Imoca Macif

La New York Vendée au crible des experts

Alors que la New York-Vendée-Les Sables d’Olonne est proche de son épilogue – Charlie Dalin est attendu dans la nuit de samedi à dimanche -, Tip & Shaft a interrogé plusieurs experts pour analyser cette semaine de course, marquée par une flotte très étalée et des options radicalement opposées. On fait le point avec les skippers Tanguy Le Turquais et Paul Meilhat, et le consultant météo de l’épreuve, Christian Dumard.

Pour cette seconde édition de la dernière épreuve qualificative pour le Vendée Globe 2024, nos experts relèvent que les skippers n’auront pas eu le scénario classique, pour une transat d’ouest en est, d’une navigation au portant. “Il y a eu un anticyclone positionné très nord et pas de circulation des systèmes dépressionnaires, si bien que les marins se sont retrouvés bloqués et certains ont dû faire des trajectoires excessives, comme celle de Boris Herrmann (très nord) ou celle du groupe qui est passé au sud des Açores, analyse Tanguy Le Turquais, rentré en convoyage sur Lazare après The Transat CIC. C’est un scénario qui peut arriver, mais le fait que cette situation dure aussi longtemps est un peu plus rare.”

Le talweg qui s’est dressé en début de course sur la route des 28 marins leur a donné du fil à retordre. C’est extrêmement compliqué de traverser un talweg dans ce sens-là, précise Paul Meilhat (Biotherm) rentré lui aussi de New York en convoyage suite à une avarie survenue sur son foil bâbord pendant The Transat CIC. La flotte était dans du vent de nord en arrière d’un front qui se déplaçait à 10 nœuds. Quand ils rattrapaient ce front, au sein duquel le vent passait du nord au sud, il y avait une phase de transition avec du vent plus faible et très instable, et là, il fallait continuer à aller plus vite que 10 nœuds de moyenne, ce qui est extrêmement compliqué. Le positionnement a toutefois pu jouer, car on a vu que c’est bien passé par le nord”, où étaient d’ailleurs positionnés Boris Herrmann (Malizia-SeaExplorer) et Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance) qui ont réussi à s’extirper de cette situation.

Christian Dumard souligne de son côté que “les conditions instables, passant d’un vent assez faible à un vent fort, ont contraint les marins à beaucoup manœuvrer. Boris et Charlie ont donc peut-être été plus à l’attaque et ont moins réduit dans les grains.” Le second a notamment pu exploiter le potentiel dans ces conditions de son plan Verdier : “Avec sa carène un peu plus tendue, c’est probablement le plus polyvalent des bateaux récents, il va vite au près et dans les transitions, confirme Paul Meilhat. Après ce passage de front, Charlie Dalin a opté “pour une trajectoire très centrée qui lui correspond vraiment”. Ce qui permet au Havrais d’être désormais, selon nos consultants, sur la voie royale pour une arrivée en vainqueur dans la nuit de samedi à dimanche.

 

“Boris a misé gros”

 

Après le passage du talweg, Boris Herrmann a opté de son côté pour une route beaucoup plus radicale, au nord de l’anticyclone“En tant que spectateur à terre, j’ai trouvé cela palpitant, ça a mis du jeu, note Tanguy Le Turquais. Mais en tant que régatier, je trouve qu’il a un peu joué au poker car en s’écartant ainsi de la route pendant presque deux jours avec autant d’incertitudes sur la météo, il a misé gros.”

De son côté, Christian Dumard n’est pas si surpris par la route prise par le skipper allemand puisque pas mal de routages donnaient la route nord gagnante. Mais cela pouvait être très bon comme très mauvais, il y avait une grosse prise de risque et la dorsale à passer était un passage un peu compliqué. Mais une fois dans la partie est, il y avait du vent portant pour redescendre.” Boris Herrmann est d’ailleurs monté très nord, à 300 milles du cap Farewell (sud du Groenland), créant ainsi un écart latéral de 1 200 milles avec le groupe des sudistes dans la journée de jeudi !

Le skipper de Malizia-SeaExplorer possède, pour nos experts, une petite avance confortable sur le groupe passé au sud des Açores, et “sans casse ni problème technique, il devrait terminer deuxième dans la nuit de dimanche à lundi, après un long bord en tribord amure et probablement un empannage vers l’arrivée”, conclut Christian Dumard.

 

Bataille au près pour la 3e place

 

Au sud des Açores et de la zone de protection de la biodiversité, un groupe de huit bateaux, menés par Thomas Ruyant (Vulnerable) et Jérémie Beyou (Charal), vainqueur de la première édition, ainsi que Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) bataillent au près pour la troisième place – groupe orphelin depuis jeudi de Sam Goodchild, qui a démâté. “Et ça va durer jusqu’à l’arrivée, mentionne Paul Meilhat. La gestion va être un peu compliquée car il y a 35 nœuds de vent au cap Finisterre avec une mer vraiment pas sympa. Ils vont devoir faire une aile de mouette, un grand bord vers le nord pour faire un virement dans l’anticyclone et aller chercher la layline pour mettre le cap sur les Sables d’Olonne.” Si Christian Dumard confirme qu’il y a “un passage tonique au cap Finisterre”, il se demande toutefois “s’ils iront jusque-là ou s’ils passeront plus au large.”

Et à cette allure de près, le plus à l’aise semble être Charal, ajoute le spécialiste météo. Ce que confirme Tanguy Le Turquais : “Jérémie semble un peu mieux armé. Son bateau est plus typé pour le près que celui de Thomas Ruyant. Mais ils ont l’air d’être tous les deux à 100%, et l’un comme l’autre, ils ne vont rien lâcher. Et derrière, même si Sébastien Simon a un peu décroché, rien n’est joué, il a encore le podium à portée.”

Un dernier groupe de 17 skippers, mêlant bateaux à dérives et foilers, progresse sur une route médiane dans du près léger. “Ça n’avance pas beaucoup, ça doit être laborieux et un peu long, souligne Paul Meilhat. Ils tirent des bords le long de l’anticyclone, ce qui est assez intéressant niveau météo, puisque plus ils vont au nord, meilleur est l’angle pour aller aux Sables d’Olonne, mais moins il y a de vent. Ceux qui sont positionnés au sud sont donc plus avantagés.” 

 

“Une flotte super homogène
d’une quinzaine
de bateaux à foils “

 

Parmi eux, figure Maxime Sorel (V and B-Monbana-Mayenne) qui va faire une belle remontée, estime Christian Dumard. Il va croiser devant tout le monde pour aller taper dans l’anticyclone et quand il va virer de bord, il aura du vent plus adonnant en bâbord amure.” Derrière lui, se trouvent Romain Attanasio (Fortinet), Yannick Bestaven (Maître Coq V) dont l’étai de J2 a cassé jeudi après-midi, l’obligeant à réduire la voilure ainsi que Nicolas Lunven (Holcim-PRB), qui a cassé son bout-dehors alors qu’il évoluait en 3e position au troisième jour de course (espar qui avait déjà cassé sur The Transat CIC). “Mais a priori; il n’en aura pas besoin, note Tanguy Le Turquais, car ils devraient finir sous J2.”

Ce dernier estime par ailleurs que Violette Dorange, située un peu plus au nord, pourrait tirer son épingle du jeu avec son bateau à dérives léger et bien typé pour le près et le petit temps, mais lorsque la flotte va récupérer le flux de nord et finir au travers jusqu’à l’arrivée, les foilers devraient aller vite et creuser l’écart.”

Après ces deux dernières transatlantiques avant le Vendée Globe, quels enseignements pourra-t-on en tirer ? Paul Meilhat met en avant le fait qu’il existe aujourd’hui une flotte d’une quinzaine de bateaux à foils qui est super homogène en termes de vitesse et que le niveau de fiabilité est impressionnant. Il y a eu très peu d’avaries, que ce soit à l’aller ou au retour, et si le Vendée Globe se passe comme ça ce sera extraordinaire !”

De son côté, Tanguy Le Turquais note que “la génération des nouveaux foilers est un cran au-dessus de la génération 2020, mais il n’y a pas un seul grand favori qui sort du lot. Même chose chez les bateaux à dérives, il y a aussi un beau match, puisque ce n’est jamais la même personne qui a le lead, donc ça s’annonce super intéressant.”

Photo : Ronan Gladu / disobey. / Macif

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