a alors un peu changé d’envergure et il m’a proposé de m’occuper de la gestion sportive. Ce qui implique le choix des courses auxquelles on participe, la logistique, l’administratif, les inscriptions, la composition de l’équipage… Sachant que c’est un projet quasiment 100% amateurs, avec parfois un ou deux pros à bord ; en général, on tourne avec Xavier Macaire, Ronan Treussart et moi, on est rarement les trois ensemble, même si ce sera le cas sur la Caribbean 600. En tout, ça me prend une quarantaine de jours de navigation par an, sans compter tout ce qui est back-office.

► Vous fixez-vous des objectifs sportifs ou est-ce vraiment un projet plaisir pour le propriétaire ?
C’est un cahier des charges assez hybride, un mix souhaité par le propriétaire entre, d’abord, avoir un bateau à la fois beau et marin, ce qui est le cas, on est à plus de 15 000 milles aujourd’hui, donc le pari est réussi. Et en même temps un bateau qui lui permette de faire des sorties plaisir à la journée avec des amis à Marseille ou de participer à des épreuves comme les Voiles de Saint-Tropez… Autour de nous, il y a des équipages 100% pros ou presque, ça n’est pas du tout notre cas, on n’est pas dans le format d’un bateau comme Teasing Machine [mené par Eric de Turckheim et un équipage qui mélange pros et amateurs, NDLR]. On n’est pas non plus dans un format croisière, on a des bannettes amovibles de partout, on met les gens au rappel, on essaie de faire du mieux possible sur les courses auxquelles on participe dans un certain confort et dans une ambiance bon enfant. Mais c’est un projet super intéressant car ça reste un gros bateau qui ressemble en ce sens à de l’Imoca, même s’il est deux fois et demi plus lourd, avec les mêmes surfaces de voile, on hérite d’ailleurs de tout ce qui se fait en Imoca. Personnellement, j’adore faire ça, tu rencontres des gens passionnants, c’est hyper riche.

 

“Une autre manière
d’approcher la voile”

 

► Cela peut-il te permettre de te faire un réseau de partenaires pour tes projets plus sportifs ?
Je suis doué pour m’entendre très bien avec tous ces gens-là, mais je ne sais pas demander, certains sont plus forts que moi dans ce domaine ! Mais il y a plein d’histoires de sponsoring qui se sont faites comme ça, Corum en est le bon exemple, Nico (Troussel) a navigué avec le patron de Corum (Frédéric Puzin), ça a bien matché et ils sont partis dans l’aventure Class40 avant de passer en Imoca. Donc oui, ça peut aider, mais je le vois plus comme une autre activité, une autre manière d’approcher la voile. En plus, on fait quand même des courses incroyables : là, on vient de faire une transat en janvier, on enchaîne sur la Caribbean 600, on fera peut-être la Middle Sea Race, le programme est assez génial. Nos courses en France sont top, mais la Transat Jacques Vabre, ça part toujours du Havre, la Route du Rhum toujours de Saint-Malo ; là, on voit des choses différentes et un autre univers. Pour la Caribbean, je vais aller pour la première fois à Antigua, une Mecque de la voile dans les Caraïbes, j’ai hâte de découvrir ça. Les propriétaires qui mettent un peu de moyens pour participer à ce type de courses se comptent sur les doigts d’une main en France, il y en a plus dans le monde anglo-saxon. C’est intéressant de croiser tous ces gens, c’est un réseau qu’on n’a pas trop l’habitude de côtoyer chez nous, où on est un peu dans notre entre-soi de figaristes et d’Imoca.

► Que représente une telle activité pour ta société MarSail ?Aujourd’hui, le versant sportif dans son ensemble représente environ un tiers du chiffre d’affaires, ça inclut la partie gestion de projet comme Lady First 3, mes navigations sur Charal ou autres, et du coaching. J’entraîne surtout des gens qui font des courses comme la Transquadra ou la Cap Martinique, parfois des figaristes – j’ai un peu travaillé l’année dernière avec Pierre Quiroga. Les deux tiers restants, c’est la partie entreprises : nous sommes un organisme de formation certifié depuis trois ans, nous faisons donc de la formation au management en utilisant la voile comme outil pédagogique, comme certains le font avec le cheval, la montagne… Ça commence à bien grossir, on a fait une très belle année 2021, on est aujourd’hui presque sept à plein temps et on a pour ambition de continuer à développer cette activité. On vise environ un million d’euros de chiffre d’affaires dans les trois-quatre ans à venir, contre 350 000-400 000 en 2021.

 

“L’aventure avec Charal
est terminée”

 

► Revenons sur le sportif et ton année passée avec Charal, quel bilan avez-vous tiré de votre Transat Jacques Vabre avec Jérémie Beyou ?
Ça fait quatre fois que je fais troisième de cette transat, donc j’en ai un peu marre (sourire), mais quand on regarde la physionomie de la course, on n’a pas grand-chose à se reprocher. On était un petit cran en dessous en termes de vitesse et de performance pure par rapport aux deux premiers, pour autant, on a quasiment fait jeu égal avec eux pendant toute la course, avec des écarts très faibles. On a été plutôt inspirés stratégiquement, donc ce n’est pas une course que je termine en me disant qu’on a raté un truc et qu’on aurait pu gagner. On termine troisièmes parce qu’il y a une génération de foils d’avance sur les deux bateaux qui terminent devant nous ; dans les conditions de vol, on était clairement un ton en dessous, ça ne pardonne pas, parce qu’on parle vite de delta de 2-3 nœuds pendant quelques classements. On a vu notamment au début Apivia aller 3 nœuds plus vite que tout le monde au près débridé, il n’y avait pas grand-chose à faire d’autre que de regarder !

► Quelle est la suite pour toi avec Charal ?
L’aventure s’est terminée après la Transat Jacques Vabre. C’était une superbe aventure mais comme toutes les belles histoires, elle a une fin. Mon objectif maintenant, c’est le même que depuis toujours : avoir un partenaire à moi pour construire quelque chose dans la durée et être au départ de toutes les plus grandes courses au large. Avec mon équipe, nous sommes tournés vers l’avenir, en particulier le Vendée Globe 2024. C’est une course qui m’attire toujours énormément. L’édition qui se profile s’annonce particulièrement attrayante avec énormément de bateaux neufs et des skippers incroyables qui vont y participer, j’ai non seulement envie d’y être mais d’y être avec un projet pour jouer la gagne. Donc nous sommes en train de finaliser notre dossier de financement pour être au départ sur un bateau compétitif. J’espère pouvoir en dire plus dans les semaines qui viennent. Et quoi qu’il arrive, je serai sur l’eau au large, il y a plein de choses géniales à faire : une Ocean Race qui arrive dans moins d’un an, des courses en Ultim et en Ocean Fifty, un tour du monde en Class40…

Ouest-France évoque l’hypothèse que Charal 1 soit mené par un-e autre skipper que toi, peux-tu confirmer ?
Je ne peux pas m’exprimer sur ce sujet, je suis certain que Charal le fera en temps voulu. Comme je te le disais, pour moi, l’aventure s’est terminée après la Transat Jacques Vabre, j’ai passé trois ans incroyables avec le team sur ce bateau et j’en garde de super souvenirs.

Photo : Gilles Martin-Raget

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧